Edito
19H35 - samedi 20 septembre 2025

Un roman, un débat au Pavillon Henri IV avec Jacques de Villiers : « Mon bâtard du Roussillon est comme le Puy-du-Fou, il puise dans l’histoire de quoi faire vibrer nos cœurs aujourd’hui. »

 

Un roman, un débat au Pavillon Henri IV avec Jacque de Villiers : « Mon bâtard du Roussillon est comme le Puy-du-Fou, il puise dans l’histoire de quoi faire vibrer nos cœurs aujourd’hui. »

Jacques de Villiers, vous serez l’invité du dîner littéraire organisé par le Lions Club Saint-Germain Chateau au Pavillon Henri IV à Saint-Germain-en-Laye jeudi 25 septembre 2025. Vous venez en effet de publier un premier roman dont vous situez la trame au cœur de la croisade d’Aragon, un épisode largement méconnu de notre histoire. Pourquoi ce moment précis, et qu’avez-vous voulu montrer à travers ce décor historique ?

Deux raisons m’ont poussé à faire ce choix : d’abord, je cherchais depuis longtemps à écrire sur Philippe le Bel et j’avais dans l’idée de commencer avant qu’il ne devienne roi, pensant que de cette façon je pourrais davantage impliquer mon lecteur. En effet, la personnalité d’un jeune homme de 17 ans promis à la couronne du plus grand royaume d’Europe mérite d’être étudiée autant que celle du roi confirmé.

La deuxième raison tient à la personnalité du bâtard du Roussillon : je cherchais un point d’accroche incarné, un lieu ou une figure qui me permette de faire le lien avec cette volonté de raconter la croisade d’Aragon. Je suis en effet persuadé qu’une trame politique et historique est d’autant plus riche si elle s’ancre dans une réalité précise, géographique, humaine, culturelle. C’est en trouvant, au fil de mes recherches, le personnage du bâtard du Roussillon, gouverneur d’Elne, que le lien s’est fait.

 

Estefan, « le bâtard du Roussillon », est un personnage complexe, à la fois rusé, fidèle et tiraillé entre plusieurs allégeances. Comment l’avez-vous construit, et reflète-t-il selon vous une figure universelle de l’homme en quête de justice ?

Estefan incarne l’une des facettes de la politique que mènera plus tard Philippe le Bel, qui allie un idéal sincère à un pragmatisme nécessaire. En fait, je conçois en quelque sorte Estefan comme la personnification de la Raison d’État. Il y a dans ce personnage une dualité paradoxale : il est d’une grande sensibilité mais il n’hésite pas à mener des actions difficiles, voire moralement condamnables, s’il considère que le jeu en vaut la chandelle. Il y a certainement dans ce personnage une dimension machiavélique au sens où la fin justifie les moyens chez lui. Il ne reflète donc pas une figure universelle mais interroge sur la nécessité politique d’agir dans l’ombre. Pour autant, Estefan est appelé à évoluer, tout comme Philippe le Bel.

 

Un roman, un débat au Pavillon Henri IV avec Jacque de Villiers : « Mon bâtard du Roussillon est comme le Puy-du-Fou, il puise dans l’histoire de quoi faire vibrer nos cœurs aujourd’hui. »

On vous compare déjà à Zévaco ou à Dumas pour le souffle romanesque, mais vous revendiquez aussi un héritage familial marqué par la transmission et le combat culturel. Comment conjuguez-vous ces deux influences : la littérature populaire et l’histoire incarnée par votre famille ?

Je pense que Zévaco et Dumas avaient compris que le meilleur moyen de captiver le lecteur est de l’immerger dans une ambiance historique parce que d’abord sensorielle, vivante, lumineuse. Ils ont su donner de la chair à leur récit, l’enrober de couleurs et de fragrances. Quand on lit Dumas, on voyage au plus près de l’Histoire, au plus près de ses personnages.  J’ai donc cherché à m’inspirer de cette vision du roman d’aventure historique, en réfléchissant continuellement à la façon la plus immersive de raconter et de mettre en scène.

Cette première considération est d’ailleurs en lien avec la seconde que vous mentionnez. L’intuition de Philippe de Villiers en créant le Puy du Fou était de proposer une fresque historique qui allie la légende à l’Histoire, en ce qu’elle l’embellit et la met en valeur. L’idée n’est pas de proposer une approche uniquement scientifique de l’Histoire et donc par définition froide, mais de faire vibrer dans le cœur de chaque spectateur la fibre éveillée par les héros et les pages de lumière écrites au fil des siècles.

J’essaie donc de conjuguer ces deux intuitions en créant une trame la plus immersive possible dont l’ambition est de montrer que dans les drames de l’Histoire naissent des figures héroïques qui nous élèvent, par-delà le passage des siècles.

 

Votre roman met en scène Philippe le Bel encore adolescent, bien avant le « roi de fer ». Pensez-vous que la littérature historique puisse aider à redécouvrir des figures politiques dans leur jeunesse et à mieux comprendre ce qu’elles deviendront ?

Bien sûr ! Je pense qu’il est même essentiel d’envisager les grandes figures historiques et politiques à travers le prisme de leur jeunesse. Un adolescent de 17 ans dont le destin l’emmène à travers les Pyrénées et qui va assister à la mort de son père comme à la déroute de la croisade, le tout dans un bain de sang effroyable, sera forcément marqué par ces évènements. Cela justifie par exemple le fait que pendant tout son règne, le roi marmoréen échafaudera des plans pour organiser une nouvelle croisade vers l’Orient, qui ne verra jamais le jour car il mettra toujours en exergue les affaires du royaume, échaudé par la croisade d’Aragon dont il devra longtemps payer le prix. C’est en ce sens qu’il me semblait essentiel de commencer par cet épisode.

 

Vous avez 22 ans, vous êtes cavalier, comédien, metteur en scène, étudiant en histoire… et désormais romancier. Comment voyez-vous la suite : prolonger la saga d’Estefan le ruseur, ou explorer d’autres chapitres oubliés de notre histoire ?

Les deux ambitions ne sont pas incompatibles. Je travaille actuellement à la suite du Bâtard du Roussillon, dont je voudrais faire la deuxième pierre d’une saga qui s’achèvera à la fin du règne de Philippe le Bel, après la chute des Templiers. Pour autant, je réfléchis déjà aux autres époques qui me passionnent, éloignées pour certaines du XIIIème siècle. Là encore, l’intuition reste la même : proposer à nos contemporains des fresques qui nourrissent leur appétit d’immersion historique, tout en gardant à l’esprit que l’Histoire peut nous apporter des enseignements et des réflexions propices au temps présent.

 

Propos recueillis par Michel Taube

 

Un roman, un débat au Pavillon Henri IV avec Jacque de Villiers : « Mon bâtard du Roussillon est comme le Puy-du-Fou, il puise dans l’histoire de quoi faire vibrer nos cœurs aujourd’hui. »

Directeur de la publication