Santé / Covid
10H27 - samedi 4 septembre 2021

Une fatigue si lourde

 

Le mot même, Covid, est devenu insupportable, tant sa répétition, sa présence – qui s’apparente à celle d’un squatter s’imposant des mois, des années durant -, l’énoncé des dégradations que cet occupant sans droit ni titre inflige sans discontinuer à tout ce qu’il touche sont, le temps passant, devenus douloureux en eux-mêmes. Ce n’est même plus la maladie, mais son seul nom qui nous fait horreur.

Ce que les gens voient, sentent, mais ne savent pas toujours nommer, ce sont les effets politiques de cette pandémie. La fatigue si lourde, et surtout si longue, qui en résulte n’atteint pas seulement les rescapés. La période elle-même en est touchée. Même le ciel semble avoir été atteint, et cet été qui à Paris n’en est pas un. Certes, il ne fait pas froid, mais une main invisible semble avoir éteint le soleil. On est loin du 25 juillet 2019 et ses 43 degrés Celsius. 2019? C’était décidément le monde d’avant! Avec mille bus dégorgeant des armées de touristes, la ville enfiévrée, l’argent circulant, l’activité trépidante, la fête permanente ou la recherche de la tiédeur le soir.

Je ne sais pas quels furent, en 1921-22 et les années suivantes, les effets de la grippe espagnole, car les Années prétendument « folles » constituaient davantage une réaction à une période de vraie folie meurtrière (1914-1918) qu’à cette pandémie – pourtant la pire jamais recensée dans l’histoire humaine- qu’on prétendait n’être qu’espagnole et que l’on sait provenir d’un camp yankee du Kansas, lui-même infecté par d’autres sources. Relevons au passage l’absolue nécessité de nommer correctement les choses. L’Histoire doit impérativement être réécrite au fur et à mesure que des données sont invalidées. La grippe espagnole ne l’était pas, et pour s’arrêter à un autre exemple, il est probable que l’événement majeur à l’origine du Mal français ne soit ni l’absolutisme des Bourbons ni la Terreur de 1793-4, mais bien les huit guerres de religion (1562-98) qui ont, au sens médical, empoisonné la France. La bienveillance cède la place aux dogmes de tous bords, et la France ne sait plus où elle en est, ni qui elle est. On l’oublie, Henri IV change quatre fois de religion. Louis XIV, son grand-père, croit réduire un abcès, en tranchant par la Révocation l’édit de Nantes, mais il ne fait qu’approfondir la plaie. Par la suite, gallicanisme, quiétisme, et… laïcité seront des protestantismes qui s’ignorent.

En 1921, après la grippe « espagnole », il ne se passe rien en France, dont les politiques semblent uniquement préoccupés par la sécurité -l’alliance polonaise, les réparations dues par l’Allemagne. Aujourd’hui, l’insécurité est d’abord intérieure, mais la même préoccupation domine. Une lourde fatigue a envahi l’espace public. Comme il y a un siècle. Un décret institue le 27 mai 1921 un code de la route parce que personne ne sait à l’époque qui doit le passage, des voitures ou des piétons, des bétaillères ou du bétail. Aujourd’hui, Paris devient Amsterdam, et nombre de villes se plient à ce règne des deux-roues. Peut-être cet amour soudain des cycles porte-t-il deux caractéristiques de ce que souhaitent les Français : 1. un retour à la simplicité, à l’effort physique mesuré, à l’air libre. Encore que par une de nos habituelles contradictions, le même pays n’ait jamais acheté autant de quatre-quatre. 2. une ignorance presque absolue des lignes de force pour l’avenir. La candidate Valérie Pécresse rappelle avec justesse que les idées dominantes sont celles de la droite. Mais cela ne suffit pas, chacun le sent bien. La vérité, comme d’habitude, demeure que les Français ne s’acceptent pas comme ils sont. Car touchés ou pas par la maladie, nous sommes tous convalescents. Et la première chose à faire est de se concentrer sur de rares objectifs : reprendre des forces, tenir sur ses jambes, accepter de nommer les choses par leur nom. De même que la grippe de 1918-21 n’est pas espagnole, la Covid n’est pas chinoise ou nord-américaine : elle est devenue « mentale ». Et exprime une profonde réticence à « se laver les yeux » pour voir la France comme elle est. C’est la principale leçon d’une si lourde fatigue.

Jean-Philippe de Garate


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