International
12H27 - mercredi 18 décembre 2013

Singapour : Une dictature discrète

 

Aux côtés de pays comme la Malaisie ou le Vietnam, ou de sa proche-cousine la Chine, fréquemment désapprouvés par la communauté internationale pour leur irrespect à peine dissimulé des droits de l’homme, Singapour pourrait presque faire figure de bon élève au cours des droits humains. La réalité est bien différente. Entretien avec Phil Robertson, directeur de la division Asie de Human Rights Watch.

Phil Robertson, directeur de la division Asie de Human Rights Watch

Phil Robertson, directeur de la division Asie de Human Rights Watch

De graves violations des droits fondamentaux

 

Singapour n’a pourtant pas grand-chose d’un paradis pour les droits humains. La peine de mort y est obligatoirement utilisée pour les crimes graves, ainsi que pour les trafiquants de drogues, la ville-Etat appliquant une politique sans merci contre la contrebande de stupéfiants. Une atteinte fondamentale aux droits humains les plus élémentaires pour Phil Robertson, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. Les châtiments corporels sont aussi largement appliqués : la procédure criminelle requière la bastonnade pour une trentaine de délits – uniquement pour les hommes ayant moins de 50 ans.

 

La liberté d’expression et d’information drastiquement réduites

 

Quant à la liberté d’expression, elle est gravement réduite. « Singapour n’a pas cessé d’utiliser la loi pénale contre la diffamation pour restreindre la liberté de parole, ce qui impacte lourdement l’opposition politique d’une part, mais aussi tous les médias internationaux », constate Phil Robertson. La liberté d’association est strictement contrôlée, les manifestations soumises à l’autorisation du gouvernement et cantonnées à des zones prédéterminées. Quant à la Cour de Justice, « elle est hyper-sensible, et elle utilise une ancienne loi éculée pour condamner toutes critiques de ses décisions de justice, qui jetteraient le discrédit sur l’appareil judiciaire », ajoute Phil Robertson, qui songe alors aux cas de la caricaturiste Leslie Chow, ou de l’écrivain Alan Shadrake qui en ont fait les frais. Ce dernier avait vivement critiqué le fonctionnement du système judiciaire de Singapour, provoquant son arrestation et un scandale mondial qui avait gravement entaché l’image de la ville-état en 2010.

                

Lorsque le régime fait pression sur les médias internationaux

 

Et pourtant, bien peu de mentions de Singapour dans les grands médias. « L’agressivité des procès en diffamation contre les médias internationaux ont eu un effet vraiment glaçant », nous explique Phil Robertson, d’autant que de l’autre main, Singapour empêche toutes publications des correspondants internationaux installés sur place dont le contenu ne lui conviendrait pas. Singapour profite du surcroit de la comparaison avec ses voisins asiatiques : « dans le cadre de la restriction de la liberté d’expression, peu de personnes ont été envoyées en prison pour des peines aussi longues qu’en Chine ou au Vietnam. Singapour joue d’un certain sens de la proportion, et une partie des médias internationaux en concluent que le régime Singapour n’est finalement ‘pas si terrible’. »

 

Un seul parti au pouvoir

 

Et lorsqu’on lui demande si la puissance économique de la ville-Etat n’aide pas Singapour à appliquer son régime totalitaire en toute impunité, et discrètement, Phil Robertson est clair : « la force économique et financière de Singapour n’a rien à voir avec la faiblesse du respect des droits humains. Ce qui compte bien plus, c’est que ce régime n’est composé que d’un seul parti autorisé au pouvoir, le Parti d’Action du Peuple (PAP), depuis que Lee Kuan Yew a pris le pouvoir en tant que Premier ministre en 1959. Le discours public s’est peut être adouci ces dernières années, mais la rigueur des restrictions des libertés est toujours la même. » La télévision, la radio est les journaux sont toujours tenus par la main de fer du PAP.

 

Les Singapouriens doivent s’élever pour réclamer le respect de leurs droits

 

N’y a-t-il aucun changement à espérer, tant que Singapour restera loin de la une des journaux mondiaux ? « Je n’espère pour ma part pas grand-chose du changement de dirigeant. Lee Vien Long a succédé à son père Lee Kuan Yew, à qui succédera un autre col blanc du PAP qui n’aura aucun intérêt à réformer le régime ». La volonté doit tout d’abord être émise par les Singapouriens eux-mêmes, qui ensuite devront être soutenus sans réserve par la communauté internationale. « Sur ce plan, j’estime que les Nations Unies, ainsi que tous les pays qui réclament des droits humains, tels les Etats Unis, le Canada, l’Europe, ont un rôle majeur à jouer, qu’ils n’exercent pas suffisamment aujourd’hui. » C’est à eux de faire pression sur Singapour, et Phil Robertson mise sur le fait que « le régime est très sensible à son image à l’internationale, et réagira rapidement à des pressions mondiales. » Toutefois, rappelle-t-il, le premier pas doit être effectué par les Singapouriens eux-mêmes.

 

Journaliste

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