Edito
08H35 - dimanche 14 septembre 2025

Retailleau doit-il refuser d’entrer dans le gouvernement Lecornu ? L’édito de Michel Taube

 

Retailleau doit-il refuser d’entrer dans le gouvernement Lecornu ? L’édito de Michel Taube

Emmanuel Macron a confié à Sébastien Lecornu une mission que l’on devine aussi fragile qu’ambiguë : tenter de bâtir un contrat de gouvernement a minima élargi à ses opposants socialistes, tenter de faire voter deux budgets, 2026 et 2027, en évitant la censure du PS, pour être en mesure de finir son quinquennat jusqu’en 2027.

Cette stratégie de survie présidentielle place Bruno Retailleau dans un dilemme redoutable.

Certes, l’ancien président du groupe LR au Sénat, encore patron de la place Beauvau à titre intérimaire, a vu son aura grandir à la tête du ministère de l’Intérieur. Sa posture régalienne, son discours clair sur la fermeté de l’État lui ont valu le respect d’une partie croissante de l’opinion. On l’a vu par exemple en Martinique fin août soutenir les forces de l’ordre et tenir un discours de fermeté contre l’insécurité et le narcotrafic.

 

Dans l’intérêt de la France, il est interdit de s’entendre avec CES socialistes

Retailleau est en phase avec les Français mais le sera-t-il encore dans six mois s’il participe à un gouvernement qui a signé un contrat de non censure avec le Parti Socialiste d’aujourd’hui ? Retailleau le libéral sur le plan économique et entrepreneurial (qualité si plus rare dans le personnel politique), le partisan d’un Etat allégé, stratège, celui qui refuse tout impôt supplémentaire et qui souhaite sortir les Outre-mer de l’assistanat socialiste que veulent nous imposer des élus locaux démagogues et biberonnés aux subventions, qui prétend enfin à la magistrature suprême en 2027 peut-il entrer dans un gouvernement Lecornu de fin de règne ?

 

Rompre avec le macronisme

Au-delà de l’incohérence idéologique, plus longtemps Bruno Retailleau demeurera dans un gouvernement macronien, plus il lui sera difficile de se poser en candidat de rupture crédible avec ce quinquennat finissant qu’il ne cesse de dénoncer par ailleurs. Déjà, son empressement à annoncer que LR voterait la confiance à François Bayrou le 8 septembre dernier a semé le doute chez nombre de ses amis politiques.

Retailleau serait-il trop loyal pour incarner l’alternance ?

L’échéance se rapproche. Pourra-t-il, en juin ou à l’automne 2026, lancer sa campagne présidentielle en claquant la porte d’un gouvernement socialisant auquel il aura prêté sa crédibilité, après l’avoir accompagné dans ses errances ?

Quelle sera alors sa légitimité face à un Rassemblement national qui, implacablement, avance ses pions ?

 

L’impasse internationale

L’affaire prend enfin un relief particulier pour Bruno Retailleau sur son propre terrain de prédilection : peut-il rester à l’Intérieur et jouer sans cesse les pompiers de service quand Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître l’État de Palestine. Une décision pyromane, lourde de conséquences pour la sécurité intérieure de la France, alors que l’extrême gauche s’est emparée de la cause palestinienne en la détournant de la solution à deux Etats pour défendre une Palestine allant de la mer au Jourdain, bref avec Israël rayée de la carte.

Nos villes vont être sous tension et l’antisémitisme va encore redoubler.

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et président d’un parti présidentiel, pourra-t-il incarner la fermeté régalienne tout en cautionnant une telle politique étrangère ?

 

Le choix est cornélien, mais il ne souffre plus de temporisation pour Retailleau.

Rester, c’est risquer d’être englouti par l’héritage Macron et perdre toute crédibilité présidentielle. Partir, c’est pour Retailleau clarifier le projet, re-doper l’espoir que son élection à la tête de LR a suscité, et enfin lui permettre de disposer du temps nécessaire pour s’entendre avec Laurent Wauquiez, convaincre d’autres leaders de droite de le rejoindre (une union des droites sans le RN, avec pourquoi pas Nicolas Dupont-Aignan, Eric Ciotti de retour au bercail, d’autres leaders de droite serait un coup de maître) et au plus vite préparer l’affrontement ultime de la présidentielle.

L’espérance née de son élection à la tête des Républicains ne peut pas être déçue. Il est temps de quitter Beauvau avant que l’Elysée voisine ne jette une ombre définitive sur un destin présidentiel.

 

Michel Taube

Directeur de la publication