oNEhEALTH
16H49 - samedi 27 août 2022

Pr Jean-Jacques Kiladjian : « Améliorer le diagnostic des cancers du sang doit être une priorité nationale. Des initiatives comme Septembre rouge vont nous y aider.»

 

Opinion Internationale : Pr Jean-Jacques Kiladjian, vous êtes hématologue à l’hôpital Saint-Louis de l’AP-HP à Paris. Vous êtes une sommité mondiale dans la lutte contre le cancer du sang. D’ailleurs, on dit souvent « le » cancer du sang, mais vous parlez DES cancers du sang…

Pr Jean-Jacques Kiladjian : Cela fait référence à des maladies tumorales des cellules qui donnent naissance aux cellules sanguines et qui se trouvent en général dans la moelle osseuse. Cela peut regrouper des pathologies assez connues comme les leucémies par exemple, les lymphomes, et d’autres maladies dont les néoplasies myéloprolifératives (NMP). Sous ce chapeau de « cancers du sang » on fait référence à des maladies tumorales de cellules qu’on appelle hématopoïétiques, c’est-à-dire celles qui donnent naissance à toutes nos cellules sanguines.

Souvent, lorsque l’on parle des différents types de cancers du sang, il s’agit de maladies orphelines. Mais leur incidence augmente ces dernières années. Parfois pour des raisons environnementales, comme l’utilisation des pesticides par exemple qui semble vraiment corréler à l’augmentation de certains lymphomes, ou de maladies de la moelle osseuse.

Mais soulignons aussi que probablement que cette augmentation est due à l’amélioration du diagnostic de ces maladies.

 

Vous parlez des pesticides. Beaucoup d’agriculteurs ont des cancers du sang ?

Il y a des cancers du sang que l’on appelle des syndromes myélodysplasiques qui sont corrélés à des expositions à ces toxiques et les agriculteurs sont donc plus à risque de développer ces maladies.

 

A-t-on une idée de combien de personnes pourraient avoir un cancer du sang en France et combien parmi elles sont aujourd‘hui diagnostiquées ?

Le nombre de nouveaux cas de cancers du sang diagnostiqués en France métropolitaine est estimé à près de 45 000 par an. Ceci représente un peu plus de 10 % de l’ensemble des cancers.

 

Peut-on avoir un cancer du sang à tout âge de la vie ?

Oui. En grande majorité, ce sont des maladies acquises, c’est-à-dire qu’une mutation d’un gène apparaît dans les cellules sanguines et va donner naissance à la prolifération tumorale. Dans quelques cas, on a des prédispositions génétiques, donc que l’on a depuis la naissance et qui vont favoriser l’apparition de ces maladies. Mais cela reste beaucoup plus rare que les formes dites « acquises », à savoir qu’avec l’âge ces mutations apparaissent et donnent naissance à ces maladies.

 

Cancer est un terme générique qui recouvre des maladies extrêmement diverses, s’agit-il de cancers au sens « classique » ?

 Au sens biologique, ce sont des cancers : ce sont des cellules qui vont acquérir la capacité de proliférer de manière anarchique sans aucun contrôle et former des tumeurs ou pas. Mais cela n’a rien à voir avec un cancer que l’on appelle un « cancer solide », comme un cancer du poumon : ce ne sont pas des maladies qui donnent des métastases. Ce sont des maladies qui sont d’emblée un peu diffuses et qui ont des évolutions très variables.

Par exemple, les NMP restent des pathologies extrêmement chroniques qui théoriquement ne doivent pas emporter les patients si elles sont bien prises en charge. A l’inverse, il existe des formes très agressives de leucémies aigües qui vont emporter les gens en quelques jours.

 

Quels sont les traitements des cancers du sang ?

Les traitements de ces maladies vont être très individualisés. On va de plus en plus vers des thérapies ciblées, pour lesquelles il va falloir beaucoup de moyens d’abord pour identifier les mutations « cibles » par des tests biologiques sophistiqués. De plus ce sont des thérapies coûteuses.

Lorsque l’on détecte des mutations, des anomalies, pour chaque patient, le paysage va être différent. On fait alors de la médecine de précision. Chaque patient va nécessiter des médicaments ou des associations de médicaments très précises et individualisées, comme on le fait petit à petit dans d’autres cancers comme le cancer du poumon, du sein, etc.

