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12H31 - mercredi 30 mars 2022

Les prête-noms, rempart contre le gel et la saisie des avoirs russes

 

L’agression de l’Ukraine le 24 février 2022 par la Russie conduit plusieurs Etats, individuellement ou conjointement (dans le cadre de l’Union européenne) à adopter des mesures de sanctions visant le régime et l’économie russe.

La mesure la plus dissuasive pour les différents gouvernants européens est le gel des avoirs des oligarques russes. Le nombre de personnes liées au régime russe dont les avoirs ont été gelés est particulièrement impressionnant à savoir : 877 personnes physiques et 53 personnes morales, (accompagné du gel effectif des avoirs détenus à l’étranger par la banque centrale de Russie et certaines banques commerciales russes).  

Ce type de mesures peut être pris par l’Union Européenne, y compris à l’encontre d’une personne disposant d’une nationalité d’un Etat membre, et ceci, conformément aux articles 75 et 215 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne se référant aux mesures restrictives à l’encontre « des personnes physiques ou morales » sans condition de nationalité. Ipso facto, parmi les personnes physiques visés par les mesures de l’Union Européenne, nous pouvons donc bien évidemment trouver Vladimir Poutine et Sergey Lavrov, représentants ex officio de la Fédération de Russie, mais aussi des personnes proches du gouvernement, à l’instar de l’ancien chancelier du SPD, Gerhard Schröder qui a refusé à renoncer à ses activités en Russie.

Dans le cadre de l’agression de l’Ukraine, le but des gels des avoirs est de faire pression sur les oligarques russes qui disposent de nombreux avoirs à l’étranger afin d’obtenir une cessation de cette opération militaire.

Néanmoins, certains bateaux de pavillon russe, ont réussi à quitter certains ports, notamment les ports américains avant leur saisie par les autorités américaines. D’après les données de Marine Traffic, consultées par CNBC, au moins quatre yachts appartenant à des chefs d’entreprise russes se dirigent vers le Monténégro et les Maldives. A cela, nous pouvons ajouter le départ des avoirs des UHNWI russes à Dubai.

Ce n’est que la deuxième fois de l’histoire que ce type de mesures a été mise en place. La première fois fut en Irak avec la résolution 1483 (2003) adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre du conflit en Iraq et de la chute du régime de Saddam Hussein. Cette résolution obligeait les Etats membres de l’ONU à procéder à un gel des avoirs appartenant non seulement à l’Etat iraquien mais aussi aux personnes privées liées au régime iraquien. 

La crainte persistante peut être la « coopération » avec la Chine ou avec des centres financiers off-shore comme l’émirat de Dubai.

Par ailleurs, le militant des libertés publiques et ancien avocat anti-corruption, Alexeï Navalny, nous fait part que le président de la Fédération de Russie, a l’habitude d’utiliser des prête-noms (appellation juridique caractérisant la situation d’un mandataire qui, en exécution d’un accord secret conclu avec son mandant, passe des actes comme s’il s’engageait pour lui-même) ou des montages financiers particulièrement complexe (schéma de détention complexe, impliquant plusieurs sociétés ou structures juridiques en cascades ou plusieurs juridictions juridiques, société dont le capital est détenu par des nominee shareholders et pour laquelle aucun Trust Declaration du Nominee n’a été transmise aux entités financières) en vue de ne « pas apparaitre sur les radars des autorités étrangères ». Le travail d’Alexei Navalny a permis de relier un yacht Schéhérazade construit en 2020 en Allemagne et actuellement dans le port de Marina di Carrara, au président russe. D’après les sources du Kremlin, Vladimir Poutine ne détient quasiment aucun patrimoine en son nom propre, alors qu’il est considéré comme l’homme le plus riche du monde. 

Précisons-le, pour la task force composée de l’administration fiscale (DGFiP), le service de renseignement financier Tracfin, les douanes et la direction générale du Trésor, la traque risque de s’avérer particulièrement complexe. Invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, dimanche 20 mars, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances a indiqué que 850 millions d’euros d’avoirs et de biens d’oligarques avaient été gelés, sommes dérisoires lorsque l’on connaît la fortune de ces oligarques russes.

Ces mesures spectaculaires suffiront-elles donc à frapper vraiment le pouvoir russe au portefeuille ?

 

 

Yani Hadar

Expert en compliance