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12H27 - mercredi 9 avril 2014

Le Musée de l’Autre et de l’Ailleurs : comment, à Rome, la créativité transforme une usine de charcuteries désaffectée en lieu d’art

 

Dans la banlieue de Rome, une usine de charcuteries désaffectée, d’abord un lieu de squat, se transforme en musée à ciel ouvert et en espace de création grâce aux occupants qui en deviennent les inspirateurs et les gardiens. Si le Musée de l’Autre et de l’Ailleurs de Metropoliz (Museo dell’Altro e dell’Altrove di Metropoliz citta’ Meticcia) devient un espace d’exposition qui présente des œuvres qui parlent souvent d’exclusion, il incarne aussi le lieu du rêve et d’un autre futur possible.

 

Aux premiers abords, plus qu’une fusée pour la lune, ce qui reste de ce bâtiment, autrefois une usine de charcuteries, ressemble plutôt à une version du Flying Dutchman. A la porte, le service d’ordre des Blocs Précaires Métropolitains (Blocco precari metropolitani), défenseurs de l’occupation de Metropoliz, demande gentiment une contribution pour la soirée organisée autour de nourriture ethnique et d’art. Sur le toit, un grand panneau exhibant le slogan moqueur FART indique que cette épave de la banlieue au sud de Rome, qui depuis 5 ans loge une communauté multiethnique d’une soixantaine de squatteurs, est devenue un lieu d’art, le Musée de l’Autre et de l’Ailleurs de Metropoliz, le MAAM.

L’anthropologue, Giorgio de Finis, en est le curateur. Il est aussi le réalisateur d’un documentaire « Space Metropoliz », dont le sujet est le premier projet réalisé avec les résidents occupants : « Je suis arrivé ici par hasard pendant une balade dans la banlieue avec un groupe d’urbanistes de l’université de Rome et j’ai été foudroyé ».

Il y trouve une communauté de survivants qui en deux ans avaient réussi, tant bien que mal, à s’installer. L’occupation, un phénomène en croissance dans une ville qui souffre entre autres d’un sérieux problème de logement, date de 2009.

« Les premiers temps c’était vraiment dur de vivre ici, en quelques mois la moitié des 200 occupants sont partis » raconte Sara, péruvienne, une des premiers squatteurs, « nous vivions dans l’obscurité, sans eau et sans électricité, entourés de rats. Nous dormions tous ensemble dans la même pièce sur des matelas de fortune, l’odeur était intolérable ». L’usine, abandonnée depuis les années soixante, se transformait en forteresse à l’occasion des affrontements avec la police.

Aujourd’hui, la « ville métisse » qui compte 60 personnes d’origines différentes, Africains, Roms, Italiens, hispanophones est un exemple de « autorecupero », un projet de réhabilitation par les occupants. « Nous avons tout fait nous même, les raccordements à l’électricité, à l’eau, nous avons appris à construire des murs, des toilettes » dit Veronica Montanino, en nous montrant fièrement la cheminée dans le coin du salon, une cuve de chauffe-eau reconvertie.

C’est à ce moment que l’anthropologue lance aux habitants de cette ville inhospitalière, constituée d’exclus de la société, l’idée d’un voyage sur la lune. « C’était un défi, aucune garantie de succès. Mais la lune est un espace utopique, l’Ailleurs par définition où nous sommes tous des étrangers » explique-il.

Son documentaire suit les différentes étapes du projet coopératif. Des experts illustres sont invités à parler de la lune dans ce « lieu des Muses » : s’y succèdent des philosophes, des sociologues, des mathématiciens, des artistes, des astronomes et même un astronaute. Les architectes dessinent les plans de la fusée mais ce sont eux, les habitants de Metropoliz, qui trouvent et assemblent les matériaux, eux qui construisent la fusée, la montent sur une tour au fond de la cour. Et c’est un succès. Pendant des mois, hommes, femmes et enfants, tous le monde participe : présentations, workshops, évènements, spectacles, même une balade à l’autre bout de la ville à l’observatoire astronomique. Le jour du départ pour la lune, c’est la grande fête.

L’activité créative transforme cet espace post industriel en lieu d’art, en musée à ciel ouvert où les œuvres offertes s’adressent aux occupants qui, à leur tour, en deviennent les inspirateurs et les gardiens.

De nombreux artistes italiens et étrangers acceptent de participer au projet et de profiter d’un cadre unique. Franco Lo Svizzero décide de vivre 11 jours dans ce lieu avec la communauté sans jamais en sortir et en produisant une œuvre par jour. Veronica Montanino s’attaque à une grande paroi de la ludothèque avec une composition acrylique pleine de couleur, « j’ai entendu parler du projet qui m’a tout de suite séduit » raconte-t-elle, « normalement mes œuvres sont exposées dans des lieux aseptiques, des espaces qui ne disent rien. Ici c’est plein de signaux, c’est absorbant. J’ai voulu représenter avec une métaphore, une tache débordante qui s’étale jusqu’à couvrir le plancher, où la couleur avale le gris des lieux, ce qui se passe ici. »

L’espace d’exposition est un chantier permanent, ce soir les invités installés dans la grande pièce commune goutent des spécialités de la maison en bavardant. Quelqu’un amène une échelle et dans le brouhaha général, Giovanni Albanese, monte et accroche des clés de cellules de la prison de Rebibbia au bout des lampadaires qu’il vient de créer.

Les artistes se succèdent, graffitis, structures en matériaux recyclés, sculptures en fil de fer sont exposés à coté de machines industrielles délabrées. Des œuvres qui parlent surtout d’exclusion, comme cet énorme tapis en plastique, style Ikea pour enfant, qui reproduit le labyrinthe d’obstacles que parcourt tout immigrant qui arrive en Europe.

« Cet atelier d’art et de culture et aussi un moyen de protéger ce lieu et ses habitants » explique Giorgio de Finis, en indiquant du doigt la cage d’ascenseur que l’artiste Michele Welke a couvert de peinture dorée : « l’artiste, tel le roi Midas, métamorphose cet espace en or. Une valeur face à laquelle les bulldozers prêts à nous évacuer, seront peut-être obligés de reculer ».

Gian Maria Tosatti est le premier artiste à avoir travaillé à Metropoliz, il a construit un télescope en utilisant des bidons de pétrole qu’il a placé avec l’aide des habitants sur la tour de l’usine. « Tous ceux qui entrent à Rome par la rue Prenestina le voit, il est exposé aux quatre vents comme un drapeau symbole de l’intégration, c’est peut-être le premier monument qu’on voit de la ville. Une ville éternelle et qui reste aussi contemporaine. »

Journaliste italienne

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