Edito
08H59 - lundi 22 décembre 2025

30 minutes pour se ridiculiser. L’édito de Michel Taube

 

30 minutes pour se ridiculiser. L'édito de Michel Taube

Vendredi 19 décembre à 9 heures, députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale avaient officiellement deux jours pour tenter de dégager un compromis sur le budget de l’État pour 2026. Deux jours pour travailler, discuter, ajuster, assumer leurs responsabilités face à une situation budgétaire grave et à un pays qui attend autre chose que des postures. Trente minutes auront suffi. Trente minutes pour constater l’échec, plier bagage et acter l’impuissance d’un Parlement incapable d’aller au bout de sa mission la plus élémentaire.

Pourtant, tout semblait possible. Les deux rapporteurs généraux, Jean-François Husson au Sénat et Philippe Juvin à l’Assemblée nationale, avaient travaillé, longuement, sérieusement, et trouvé des points d’accord sur l’écrasante majorité des articles. Mais dès l’ouverture des discussions, les élus LR ont compris que tout était verrouillé. Manifestement, la direction des Républicains avait décidé d’en finir avec ce qu’elle considère comme une alliance contre-nature entre la macronie et le Parti socialiste d’Olivier Faure. Rideau baissé avant même que le débat ne commence.

En moins d’une demi-heure, la CMP était close, sans même l’effort minimal de travailler les deux jours initialement prévus. Quelle légèreté. Quel mépris pour le travail parlementaire. Quel irrespect pour les Français.

Résultat immédiat, le gouvernement et le Parlement se retrouvent contraints de voter, ces 22 et 23 décembre, une loi spéciale reconduisant mécaniquement le budget 2025, en attendant une hypothétique reprise des discussions en janvier. Une solution par défaut, révélatrice d’une classe politique qui donne le sentiment de naviguer à vue, sans boussole ni courage, tout en feignant de s’étonner de la défiance croissante des citoyens.

Cette séquence met surtout à nu l’état de décomposition idéologique des Républicains. Les volte-face incessantes de leur direction achèvent de leur faire perdre le peu de crédibilité qui leur restait. D’un côté, des ministres qui sont restés au gouvernement et des députés menés par Laurent Wauquiez qui ont accepté le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. Et, en parallèle, un Bruno Retailleau désormais résolument hostile à Lecornu depuis son départ du gouvernement. Les Républicains sont pris dans un tourbillon politique et idéologique totalement suicidaire, incapables de trancher entre opposition franche et compromission assumée.

Et chacun le sait déjà. En janvier, le Parlement ne trouvera pas miraculeusement le compromis qu’il n’a pas su ou voulu trouver en décembre sur le budget de la nation. Sébastien Lecornu reviendra avec un budget reposant, une nouvelle fois, sur une alliance tacite avec Olivier Faure, devenu de fait un vice-Premier ministre sans portefeuille. Et LR sera de nouveau placé devant une alternative impossible, rejeter le budget au nom de ses principes ou se compromettre définitivement sur le plan idéologique.

Bien sûr que la France a besoin de stabilité. Bien sûr qu’elle a besoin d’un budget. Mais si c’est pour reconduire des déficits durablement supérieurs à 5 % du PIB et pour empiler des mesures d’inspiration socialiste, il faut avoir le courage de poser la vraie question. À quoi bon gagner du temps si c’est pour perdre encore une année entière ? À quoi bon maintenir artificiellement un Parlement paralysé, incapable de trancher, incapable de gouverner ?

Peut-être faudrait-il, au fond, redonner la parole aux Français. Pas seulement pour élire leurs maires en mars, mais aussi pour élire à nouveau leurs députés, à la faveur d’une dissolution qui permettrait, enfin, de clarifier les lignes politiques et d’éviter à la France de s’enliser encore un peu plus, en attendant 2027, dans l’irresponsabilité et la confusion.

Michel Taube