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13H45 - samedi 30 mars 2024

« Comment le Dr Jekyll de la République s’est transformé en Mr. Hyde de l’islamogauchisme ». Extraits du dernier livre d’Eric Naulleau

 

Dans son essai à paraître aux Éditions Léo Scheer, La République, c’était lui ! Grandeur et déchéance du camarade Mélenchon (avril 2024, 150 pages, 18 €), l’écrivain, critique littéraire et animateur de télévision Éric Naulleau revient sur le reniement idéologique radical du fondateur de La France Insoumise (LFI).

Le cynisme du « lider minimo », républicain devenu communautariste, laïcard converti à l’islamogauchisme, partisan du traité de Maastricht changé en europhobe, ancien trotskyste désormais admiratif du néo-stalinisme de Vladimir Poutine, fait froid dans le dos.

Une grande partie de la gauche l’a suivi dans sa dérive, jusqu’à son refus de reconnaître le caractère terroriste des atrocités du Hamas. L’outrance de trop ?

Extraits d’un ouvrage à mettre entre toutes les mains…

 

D’une émission…

Sur le plateau d’« On n’est pas couché », en ce 24 avril 2010, Jean-Luc Mélenchon ne mâche pas ses mots. Le débat porte sur la récente décision du NPA de présenter une femme voilée aux élections régionales, à quoi l’invité du fameux talk-show avait déjà réagi sur une autre chaîne en déclarant : « Lorsqu’on veut être élu, il faut pouvoir représenter tout le monde, c’est donc une erreur de se présenter à une élection en affichant une appartenance religieuse qui rend impossible cette représentation du souverain dans son ensemble. » Mais ce soir-là, il hausse encore le ton. À toutes les personnalités de gauche, d’Olivier Besancenot à Benoît Hamon, qui dénoncent la stigmatisation d’Ilham Moussaïd, la candidate du parti trotskiste, il rétorque que « ces gens se stigma tisent eux-mêmes ». Tout comme en 1989 avec l’affaire des collégiennes voilées de Creil, la gauche se sépare en deux camps sur la question de la laïcité. Vingt ans plus tard, Mélenchon choisit de nouveau le bon côté. Et enfonce le clou d’une tirade bien sentie, confondant dans la même diatribe la question du voile et celle de la burqa, entre lesquelles il n’établit aucune distinction : « Est-ce un traitement dégradant, oui ou non ? Si c’est un traitement dégradant, alors c’est interdit. Ici, c’est la République. Je considère que c’est un traitement dégradant et une provocation de certains milieux intégristes contre la République. » Ne se trouverait-il qu’une femme voilée dans tout le pays, ce serait encore une de trop, insiste-t-il, on ne saurait montrer trop de fermeté « pour empêcher une absurdité, qu’une femme considère qu’elle est un enjeu, un gibier, qu’un homme ne peut la regarder qu’avec un œil de prédateur. C’est une idée obscène ». Je monte alors au filet pour une relance en lui demandant quel message il souhaite adresser aux femmes qui déclarent porter la burqua de leur plein gré. Réponse immédiate et sans détour : « En République française, les hommes et les femmes sont égaux, j’ai le droit de te regarder dans les yeux. On va vivre ensemble, on ne se trimballera pas ces fantômes qui se promènent dans la rue. »

Vu depuis 2024 et les trahisons qui suivront, le plus beau reste à venir. Non seulement Jean-Luc Mélenchon appelle de ses vœux une loi sur l’interdiction de la burqa, mais souhaite que le futur texte punisse également les personnes qui refusent d’être soignées par un médecin du sexe opposé, prohibe les horaires séparés dans les piscines et, de manière plus générale, toute concession au communautarisme. Caroline Fourest, autre invitée du soir, opine du chef avec enthousiasme : « Ça fait du bien de trouver des gens de gauche qui reprennent ce drapeau, même si Jean-Luc Mélenchon ne l’a pas abandonné. » Tout juste si Jean-Luc et Caroline ne s’embrassent pas sur la bouche – le premier nommé ne tardera cependant pas à se torcher avec l’étendard qu’il fait encore claquer ce soir-là contre les vents mauvais de l’islamisme. En attendant, le camp laïc présente un front uni, le futur lider minimo se tient droit dans ses bottes luisantes de cirage républicain, parle haut et fort sans jamais perdre le contrôle de ses propos, à peine relevés d’une pointe de gouaille à la Georges Marchais.

 

… à l’autre

Dans le studio attenant au plateau de « Balance ton post ! », en ce 12 février 2021, Jean-Luc Mélenchon est tout sourire. Ça ne va pas durer. Après l’avoir remercié de sa présence et lui avoir même confié sa grande tendresse, Cyril Hanouna met sans tarder les pieds dans le plat. Un rappel des faits s’impose. Un an et demi plus tôt, l’invité de Baba avait expliqué la lourde défaite du travailliste Jeremy Corbyn, en Grande-Bretagne, par l’intervention d’un lobby juif. Plus précisément, celle du grand rabbin d’Angleterre et de « divers réseaux d’influence du Likoud ». Il entendait pour sa part ne point subir le même sort, refusant « toute génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du Crif ». De quoi instruire un procès en antisémitisme dont l’animateur se fait l’écho d’entrée de jeu. Crispation de l’invité, défense brouillonne. Évanouie, envolée, oubliée, l’aisance dont il faisait preuve lors de son passage à « On n’est pas couché ». Le visage encore avenant du samedi soir a cédé place au masque grimaçant du jeudi soir, travaillé à fleur de peau par les passions mauvaises, soufflé d’ambition recuite. Un proverbe espagnol affirme qu’à partir de 40 ans, on a la gueule qu’on mérite. Il faut parfois s’en remettre à la sagesse populaire, surtout quand elle nous arrive du pays des ancêtres de M. Mélenchon.

