
C’est un de ces week-ends où l’on se demande si la politique française n’est pas écrite par les scénaristes de Plus belle la vie. En l’espace de vingt-quatre heures, le pays s’est offert une crise de nerfs nationale, un psychodrame à droite, un gouvernement bancal, et un festival de trahisons, de tweets et de portes claquées. Récit d’un dimanche de fous, où chacun a tenté de sauver la face (et parfois son fauteuil).
Tout commence samedi, dans la fébrilité d’un Paris politique sous tension. Le Parti socialiste menace de censurer le futur gouvernement dont il ne connait ni la composition, ni l’orientation qui en macronie varie assez facilement d’un gouvernement à l’autre, le Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation démissionnaire François Rebsamen quitte le navire avant même d’avoir été rappelé à bord, et le Premier ministre Sébastien Lecornu, envoie à ses alliés une “feuille de route” aussi inspirante qu’une notice de micro-ondes. Pendant ce temps, Les Républicains tergiversent, LFI annonce une motion de censure, et le MoDem, fidèle à lui-même, veut “participer pour aider”, sans trop savoir à quoi.
Une journée de coups de fil, de fuites et de couteaux dans le dos
Dimanche matin, c’est la valse des réunions. LR, Horizons, UDI : tout le monde se réunit, se consulte, se déchire. Laurent Wauquiez tonne contre une participation au gouvernement, Bruno Retailleau lui répond qu’“on peut sortir à tout moment”. Traduction : on saute dans le bateau, mais on garde la bouée. À 17h, LR vote la participation “exigeante” au gouvernement Lecornu. Le soulagement est de courte durée.
Peu avant 19h00, tremblement de terre : Le Parisien balance une bombe Bruno Le Maire, sept ans de Bercy au compteur, et un an absent des deux derniers gouvernements serait nommé ministre des Armées. Quelques minutes plus tard, Aurore Bergé devient porte-parole, Éric Woerth récupère les collectivités. La droite tombe de sa chaise : “C’est la douche froide”, lâche une députée LR dans le Figaro. À 19h40, le Secrétaire général de l’Elysée, Emmanuel Moulin confirme sur le perron du palais présidentiel: le gouvernement Lecornu est né. Après vingt-cinq jours sans exécutif, la France a enfin un gouvernement… et déjà une crise.
La Saint-Bruno ou la guerre des deux Brunos
Peu après 21h00, deuxième secousse : Bruno Retailleau, reconduit à l’Intérieur, lâche sur X que la composition “ne reflète pas la rupture promise”. Il convoque d’urgence le comité stratégique de LR pour ce lundi matin. Dix minutes plus tard, David Lisnard menace de claquer la porte du parti. Et une heure après, une fuite tombe : Retailleau pourrait démissionner du gouvernement. Le motif de la colère ? Le retour de Bruno Le Maire, “symbole des échecs du macronisme”.
Le reste de la soirée vire au vaudeville politique. Rachida Dati appelle au “sang-froid”, Gabriel Attal se dit “affligé”, l’UDI et le Parti radical “reprennent leur liberté”, et un macroniste anonyme compare dans Le Point la situation à la Germanwings : “Ils s’enferment dans le cockpit et foncent dans la montagne.” Pendant que Lecornu tweete benoîtement que la “rupture, c’est le non-recours au 49.3”, le pays découvre surtout une coalition en lambeaux et un gouvernement déjà contesté.
Minuit sonne : Nous sommes le 6 octobre, la France célèbre la Saint-Bruno. Bruno Retailleau et Bruno Le Maire peuvent souffler leurs bougies, l’un furieux, l’autre de retour, tous deux devenus symboles d’une journée où la droite s’est perdue, la majorité s’est fissurée, et la Ve République a prouvé qu’elle savait encore faire rire… jaune.
Radouan Kourak
Journaliste, producteur et entrepreneur

















