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03H46 - samedi 3 décembre 2022

Le dernier médecin

 

Il ne faut pas exagérer ! Les choses s’étaient faites selon une pente finalement douce.

Pour autant, la situation de 2027 n’était pas imaginable : oui, en 2027, la France se trouverait sans médecin. 

 Aucun médecin ! Pas un !

Pourtant, une alerte, la propagation d’un petit virus, rond et piquant comme un oursin,  avait interpellé dès 2020 : attention ! danger imminent… 

Ce virus, celui de la Covid, avait deux aspects :  non content d’étouffer, il s’avérait amnésiant : les Français n’avaient plus de mémoire.

Nombre de démissions parmi les praticiens hospitaliers avaient suivi. Et tout le monde avait oublié.

Les Français n’avaient pas compris l’essentiel : élections ou pas, l’Etat ne leur appartenait pas. 

L’Etat avait pour objectif ses seuls critères de rationalisation. On ne voulait plus des particularités de métiers, on voulait des Agents Publics interchangeables.

On avait donc supprimé le Corps diplomatique. Quant aux 9000 juges, ils pourraient manifester encore trente ans, cela ne gênait personne. Ils s’étaient déjà formatés eux-mêmes.

Pour les médecins, cela avait été presque aussi simple : le ministère et son administration centrale avaient bombardé, des décennies durant, les Agences Régionales de Santé, avec une directive précise : réduire les coûts.

L’Intelligence Artificielle permettait de répondre, sur une plate-forme style Doctolib, mais cette fois en direct, aux appels en urgence. 

Par exemple, les cardiaques en crise devaient se rendre dans le sas des nouvelles pharmacies de garde. C’était un peu l’équivalent de ces petites salles bancaires pourvues de distributeurs de retraits d’argent. Pas de personnel ! Personne ! Coût zéro.

Là, des défibrillateurs avec instructions simples permettaient à plus de 70% des patients de s’en tirer. En haut lieu, le quotient avait été estimé raisonnable, et de surcroit, économique.

Les derniers médecins constituaient – qu’ils se collent bien cette donnée dans la tête ! – une variable d’ajustement. Comme n’importe quel coût. Ils devaient être réduits.

Les médecins devaient disparaître, car douze ans d’études et plus si affinités, c’était trop cher. Beaucoup trop cher. La robotisation faisait mieux.

Elle laissait au patient la liberté de choisir et tweeter sa « résurrection ». 

« Une vraie tendance », avait déclaré le ministre. 

Les mécanos de santé indépendants avaient été remplacés dans les services hospitaliers, les moins chers l’emportant sur les internes relookés en « professionnels de santé ». Le titre « Docteur » disparaissait.

On avait bénéficié d’une nouvelle embellie avec l’arrivée de quelques dizaines de médecins ukrainiens, aux salaires moins élevés que ceux des Polonais, et que pour finir, on avait oublié de leur payer. 

2027. L’épisode guerrier se prolongeait. Poutine comme Biden étaient morts, et Macron « commençait une nouvelle vie ».

L’administration veillait. De 40 départements sans généralistes en 2022, on parvenait à 90. Yes!

L’Hexagone se voyait lessivé, libéré de ces emmerdeurs de médecins qui s’étaient prétendus « professionnels libéraux ». Terminé ! 

Restaient encore quelques psychiatres vieillissants. 

Guérisseurs, voyantes et marabouts prospéraient. 

Les opérations chirurgicales étaient toutes automatisées, grâce aux robots de dernière génération imaginés par le Prix Nobel 2025 de physique.

 Le suicide était depuis lurette devenu la première production nationale. Peu importaient les trois millions de burn-out enregistrés : les finances se redressaient.

Bercy affichait sa satisfaction. Les facultés de médecine seraient fermées à l’automne et les immeubles vendus.

Plus tard, un des derniers jours de décembre 2027, Hippocrate Martin, le dernier médecin, exerçant à Bressuire, allait mourir. 

Une affaire rondement menée, en somme.

 

Dr Ali Afdjei, François Michalon, Jean-Philippe de Garate

Jean-Philippe de Garaté est un ancien avocat, ancien magistrat. Il a défrayé la chronique avec son « Manuel de survie en milieu judiciaire » (éd. Fortuna). « Du côté de chez Céline » (éd. Portaparole) a mis en relief sa facette littéraire. A lire également : « Trois petits tours » (Le Lys bleu), Bréviaire de la Destruction (éd. Fortuna), « Le Juge des Enfants » (Portaparole), » l’Avocat » (Le Lys Bleu). Chroniqueur Opinion Internationale.

Dr Ali Afdjei est médecin d’urgences et de catastrophes et médecin du sport, co-fondateur de www.GrandCoeur.fr.

François Michalon est expert en force mentale et du comportement, Conseil et Motivation de Dirigeants, entrepreneur & conférencier, co-auteur de« Burn-out, le vrai du faux » avec le Dr Ali Afdjei, et le Dr Alain Delabos, médecin nutritionniste et père de la Chrono-Nutrition

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