Pour les cancers du sang, nous étions très en avance sur ce point. Nous avons développé des thérapies très originales en dehors de la chimiothérapie. En effet, l’idée est de se passer de plus en plus de chimiothérapie, pour aller vers ces thérapies ciblées beaucoup moins toxiques et beaucoup plus efficaces pour chaque patient. C’est du sur mesure, de la haute couture, ce n’est pas du prêt-à-porter !

 

L’association Vivre avec une NMP lance en France #SeptembreRouge. Qu’est-ce que cela représente pour vous en tant que Professeur de médecine ?

Des initiatives comme #SeptembreRouge important pour augmenter la connaissance de ces maladies qui restent assez « confidentielles ». Sur le plan médical, nous avons besoin d’améliorer leur diagnostic et donc d’une prise en charge plus précoce. Les gens doivent être informés de ce qu’il faut faire par exemple devant un ganglion qui apparaît…

D’autre part, cela nous aidera à faire avancer la recherche en faisant connaître ces maladies, mais également les besoins aussi bien financiers qu’humains que l’on a pour développer des traitements.

 

Avez-vous un message à adresser au nouveau ministre de la Santé François Braun et à Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ?

Nous avons des retards de diagnostics car nous avons des patients qui sont dans des endroits où il n’y a pas du tout d’hématologues à 300 km à la ronde. Donc c’est quelque chose qu’il va falloir améliorer… Plus précisément, nous avons besoin de développer des services d’hématologie sur l’ensemble du territoire national.

 

Propos recueillis par Michel Taube

 

Septembre Rouge, une première en France pour sensibiliser aux cancers du sang

Dans de nombreux pays, le mois de septembre est dédié à la sensibilisation à tous les cancers du sang. L’association « Vivre avec une NMP », présidée par Karin Tourmente-Leroux, auteure de « Drôle de voyage dans un pays qui n’existe pas » (éd. Librinova, 2022), a décidé de porter haut et fort le sujet en France afin de faire connaitre au plus grand nombre les cancers du sang à travers l’initiative #SeptembreRouge.  Illuminations de monuments, d’hôtels de ville, conférences les 7 et 14 septembre feront de septembre le mois de la mobilisation générale contre les cancers du sang.

Pour soutenir ce lancement, les Maires sont appelés à illuminer un monument en rouge en septembre : Charles-Antoine et Constance de Vibraye, touchés par le récent décès de l’un de leurs filleuls d’un cancer du sang, ont été les premiers à accepter d’éclairer en rouge tous les soirs du mois de septembre, le château de Cheverny dont ils sont propriétaires. 

Ils ont été rapidement rejoints par des communes qui ont accepté de se mobiliser pour #SeptembreRouge en éclairant en rouge hôtels de ville, bâtiments municipaux ou monuments, durant quelques jours ou un mois : La Rochelle, Saintes, Louviers, Houlbec-Cocherel, le Château de Cheverny, Orléans, Arras, Biarritz, Fleurance, Oloron-Sainte-Marie, Barr, Molsheim, Mulhouse, Paris 17e, Saint-Nicolas-d’Aliermont, Viry-Chatillon, Amiens, Toulon, Herblay…

Deux conférences publiques sur Internet auront également lieu, organisées en partenariat avec Dis-moi Santé*, et destinées aux patients, aux aidants et au grand public, les mercredi 7 et 14 septembre prochain, sur « les NMP, trois lettres pour des maladies rares », « Cancers du sang de l’adulte : où en sommes-nous ? ». Avec la participation du Professeur Jean-Jacques Kiladjian (Saint-Louis, Paris), du Professeur Jean-Christophe Ianotto (CHU, Brest), du Docteur Véronique Saada (Gustave Roussy, Villejuif), du Professeur Valérie Ugo (CHU, Angers), tous membres du conseil scientifique de « Vivre avec une NMP ».

Lien d’inscription : https://www.vivreavecunenmp.com/septembrerouge

#SeptembreRouge est soutenue par l’Etablissement Français du Sang, le FIM (France Intergroupe des Syndromes Myéloprolifératifs), lAssociation des Internes en Hématologie (AIH), Dis-moi Santé, le Press Club de France et la rubrique oNEhEALTH d’Opinion Internationale.

Pour cette première édition, #SeptembreRouge compte parmi ses soutiens le campus Saint Marc à Rouen, le site Mes sorties culture, la brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris et a la confiance des laboratoires Abbvie, BMS et Novartis.

Pour tout renseignement : https://www.vivreavecunenmp.com/.

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