Edito
12H46 - lundi 10 juin 2024

Si le RN doit exercer le pouvoir, autant que ce soit tout de suite. L’édito de Laurent Tranier

 

« Si le RN doit exercer le pouvoir, autant que ce soit tout de suite pour qu’il montre son incompétence tant que nos institutions sont assez solides pour protéger la République. » C’est peut-être ce qu’a pensé Emmanuel Macron au moment de dissoudre l’Assemblée nationale. Il avait devant lui le choix entre trois ans d’interminable agonie de son second quinquennat avant probablement de céder sa place à l’Élysée à Marine Le Pen… ou un chamboulement total du paysage politique avec le risque de l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon.

Dans le cas où le RN remporterait les élections législatives, autant que son passage au gouvernement se fasse avec un Président de la République et un Sénat républicains. Celle de nos institutions qui aura alors un rôle clé sera le Conseil constitutionnel, gardien des valeurs et des grands principes de notre République auxquels nous sommes par-dessus tout attachés. Le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, et le juge administratif, devront eux aussi faire preuve de solidité et de courage : l’État de droit arrêtera les projets autoritaires et antirépublicains.

Ce qui éclatera au grand jour sera l’incohérence et l’incompétence du personnel politique RN, à commencer par celle de sa tête de liste européenne qui a montré, durant cette campagne, sa méconnaissance des sujets importants.

Attention, les temps seront difficiles, notamment sur le front de l’économie et des finances publiques. Nous devons nous attendre à une violente dégradation de notre image internationale, qui est pourtant un des grands atouts de notre économie dans nos secteurs phares du luxe, de l’agroalimentaire, du tourisme, etc. Notre crédibilité déjà vacillante en matière de remboursement des déficits va s’effondrer, les taux d’intérêts monteront forcément, l’austérité ou les hausses d’impôts deviendront de plus en plus nécessaires et donc brutaux : ce sera la récession, le retour du chômage et l’appauvrissement de tous.

La voix de la France, qui est devenue la plus influente en Europe, va s’affaiblir terriblement. La Diplomatie et la Défense, domaines réservés du Président de la République en temps normal, feront l’objet d’une concurrence délétère entre les deux têtes de l’Exécutif. Très mauvaise nouvelle pour les démocraties, à commencer par l’Ukraine en guerre, et excellente nouvelle pour toutes les dictatures, à commencer par la Russie. Un désastre à tous les étages.

En conséquence, dans trois ans, lors de la prochaine élection présidentielle, Marine Le Pen sera battue. La République sera durablement sauvée, plus personne n’ayant envie de tenter pareille aventure, mais la France et les Français seront exsangues.

Après cette parenthèse de désenchantement, restera à trouver un certain nombre de réponses. Comment lutter contre ceux qui font croire aux Français que tout va mal dans leur pays (alors que les enquêtes montrent que les Français sont globalement très satisfaits de leur situation personnelle) ? Comment briser l’influence des régimes autoritaires qui soufflent sur les braises et sapent notre démocratie de l’intérieur ? Et surtout : comment remettre de l’ordre dans notre République pour éviter que nos politiques retombent dans la confusion et l’impuissance ?

L’heure est grave. Désespérer ne nous aidera pas.

 

Laurent Tranier
Rédacteur en chef Opinion Internationale, chef de rubrique Amériques latines, fondateur des Editions Toute Latitude