
La polémique sur la laïcisation des noms des vacances scolaires est la résurgence d’un vieux débat qui renvoie aux joutes parlementaires qui marquèrent la discussion de la loi de 1905. A l’époque la gauche radicale, d’inspiration blanquiste, demandait la suppression des jours fériés religieux au nom du principe de laïcité. Ces jours fériés auraient été remplacés par des jours fériés civils correspondant à des dates astronomiques (solstices …) ou à l’anniversaire de faits historiques. Cette gauche entendait en la circonstance faire preuve de modération puis qu’elle n’alla pas jusqu’à demander le rétablissement du calendrier républicain, comme le fit remarquer en séance le député Maurice Allard.
Celui-ci souhaitait que ces nouvelles fêtes demeurent aux mêmes dates que les fêtes religieuses, dans le souci, précisa-t-il de ne pas de « ne pas froisser les habitudes de la population ».
Ce rappel conduit à formuler plusieurs remarques. Tout d’abord le combat en faveur de la laïcité fut historiquement un combat anticlérical dont certains voulurent faire également le cheval de Troie d’une déchristianisation de la société. Cette ambition trouvait sa source dans la réminiscence du projet révolutionnaire de fabriquer un homme nouveau et une société nouvelle que les révolutionnaires de 1793 ont porté, dans un élan positiviste très fort à l’époque et dans la volonté d’émanciper les individus du poids des dogmes que la religion véhiculait.
La République s’est au fil du temps construite sur un compromis au terme duquel la laïcité n’a pas empêché que le législateur renonce à appliquer la loi de 1905 en Alsace-Moselle, autorise l’entrée en vigueur de la loi Debré en 1959 intégrant les écoles privées sous contrat dans le service public de l’enseignement, renonce enfin à mettre en place un grand service public unifié et laïc de l’éducation nationale en 1984.
Ceci revient à dire que la laïcité ne peut aveuglement s’imposer aux dépens des habitudes de la population, pour reprendre la formule du député Aullard. Ces habitudes ne sont pas le signe d’une quelconque arriération, elles traduisent simplement l’état culturel de la société, les attachements dont nous avons hérité, les représentations mentales qui déterminent les manières de vivre et les référencements qui nous servent de repères.
Dans le prolongement de ce raisonnement, on pourrait toutefois se demander si la créolisation de la société ne conduira pas à terme à changer les noms de vacances au motif que la France devient une société multiculturelle dans laquelle la symbolique des noms devra parler à tout le monde. Dans une telle hypothèse, la question ne sera pas de savoir si la laïcité impose un tel changement, mais plutôt de tenir compte de la mutation civilisationnelle en cours, qu’on la souhaite ou qu’on la redoute, mais c’est un autre sujet.
Enfin, pour en revenir à la situation actuelle, la loi de 1905 n’induit en rien l’obligation de modifier le nom des vacances scolaires. Cette loi se contente de préciser que les agents du culte ne seront plus des agents publics et que les églises ne bénéficieront plus de financements publics.
Cela devrait conduire à relativiser les discussions sur le sujet. Mais la société française n’en est pas à une contradiction près. Depuis 1974, en effet, les vacances de Pâques ont été remplacées par les vacances de Printemps. La messe est dite !
Daniel Keller
Directeur dans un groupe de protection sociale, président des Anciens Elèves de l’ENA en entreprise, ex-président de l’association des Anciens Elèves de l’ENA, Ancien membre du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).

















