Edito
02H28 - samedi 16 août 2025

Sommet Trump-Poutine : Alaska, le théâtre d’une double revanche. L’édito de Radouan Kourak

 

Sommet Trump-Poutine : Alaska, le théâtre d’une double revanche. L'édito de Radouan Kourak

Il y a des images qui, au-delà de la diplomatie, s’inscrivent immédiatement dans l’histoire politique. Ce vendredi soir à Anchorage, Donald Trump et Vladimir Poutine ont orchestré un moment qui tenait autant du sommet officiel que du spectacle géopolitique. Du tapis rouge au sourire complice, en passant par la poignée de main millimétrée, tout a été calibré pour envoyer un message clair : les deux hommes sont maîtres du jeu, capables de briser la glace là où tous ont échoué.

Pour Trump, cette rencontre est une validation éclatante de sa stratégie : faire mentir ceux qui l’accusent d’imprévisibilité en se posant en négociateur capable d’obtenir des avancées là où ses prédécesseurs n’ont fait que durcir les lignes. La phrase de Poutine  « si Trump avait été président plus tôt, la guerre n’aurait pas commencé »  résonne comme un historique cadeau inespéré, gravé dans le marbre pour ses partisans et sans aucun doute pour ceux qui étudieront l’histoire ou les relations internationales dans les années à venir. Dans cette déclaration, il y a tout le récit que Trump veut imposer : celui du président en campagne pour le Prix Nobel de la paix qui, d’un coup de fil ou d’une poignée de main, arrêterait les bombes et ramènerait la paix dans le monde.

Pour Poutine, cette soirée marque une revanche personnelle et politique sur l’isolement diplomatique auquel il était confronté depuis plus de trois ans. Invité officiel du président américain, accueilli avec tous les honneurs malgré le mandat d’arrêt international qui pèse sur lui, il balaie l’idée d’une Russie paria. Il se montre courtois, presque chaleureux, rappelant les liens historiques entre l’Alaska et la Russie, glissant des références à l’histoire commune et aux combats menés côte à côte contre un ennemi commun. En quelques heures, le Kremlin peut afficher une image : Moscou est de retour sur la scène mondiale, et pas par la petite porte.

Le fond, lui, reste plus flou. Trois heures de discussions « constructives », des engagements de principe sur la sécurité de l’Ukraine, mais aucun accord concret signé. Trump prévient qu’« il n’y a pas d’accord tant qu’il n’y a pas d’accord », une formule qui laisse à la fois la porte ouverte à un succès et à l’échec. L’idée d’une prochaine rencontre à Moscou, lancée par Poutine et accueillie par un « offre intéressante » de Trump, est venue ajouter une dimension presque théâtrale à l’issue du sommet. Un clin d’œil qui, à lui seul, résume l’atmosphère : beaucoup de symboles, peu de certitudes.

Et pourtant, chacun repart avec ce qu’il était venu chercher. Trump peut afficher la posture d’homme de paix, marteler qu’avec lui à la Maison-Blanche la guerre prendrait fin rapidement, et capitaliser sur l’image d’un président respecté par ses pairs, même les plus controversés. Poutine, lui, repart avec la reconnaissance implicite d’être un interlocuteur incontournable pour les États-Unis, un partenaire avec lequel on négocie d’égal à égal.

Cette nuit d’Alaska aura donc été moins celle d’une percée diplomatique majeure que d’un échange d’images fortes, soigneusement façonnées pour l’opinion publique et les caméras. Mais en politique internationale, l’image précède souvent l’action. Et si l’histoire devait un jour retenir qu’un accord de paix a commencé ici, elle retrouvera ce décor glacé où deux hommes, seuls maîtres à bord, ont scellé une trêve… au moins médiatique.

 

Radouan Kourak

Journaliste, producteur et entrepreneur