Edito
13H20 - lundi 22 septembre 2025

Haïti : la pénurie de sang s’aggrave sous la pression des gangs

 
Haïti - la pénurie de sang s’aggrave sous la pression des gangs

Haïti – la pénurie de sang s’aggrave sous la pression des gangs

La violence qui paralyse Haïti ne se contente pas de bloquer les routes ou d’encercler les quartiers. Elle prive aussi les hôpitaux de l’un de leurs biens les plus vitaux : le sang. Au premier semestre 2025, le Programme national de sécurité transfusionnelle (PNTS) n’a collecté qu’environ 10 000 poches, soit moitié moins qu’en 2023. À peine 46 % des patients nécessitant une transfusion ont pu en bénéficier.

Le Sud illustre cette défaillance. Aux Cayes, deuxième poste de collecte du pays, les donneurs se heurtent à une pénurie brutale : plus de poches de prélèvement disponibles. Un camion d’intrants est resté bloqué à Varreux, zone contrôlée par les gangs, retardant l’acheminement de matériel aussi basique que des tubes, de l’alcool ou du coton. Faute de route sûre, le PNTS dépend désormais de la voie maritime pour alimenter les provinces, grâce au soutien d’un mécène. Les caisses, lourdes et encombrantes, excluent toute solution aérienne.

Port-au-Prince reste en tête des collectes, mais son apport fond à vue d’œil. L’hôpital universitaire de Mirebalais, qui assurait à lui seul jusqu’à 150 poches par mois, est fermé depuis avril, une perte énorme pour la chaîne nationale. La situation à Turgeau, siège du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), avait fait craindre une délocalisation vers Delmas 33. L’option a été abandonnée : l’espace prévu ne convenait pas, et la relative accalmie sécuritaire dans le quartier a permis le maintien des activités. Quelques donneurs commencent à revenir, mais bien trop timidement pour combler les manques.

En province, la situation est moins dramatique : certains postes couvrent encore 70 à 80 % de leurs besoins. Mais la dynamique nationale reste plombée par l’insécurité chronique qui coupe la capitale du reste du pays. Le Dr Ernst Noël, directeur du PNTS, l’admet : il n’est pas en mesure de donner de date pour un retour à la normale, ni de garantir que ces blocages ne se répéteront pas.

Dans un pays où l’accès aux soins est déjà une épreuve quotidienne, la crise transfusionnelle prend des allures de condamnation silencieuse. Sans poches de sang, les salles d’opération tournent au ralenti, les malades chroniques sont exposés et les urgences se retrouvent impuissantes. Haïti, exsangue au sens propre, paie une nouvelle fois le prix de la guerre des gangs.

Patrice Clech