International
16H52 - mardi 4 novembre 2014

Hélène Conway-Mouret : « Contre les mariages forcés, des solutions existent »

 

Hélène Conway-Mouret, ancienne ministre déléguée aux Français de l’étranger de 2012 à avril 2014 est particulièrement impliquée pour les femmes françaises dans le monde. Que ce soit avec le site Femmes françaises du monde, la lutte contre l’excision ou dans son combat contre le mariage forcé. Redevenue sénatrice depuis le 3 mai 2014, elle continue à défendre cette cause avec conviction. Elle partage avec Opinion Internationale les enjeux de ce sujet souvent tabou qui a concerné au moins 17 cas de femmes contraintes l’an passé recensées par les services consulaires et qui ont bénéficié d’un accompagnement pour reconstruire leur vie.

 

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© Jay Directo

 

C’est souvent pendant les vacances scolaires que le drame se produit. Sous prétexte de retour au pays pour les vacances d’été, des jeunes gens – majoritairement des filles – se retrouvent prises au piège et contraintes à épouser un homme du pays d’origine de la famille. Grâce à la mobilisation des consulats de France, 17 femmes auraient réussi en 2013 à contacter le consulat le plus proche pour échapper à leur destin tragique.

Selon une estimation du Haut conseil à l’intégration, 70.000 jeunes femmes en France seraient potentiellement menacées de mariage forcé. L’UNICEF estime à 400 millions dans le monde le nombre de femmes mariées alors qu’elles étaient enfants. Le non-dit est en partie dû à la difficulté pour les victimes de témoigner. Elles sont très rares à le faire, le drame intime qu’elles ont vécu et son cortège de violences restent lourds à porter.

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La sénatrice Hélène Conway-Mouret

Mme Conway-Mouret parle « d’obligation morale » et de la « nécessité d’agir rapidement » lorsqu’en 2013, elle rencontre pour la première fois l’association Voix de femmes qui lui raconte le sort de ces femmes et les violences qu’elles subissent. Sarah Jama, directrice de cette association, spécialisée dans le suivi des victimes de mariages forcés, explique que le cas le plus classique, c’est lorsqu’une jeune fille est envoyée en vacances dans son pays d’origine, et qu’elle se retrouve mariée de force.

Il n’existe pourtant pas de profil-type des victimes de mariages forcés. Chaque histoire est différente mais toutes sont tragiques et incluent des violences très graves, d’ordre psychologique et parfois physique, pouvant aller jusqu’au viol conjugal, menant à des naissances non désirées et parfois jusqu’à la séquestration.

L’alternative à laquelle sont confrontées ces femmes est dramatique : accepter un mariage contraint pour tenter de préserver les liens familiaux – en divorçant peu après quand cela est possible – ou rompre brutalement avec leur famille, et se retrouver isolées et sans logement du jour au lendemain, ce à quoi s’ajoute l’abandon des enfants quand le père s’oppose à leur sortie du territoire.

Résolument pragmatique, Conway-Mouret rappelle que son objectif a été d’apporter une réponse globale qui passe par des solutions concrètes. C’est outre-manche, à Londres, qu’elle trouvera, si ce n’est un modèle, du moins des bonnes pratiques dont elle s’inspirera. Au Home Office, le Forced Marriage Unit, lutte contre le mariage forcé depuis 2005. En Grande-Bretagne, les victimes sont majoritairement originaires des Indes et du Pakistan. Le profil des victimes diffère de celles qui en France sont davantage originaires du continent africain.

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Najat Vallaud-Belkacem et Hélène Conway-Mouret annonçant le projet de loi pour lutter contre les mariages forcés – 11 mars 2013

Hélène Conway-Mouret explique que « le but des éléments mis en place en 2013 lorsque j’étais ministre, avec l’appui de Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, était que la France protège ces jeunes femmes où qu’elles se trouvent, et qu’elles sachent qu’elles ont des droits ». Pour lutter contre les mariages forcés, les autorités françaises ont notamment mis l’accent sur la formation des agents consulaires. Ils peuvent en effet détecter les cas de mariages forcés lorsqu’ils auditionnent les conjoints au moment de la publication des bans ou lors de la demande de transcription de l’acte de mariage étranger. Les consulats sont en lien désormais dans de nombreux pays avec des associations locales de défense des droits des femmes vers lesquelles de jeunes Françaises peuvent être orientées. En France, il s’est agi aussi de mobiliser les associations et les fondations, le personnel scolaire et médical, appelé à redoubler de vigilance si une fille scolarisée est absente à la rentrée suivante.
 

« Il faut redonner de la visibilité à ce dispositif de prévention des mariages forcés »

Le volet législatif n’a pas été oublié. Il fait partie intégrante des « mesures » concrètes de lutte contre le fléau des mariages forcés, au même titre que la formation et la sensibilisation des personnels consulaires et éducatifs. L’arsenal législatif a ainsi été renforcé. Un nouveau délit a été introduit en août 2013 dans le code pénal, qui punit de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende le fait de tromper une personne pour l’emmener à l’étranger et la marier de force. Une avancée qu’Hélène Conway-Mouret juge absolument « nécessaire pour qu’un signal fort soit donné, au vu de la gravité de l’acte, à celles et ceux qui sont tentés par des pratiques dites culturelles. »

De retour au Sénat, l’ancienne ministre interpelle le gouvernement : « Il faut redonner de la visibilité à ce dispositif de prévention des mariages forcés ». Une brochure circulait dans les consulats. Les équipes consulaires ont été sensibilisées et formées. Mais il faut davantage communiquer pour que les jeunes filles sachent que des recours et des aides existent.

Finalement, c’est sans arrogance mais avec une satisfaction assurée qu’Hélène Conway-Mouret se dit fière d’avoir mis en place un dispositif concret et efficace, « une vraie chaîne humaine et de solidarité, pour répondre à des situations tragiques aujourd’hui sévèrement punies par la loi ». Elle continue à œuvrer pour avancer sur ce sujet en particulier et poursuit inlassablement son combat pour les femmes en général, notamment au sein de la délégation aux droits des femmes au Sénat.

Propos recueillis par Michel Taube



Directeur de la publication
Stéphane Mader
Rédacteur en chef - Chief Editor

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