Edito
15H08 - lundi 4 novembre 2024

Le Goncourt à Kamel Daoud : et maintenant, le Prix Nobel de littérature ! L’édito de Michel Taube

 

Le prix Goncourt pour Kamel Daoud n’est pas simplement une victoire pour les lettres. Il est un triomphe des Lumières sur l’obscurantisme qui gangrène le monde arabo-musulman, la France incluse. En couronnant Houris, un roman qui mêle beauté littéraire et exigence morale, l’Académie Goncourt rend hommage à une plume qui refuse de se taire, une plume née de la douleur mais aussi de l’espoir, prête à se dresser contre l’idéologie qui menace de voiler la liberté, la dignité, et le droit de penser.

Kamel Daoud est, sans doute, le plus grand écrivain francophone issu du monde arabo-musulman. Ses œuvres sont bien plus que des romans : elles sont des manifestes, des actes de résistance, des étendards dressés contre le fanatisme qui, depuis des décennies, sévit en Algérie, en France et au-delà.

Houris, son dernier chef-d’œuvre, qui lui vaut la consécration, est un cri, celui d’Aube, jeune femme frappée dans sa chair par l’extrémisme, incarnant ce combat qui dépasse les frontières et qui révèle, au monde entier, l’intransigeance de l’intégrité face aux ténèbres.

Houris, c’est aussi un miroir tendu à une société qui s’éteint sous le poids du fanatisme, un miroir où l’Algérie, et bien d’autres pays, doivent affronter la réalité d’une décennie sanglante, celle des années 1990, un miroir qui, par son éclat littéraire, réverbère ce passé dans notre présent de plus en plus tragique mais réveille aussi nos consciences. La force de Kamel Daoud réside dans cette capacité unique à unir la finesse de la littérature au tranchant de la révolte. Ses mots, chargés de sens et d’émotion, traversent les âmes, refusant de céder face à la censure, aux menaces, à la facilité d’un silence complaisant.

Le 13 décembre 2014, dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » sur France 2, Kamel Daoud déclarait à propos de son rapport à l’islam : « Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse pour pouvoir avancer. »

Il y a chez Daoud quelque chose de Spinoza, lequel a commis au XVIIème siècle le premier grand texte qui a pris l’Ancien Testament, malgré sa sacralité, comme un objet critique. Cette audace, qui a ouvert grande la voie à la sécularisation du judaïsme et du christianisme, a valu à Spinoza son excommunication. À Daoud, elle lui a déjà valu une fatwa appelant à son exécution.

La puissance de l’œuvre, Kamel Daoud la puise notamment dans son enfance : étant petit, il a été élevé en Algérie dans une famille islamiste dont il s’est extrait par la lecture, la culture, la littérature. Le français n’est pas sa langue natale : c’est en entrant au journal Le quotidien d’Oran qu’il a appris le français.

Kamed Daoud aime la France. Il dit quelque part : « le seul défaut de la France, c’est trop souvent à mon goût la grisaille du ciel. »

Cette reconnaissance française, ce Goncourt, est bien plus qu’un prix. Il est la promesse d’une autre consécration, universelle cette fois-ci : le Nobel de littérature. Oui, Kamel Daoud mérite cette reconnaissance mondiale, parce que son œuvre est un manifeste vivant, une incandescence nécessaire dans un monde qui peine à maintenir la flamme de la raison et de la liberté. Ses romans nous rappellent que la littérature n’est pas une simple distraction, mais une arme pacifique et puissante, une source inépuisable de lumière contre l’obscurité des dogmes.

 

Michel Taube

 

 

 

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