En compagnie des chroniqueurs de « L’After », l’émission que je suis chargé d’animer en seconde partie de soirée, j’assiste à la scène sur l’écran d’une télévision installée dans les coulisses. Si je suis absent pour la première fois de « Balance ton post ! », c’est parce que Jean-Luc Mélenchon a exigé qu’il en soit ainsi. Sujet justement abordé par Cyril Hanouna après celui de l’antisémitisme supposé de son interlocuteur : « Vous avez souhaité qu’Éric Naulleau ne soit pas présent. » Qui prend ensuite les téléspectateurs à témoin : « Je vous promets que c’est la seule demande de Jean-Luc Mélenchon, il ne m’a rien demandé d’autre. Il m’a dit qu’il voulait être en direct, prêt à discuter de tous les sujets avec les chroniqueurs de notre choix, sauf Éric Naulleau ». La parole est à la défense. Et à l’accusation en même temps dans la grande tradition des procès totalitaires, membre de l’Organisation communiste internationaliste un jour, membre de l’Organisation communiste internationaliste toujours. Plaidoyer ou réquisitoire confus d’où il ressort que je suis un contradicteur « extrêmement agressif », spécialisé dans « les charges haineuses », qu’un seul intervenant dans mon genre au milieu de dix autres suffirait à perturber les échanges (« L’eau, liquide si impur, qu’une seule goutte suffit à troubler l’absinthe », disait Alfred Jarry. « Naulleau, chroniqueur si impur, qu’une seule goutte de salive suffit à troubler les débats », paraphrase en quelque sorte Mélenchon). Même si, grand prince, il me reconnaît le droit d’être en désaccord avec lui – pourvu que je m’exprime depuis les loges de l’émission ou le canapé de mon salon.

Il est assez étrange d’entendre parler de soi, surtout dans les termes cités, quand on se trouve réduit au silence à quelques dizaines de mètres du détracteur qui a obtenu votre annulation. Ce qui n’empêche pas d’écouter et de s’instruire. Mis en difficulté par Laurence Sailliet au sujet de son opposition à la loi sur le séparatisme alors en discussion, Jean-Luc Mélenchon ne trouve rien d’autre à lui répondre, sinon quelques contre-vérités de beau calibre, que de désigner aux téléspectateurs son « vilain visage crispé ». Galanterie à la française, quand tu nous tiens… La loi citée entend pourtant « apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains ». Soit le cheval de bataille enfourché par le même homme dix ans plus tôt lors de sa participation à « On n’est pas couché ». Les législateurs paraissent même répondre à la préoccupation qu’il avait alors exprimée au sujet des horaires séparés dans les piscines, puisqu’il est question de renforcer « le contrôle sur les actes des collectivités locales qui porteraient gravement atteinte à la laïcité ou à la neutralité dans un service public (cantine, équipements sportifs…) ». Tout pour lui plaire, en théorie. Mais le cavalier a entretemps changé de monture. Ou les mouches ont changé d’âne, si on préfère. Il estime désormais que son rôle « n’est pas de se prononcer sur le règlement intérieur des piscines françaises ». De son propre aveu, la question du burkini le soûle. Au cours de l’échange avec Agathe Auproux, on apprend en outre avec surprise de sa bouche que rien n’est plus humiliant pour une femme voilée que d’en faire le symbole d’une soumission à l’ordre masculin – l’exact opposé des propos tenus dans l’émission de Laurent Ruquier. Mieux même, à l’en croire, le séparatisme n’a aucun, mais alors aucun rapport avec l’islamisme et tout à voir avec la situation en Alsace-Moselle où, régime du concordat oblige, l’État rémunère les ministres du culte. Ou encore avec les quartiers aisés dont les habitants pratiquent l’entre-soi. Encore un peu, nous aurions droit au récit éprouvant d’un attentat suicide commis par un curé de Schiltigheim ou d’un raid de tueurs issus de la grande bourgeoisie dans les locaux de Charlie.

 

La chute

« Un gouffre sépare le 24 avril 2010 du 12 février 2021, un abîme au fond duquel gisent les convictions d’un homme politique jadis respectable et à présent déshonoré. Une moitié d’existence bradée au nom d’une ambition dévoyée, d’un plan de carrière placé sous le signe du pur cynisme. Selon Jules César, mieux valait être le premier dans son village que le second à Rome. Selon Jean-Luc Mélenchon, mieux vaut être le premier à Saint-Denis que le trentième à Solferino. Mieux vaut fonder un parti au fonctionnement autoritaire que d’observer le pouvoir suprême depuis le strapontin d’un ministre délégué à l’Enseignement professionnel – fonction qu’il exerça entre 2000 et 2002, fonction si prestigieuse que le maroquin fut immédiatement supprimé après son départ. Mieux vaut fonder un parti à sa main que d’essayer de prendre la tête d’une formation historique comme le PS. Battu à plates coutures au congrès de Brest par François Hollande pour le poste de premier secrétaire, Jean-Luc Mélenchon reprocha ensuite à ce dernier ne pas avoir respecté leur accord qui prévoyait… de gonfler artificiellement leurs scores respectifs ! »

 

Éric Naulleau, La République, c’était lui ! Grandeur et déchéance du camarade Mélenchon

Éditions Léo Scheer, avril 2024, 150 pages, 18 €