Edito
20H40 - mardi 12 février 2013

Le peuple de la révolution se réveille à nouveau

 

Jusqu’où la troïka en place dirigée par les islamistes d’Ennahdha laissera-t-elle la violence gangréner et menacer la révolution tunisienne ? Chokri Belaïd, leader historique d’un petit parti d’extrême gauche, a été assassiné ce matin à la sortie de son domicile de deux balles dans la tête.

Il était intervenu ces derniers jours dans les médias tunisiens pour s’en prendre violemment aux islamistes au pouvoir. Le week-end dernier, dans la ville du Kef (au nord-ouest de la Tunisie), lors du congrès régional du Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU), le secrétaire général du parti avait accusé Ennahdha « de constituer des milices recrutées parmi les travailleurs des chantiers ». Des militants de ce parti avaient aussi été agressés par l’intrusion de groupes islamistes.

Sous réserve de ce que l’enquête judiciaire dévoilera si elle est menée de façon indépendante, les commanditaires de cet assassinat politique sont sans doute à chercher dans les milieux islamistes favorables à la violence.

Désormais, on peut attendre (et l’on espère) une très vive réaction de la société civile tunisienne alors que les réseaux sociaux tunisiens s’emballent déjà. Garant, plus que tout autre, des valeurs de sa révolution, le peuple de la révolution va descendre dans la rue pour dire NON à la violence.

Surtout, cet assassinat va être le révélateur public des divergences internes au sein du parti islamiste, entre la ligne dure de Rached Ghannouchi et celle, plus libérale, du Premier ministre Hammadi Jebali.
S’il y a des modérés, comme on nous le dit sans cesse, parmi les islamistes d’Enhadha, il faut qu’ils se fassent connaître clairement aujourd’hui en condamnant la violence. Il est temps qu’Enhadha fasse le ménage dans ses rangs, que son leader Ghannouchi condamne lui aussi avec la plus grande fermeté, et pas seulement dans les médias et les dîners mondains, les groupuscules salafistes qui prônent la violence. Il est temps que le gouvernement arrête les leaders des ligues auto-proclamées, dites “de protection de la Révolution”.
Tout groupement politique faisant appel à la violence doit être être interdit au nom de la loi pour que le jeu politique s’assainisse enfin. Le grand intellectuel et poète tunisien, Abdelwahab Meddeb, disait craindre un scénario de type « Allemagne des années 30 » où un parti violent et dictatorial était arrivé démocratiquement au pouvoir par un glissement fait d’intimidations, d’assassinats ciblés et de terreur distillée dans la société. Et d’ajouter que, sur le modèle de la Constitution allemande qui interdit les partis violents, la Tunisie doit adopter le même texte dans sa prochaine Constitution.

Pour les Tunisiens qui ont fait la révolution, les islamistes pro-violents ne doivent pas, n’auront pas le dernier mot.

 

Michel Taube