Edito
10H25 - mardi 18 mai 2021

20 millions de primo-vaccinés en France. Ne pavoisons pas !

 

L’édito de Michel Taube

Emmanuel Macron s’est fendu d’un retentissant coup de clairon numérique (un tweet) pour annoncer que le cap des 20 millions de primo vaccinés était atteint.

Concomitamment, Boris Johnson annonçait lui aussi que 20 millions de citoyens de sa Gracieuse Majesté avaient été vaccinés contre le Covid. Sauf qu’il s’agit de personnes entièrement vaccinées, et qui ont donc reçu deux doses lorsque cela était nécessaire.

Le Royaume-Uni n’a pas atteint l’immunité collective. Il convient d’ajouter aux vaccinés 4,47 millions de personnes (5,94 millions en France) qui ont contracté le virus et sont immunisées, certes pour une durée limitée (ils devront également être vaccinés). En outre, les vaccins, en particulier l’AstraZeneca très utilisé outre-Manche, n’offrent qu’une protection amoindrie contre certaines variants, en particulier indien et sud-africain. C’est donc avec une réelle appréhension que le Royaume-Uni sort du confinement, les bars et restaurants étant désormais à nouveau ouverts.

En France, le tweet d’Emmanuel Macron, désormais en campagne électorale, est ambigu : il ne cache pas qu’il s’agit de 20 millions de primo-vaccinés, mais le style fanfaronnant peut conduire à oublier que primo-vacciné ne veut pas dire vacciné. Moins de 9 millions de Français sont entièrement vaccinés.

Il est plus éclairant de raisonner en pourcentage de la population : au 15 mai, seuls 13,3 % des Français étaient entièrement vaccinés, contre 29,6 % des Britanniques, 36,9 % des Américains (un record pour une population aussi nombreuse) et 58,9 % des Israéliens. Nous faisons à peine mieux que l’Union européenne (12,9 %), mais sommes en avance sur l’Allemagne (10,8 %) dont on nous ressasse sans cesse les mérites et les vertus (source : https://ourworldindata.org/covid-vaccinations#). Au sein de l’Union européenne, qui a si mal négocié l’approvisionnement en vaccins, la France et donc dans la moyenne.

 

Vers une quatrième vague et un confinement avant la fin de l’été ?

On comprend qu’Emmanuel Macron, tout comme les Français, veut sortir du cauchemar du Covid. Le 3 mai, les restrictions de déplacement en journée ont été supprimées. Demain 19 mai, le couvre-feu sera repoussé à 21 heures, et les commerces « non essentiels » tout comme les lieux de culture et les terrasses des bars et restaurants rouvriront. Le 9 juin, le couvre-feu sera fixé à 23 heures, les cafés et restaurants accueilleront des clients en salle, les salles de sport rouvriront, le télétravail sera assoupli. Le 30 juin, le couvre-feu sera levé. Telle est la planification gouvernementale du déconfinement. On peut bien évidemment y voir un verre à moitié plein ou à moitié vide. Mais on se souvient qu’après avoir ouvert grand les vannes après le premier confinement, en mai 2020, les contaminations et les hospitalisations avaient grippé en flèche.

Le rythme de vaccination suffira-t-il à éviter une quatrième vague ? De nombreux Français, en particulier les jeunes, ne veulent ni vaccin, ni passeport sanitaire, ni gestes barrières. Ils veulent être libres, ce que l’on pourrait comprendre si cette liberté n’était pas aussi celle de contaminer les autres. Il faut dire que certains influenceurs, même dans la communauté scientifique, tiennent un discours dangereux en minimisant tous les risques, y compris celui des variants, en décourageant à porter le masque à l’extérieur, même dans une foule, ou en affirmant qu’il est inutile de se laver les mains si on n’a pas la gastroentérite. Ils traitent « d’enfermistes » ou d’ennemis des libertés tous les autres, ceux qui craignent que la vigilance et le respect des gestes barrières s’envolent avec la levée des restrictions.

Emmanuel Macron n’évoque plus que des objectifs de primo-vaccination : 30 millions à la mi-juin et tous ceux parmi les adultes qui voudront se faire vacciner d’ici à la fin de l’été. Il avait promis que 70% des Français seraient vaccinés à la fin de l’été.

La France, sa population et son économie, ne supportant plus les contraintes covidiennes, le chef de l’État n’a pas le choix. Et à la veille des élections départementales et régionales, il ne pouvait faire autrement que de lâcher du lest.

La réalité est que tant que l’immunité collective ne sera pas atteinte, et nous en sommes loin, le risque d’une quatrième vague et d’un nouveau confinement est très élevé. A plus forte raison si les variants de toutes sortes prolifèrent.

Comme nous le confie Philippe Besset, « il faut donc espérer que la conservation désormais possible du Pfizer, le vaccin le plus plébiscité par les Français, dans des réfrigérateurs médicaux classiques, pendant 30 jours à 2,8° C, facilitera la ruée du plus grand nombre sur la vaccination ». Et que les infirmiers pourront vacciner au Moderna et au Pfizer, eux qui visitent tous les jours, à leur domicile de surcroît, des centaines de milliers de Français âgés de plus de 55 ans. La Fédération Nationale des Infirmiers rappelle que près de la moitié de cette population prioritaire n’est toujours pas vaccinée.

Tant que nous n’atteindrons pas les 70% de vaccinés ou immunisés, la seule solution sera de rouvrir la société tout en maintenant les gestes-barrière et le port du masque. Telle n’est pas l’allure de la communication présidentielle : au lieu de faire montre de pédagogie sur le prix à payer pour cette libération, à savoir la vigilance et la prudence, le chef de l’Etat met en exergue les chiffres de primo-vaccination, bien inférieurs à ceux qui permettent ailleurs, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, à un retour progressif à la vie normale.

À ce jour, Emmanuel Macron tout comme Boris Johnson veulent qu’on retienne un chiffre : 20 millions. Mais nos millions ne valent pas les leurs !

 

Michel Taube

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Directeur de la publication