International
08H00 - vendredi 12 octobre 2012

Médias et démocratie : la meilleure et la pire des choses ?

 

Les médias et leur rôle au sein de la démocratie ont été au cœur des discussions du Forum mondial de la démocratie.

Comme la langue d’Ésope, les médias seraient-ils à la fois la meilleure et la pire chose en démocratie ? En tout cas, deux dimensions se confrontent dans la relation entre médias et démocratie. Dans des pays pas encore démocratiques, anciens et nouveaux médias donnent de la force au processus de démocratisation. Mais sitôt la démocratie installée, se pose la question d’une utilisation responsable de leur toute neuve liberté d’expression.

Les médias sociaux, ou nouveau médias, soulèvent notamment la question des responsables en cas de contenu offensant, haineux ou menaçant. Melissa Eddy, journaliste à l’International Herald Tribune, fait remarquer que « dans les médias anciens, on peut s’adresser à un responsable de rédaction ou un rédacteur en chef. Mais qui est responsable du contenu d’un média social, qui est supposé rendre des comptes, et comment ? ». Elizabeth Linder, représentante de Facebook, évoque les conditions d’utilisation définies par le réseau social, sans pleinement convaincre. En effet, elles sont élaborées et mises en œuvre de façon fort peu transparente, par une organisation « qui vend nos informations privées pour faire du profit », comme le rappelle vertement une jeune membre du public.

En revanche, Wikileaks reçoit un soutien inconditionnel, voire admiratif. « Wikileaks relève du droit d’informer, et sans accès à l’information, il n’y a pas de démocratie, dit en toute simplicité Tawakkul Karman, prix Nobel de la paix 2011. Jillian York, militante américaine pour la liberté d’expression ajoute que « les donneurs d’alerte sont très importants, dans tous les domaines, en médecine, à l’école, etc. Les poursuites américaines contre Wikileaks envoient un très mauvais signal ».

Tous les intervenants soulignent par ailleurs le rôle majeur des réseaux sociaux dans l’émergence de nouvelles démocraties. « En Azerbaïdjan, le métier de journaliste est tellement surveillé que les jeunes ne veulent pas travailler dans les médias traditionnels », raconte le journaliste Eynullah Fatullayev. Pour s’exprimer et faire passer des informations, la jeunesse azérie s’est tournée vers internet, utilisant tant les médias sociaux que les commentaires sur les sites de médias plus traditionnels. « Aujourd’hui, Facebook compte plus d’1 million d’inscrits, c’est le média le plus populaire en Azerbaïdjan. Il pallie le manque de médias traditionnels crédibles », ajoute Eybullah Fatullayev.

Les médias sociaux interagissent aussi avec les médias traditionnels. « Les nouveaux médias n’ont pas remplacé les anciens », remarque Jillian York, Au contraire, les deux sont de plus en plus intégrés dans un système de poids/contrepoids. Ils se corrigent sans cesse les uns les autres, améliorant ainsi l’information des citoyens. » Tawakkul Karman renchérit: « L’époque où les correspondants étaient les seuls à faire l’information est révolue. Ils sont surveillés par des centaines de journalistes citoyens qui corrigent une erreur sitôt qu’elle apparaît. »

Moez Masoud, leader religieux et journaliste audiovisuel, pointe la responsabilité des médias traditionnels face au risque d’informations incorrectes ou biaisées. « Un journaliste doit être conscient des préjugés et de la vision du monde liés à sa culture, insiste-t-il. Il lui faut consciemment en tenir compte pour adopter une approche pluriculturelle et transparente. » Moez Masoud renvoie dos-à-dos journalistes arabes et occidentaux : « Quand j’ai dit que l’Occident n’est pas un bloc monolithique, on m’a traité d’agent des États-Unis. Mais trop souvent, les journalistes occidentaux tombent dans le même travers et traitent le monde musulman comme une entité unique, ignorant ses débats internes. »

Est-ce à dire que les médias traditionnels sont à la remorque des médias sociaux ? Voire. Les révolutions de couleur (Ukraine, Géorgie…) se sont faites sans Twitter ou Facebook. Tawakkul Karman rappelle opportunément que la révolution yéménite a commencé sans médias sociaux. « Nous utilisions des SMS et des messages à la radio. Un ami m’a dit ‘‘52% des Yéménites sont analphabètes, vous n’avez ni Facebook ni Twitter, vous ne pouvez pas réussir’’. Je lui ai dit ‘‘Pas besoin, il suffit de descendre dans les rues’’ » Elle souligne également la révolution culturelle qu’a été l’arrivée d’Al-Jazeera. « Pour la première fois, les gens avaient accès à une chaîne de télévision dont la préoccupation première n’était pas de les divertir pour les détourner de leurs malheurs », explique-t-elle.

L’expérience d’Ali Ferzat, caricaturiste syrien, est également parlante à cet égard. « Longtemps, j’ai représenté les membres du régime de façon vague ou symbolique. Mais trois mois avant la révolution, j’ai senti que la société était à bout. Alors j’ai commencé à dessiner explicitement Bachar el-Assad et d’autres responsables syriens. » Pour certains c’était de la folie, pour d’autres la preuve d’une collusion avec les États-Unis. Mais Ali Ferzat a atteint son but. Ses dessins ont fait réagir les gens, ils en ont discuté entre eux, à réfléchir, à débattre. Ils ont eu moins peur et ont fini par se révolter pour réclamer la démocratie. A sa façon, ce caricaturiste a fait office de média d’opinion et a mobilisé les consciences.

 

Yannick Le Bars

Envoyé spécial à Strasbourg

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