La chronique de Jacques Soppelsa
17H29 - lundi 6 février 2023

Parachever Erasmus dans l’esprit de la Magna Charta. La chronique de Jacques Soppelsa

 

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Il y a maintenant plus d’un tiers de siècle, à Bologne, le 18 Septembre 1988, dans la foulée de la mise en place du Programme Erasmus inspiré par notre regretté collègue Franck Biancheri, en 1987, avec notamment la collaboration des responsables de cinq des Universités européennes les plus prestigieuses, le Recteur de Bologne, (notre  Alma Mater), celui de Barcelone, le Chancelier d’Utrecht, le Président de Louvain et le signataire de ces lignes, es qualité de Président de Paris Panthéon Sorbonne, ces derniers rédigeaient la Magna Charta des Universités européennes.

Leur ambition : élargir précisément les objectifs du programme Erasmus tout en espérant contribuer ainsi à la consolidation de l’Union européenne elle-même.

Le Programme ERASMUS (European Action Scheme for the Mobility of European Students) fut officiellement lancé, sous l’égide de François Mitterrand, convaincu notamment par ses promoteurs (Sofia Corradi et Franck Biancheri) en 1987.

Ses ambitions : promouvoir des échanges d’étudiants  (et d’enseignants-chercheurs, ce qui est très souvent oublié) entre les différentes Universités européennes. Un Programme ultérieurement élargi à l’ensemble de la planète ( Erasmus Mundi, Erasmus +).

A ses débuts, le programme Erasmus recensait 11 Etats européens participants ( Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie ,Pays Bas,  Portugal et Royaume Uni). Aujourd’hui, il concerne les 27 membres de l’UE (à la suite du départ du Royaume Uni, les trois Etats membres de l’AELE (Norvège, Islande et Lichenstein, et trois candidats à l’entrée dans l’Union, la Macédoine du Nord, la Turquie et la Serbie. Certes, la Hongrie vient d’en être exclue par l’Union européenne : dommage que les conflits entre nations sanctionnent les étudiants !

Le nombre de bénéficiaires n’a certes cessé de croître : 3200 étudiants en 1987,  80 000 en 1997, 160 000 en 2007,300 000 en 2017… Le cap des 500 000 est franchi en 2020. Soit quelques 11 millions depuis le lancement du programme.

Sans oublier les enseignants chercheurs : 10 000 en 1997, 15 000 en 2007, 30 000 en 2017, 35 000 en 2020.

Certes, tout est relatif : cela concerne moins de 5% des étudiants européens.…

Ce qui nous autorise à considérer que les Programmes Erasmus peuvent atteindre des objectifs plus ambitieux encore, contribuant à actualiser l’initiative « Magna Charta ».

Cette initiative avait en son temps suscité quelques commentaires sceptiques de la part de nombreux observateurs, réservés quant à l’éventuel succès du programme Erasmus et, a fortiori, à son élargissement.

Trente-cinq ans plus tard, il peut paraître utile, voire instructif, tant pour l’avenir du monde éducatif que pour la promotion d’une réelle intégration européenne, de rappeler certains des grands principes affichés par ladite Charte, mais aussi de réfléchir, au risque de passer à nouveau pour de doux rêveurs, à la poursuite de l’élargissement sectoriel des programmes Erasmus.

Quant aux grands principes, les rédacteurs de la Charte rappelaient (ce qui peut paraître des banalités, même si elles sont encore singulièrement bafouées par les faits), que « le monde universitaire  a pour mission fondamentale d’assurer aux nouvelles générations une formation et une éducation susceptibles d’optimiser harmonieusement leur développement culturel, scientifique  et technique», en permettant en outre aux dites générations « de prendre toute la mesure des grands équilibres de la vie » .

Dans ce cadre général, les établissements d’enseignement supérieur, tout en refusant sans concession toute forme d’intolérance, doivent s’affirmer comme le lieu privilégié de rencontres entre des enseignants chercheurs ayant la capacité de transmettre le savoir et des étudiants venus de tous horizons ayant la vocation et la capacité de  s’enrichir.

Alors, eu égard aux profondes mutations sociétales qu’a connues l’Europe depuis la rédaction de la Magna Charta, en particulier au plan de la mobilité des jeunes générations, de l’impact des médias et de l’essor de la circulation intra européenne, pourquoi ne pas songer aussi, à titre expérimental, à transposer nonens volens l’aventure universitaire à l’échelle des établissements du second degré ? Un semestre effectué, par exemple, dans un collège d’un pays européen voisin, outre son intérêt linguistique et culturel, permettrait aux futurs étudiants de découvrir une palette d’opportunités géographique plus diversifiée, susceptible de les convaincre qu’en matière de recherche ,le slogan « point de salut en dehors des Etats-Unis » pourrait être sérieusement nuancé !

Non que nous soyons animés d’un quelconque sentiment anti-américain. Tant s‘en faut ! Il serait de fait particulièrement malvenu de la part d’un ancien boursier Fullbright qui fit de surcroît sa  thèse de Doctorat d’Etat Outre Atlantique ! Mais un rééquilibrage des points d’accueil au profit de l’Europe ne pourrait être que profitable à la promotion de l’intégration européenne.

Comme le soulignaient les rédacteurs de la Charte, « dépositaire de la tradition de l’humanisme européen, mais avec le souci constant d’atteindre au savoir universel, l‘Université, pour assumer ses missions, affirme la nécessité impérieuse de la connaissance réciproque et de l’interaction des cultures ».

 

Jacques Soppelsa

Président honoraire de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne, Doyen de l’École Supérieure des Métiers du Droit, Conseiller éditorial d’Opinion Internationale. Co-auteur avec Alexandre del Valle de « La Mondialisation dangereuse », éd. L’Artilleur, 2021.

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