FREE EURO-UKRAINE
23H33 - vendredi 25 mars 2022

Reporters en Ukraine : « C’est le moment où jamais pour les rédactions de se réveiller »

 

 Les bombes russes ravagent l’Ukraine depuis le 24 février 2022, et les terrifiantes images de la désolation ne cessent d’émouvoir la communauté internationale. Toute image a cependant son prix, que les journalistes et informateurs payent parfois de leur vie, sans que les rédactions ne daignent lutter contre la précarité sécuritaire de leurs équipes.

La France compte à l’heure actuelle plus de 500 journalistes français en Ukraine pour couvrir le conflit, comprenant de nombreux reporters non expérimentés. Le photojournaliste Guillaume Briquet avait expliqué avoir frôlé la mort dans les colonnes de Libération le 8 mars, conseillant aux novices de rentrer chez eux. « Aller en zone de guerre, ce n’est pas comme couvrir une manifestation des gilets jaunes en France », avait-il relaté. « Sans carte de presse, on m’aurait pris pour un espion et je serais probablement mort. »

Face au silence, le cri d’alarme des Échos

Actuellement basée à Dubaï, Laura-Maï Gavériaux, grand reporter aux Échos, soutient avec brio ses collègues en Ukraine. Depuis les Emirats arabes unis et la France, elle assure le relais de gilets pare-balles, casques, batteries externes, nourriture et vêtements jusqu’à Kyiv. Lors d’un entretien, la journaliste nous explique la gravité de la situation et dénonce le silence des grandes rédactions. Manque de matériel, de protection ou encore de soutien financier et émotionnel, Laura-Maï Gavériaux répond présent là où les rédactions font défaut.

Sans compter le mutisme des rédactions, l’inexpérience des jeunes sur le terrain menace d’autant plus leur vie. En organisant des formations en visioconférence pour leur fournir de l’aide sécuritaire, la reporter a réalisé « qu’ils partaient de zéro » et ne recevaient aucune formation. Soucieuse de leur bien-être, elle a assuré des ateliers « de gestion psychologique du viol de guerre, de premiers gestes de secours en zone de guerre, de sécurité numérique et de risques chimiques. » De précieux conseils et procédures que les rédactions ne fournissent pas forcément à leurs pigistes, une obligation pourtant inscrite dans le Code du Travail (article L4121-1).

Protéger les journalistes pour défendre la liberté de la presse

Mais Laura-Maï Gavériaux et sa formidable équipe ne s’arrêtent pas au théorique : deux convois ont été envoyés à Kyiv et à la frontière polonaise depuis le début du conflit, tandis qu’un troisième prendra la route samedi 26 mars. Malgré avoir sollicité les grandes rédactions, aucune ne répondra à son appel, excepté le Syndicat International des Journalistes. « Rien n’a bougé », déplore-t-elle avec effarement. C’est pourtant « le moment où jamais pour les rédactions de se réveiller. » Afin de pérenniser le soutien manquant cruellement aux informateurs, Laura-Maï Gavériaux mettra prochainement en place avec un partenaire une structure dédiée à la protection des journalistes pigistes en zone hostile. Sacrée défaite pour quelques médias et leur politique de l’autruche !

Pour financer son action solidaire, une cagnotte a été mise à la disposition de tous : https://www.onparticipe.fr/cagnottes/IQ9EjgcM

 

 

Maud Baheng Daizey