Sois belle et ouvre la
06H50 - vendredi 14 mai 2021

Une entreprise à mission est avant tout une entreprise ! Nathalie Roos ou la force du leadership bientôt à la tête de Danone ? L’édito de Michel Taube

 

Après un entretien avec Thomas Courtois, le président de la néobanque Nickel qui fêtait son deux millionième client, Opinion Internationale poursuit ses sujets Business dans une nouvelle rubrique « C’est une question de valeurs ».

Valeur ou valeurs ? C’est à marier les deux que notre économie se développera de façon performante et durable.

Focus aujourd’hui sur la bataille qui se joue à la tête du géant français et mondial Danone. Conciliation de la performance et de la RSE, plafond de verre, notre rubrique « Sois belle et ouvre la » n’est pas loin…

 

Article mardi 11 mai 2021 à 8h30

Danone est un des fleurons français du capitalisme. Du capitalisme à visage humain, tant son fondateur, Antoine Riboud, puis son fils Franck Riboud, ont tenu à inscrire la responsabilité sociétale et le respect de l’environnement dans l’ADN de l’entreprise. Et pourtant, en quelques années, les années Faber, Danone a vacillé sur ses bases.

Emmanuel Faber s’est autoproclamé « héritier du père fondateur » et a peut-être parfois donné l’impression qu’il dirigeait Greenpeace plus que Danone, en faisant notamment du groupe la première grande entreprise à mission, concept pourtant prometteur et cher au ministre de l’économie Bruno Le Maire et à sa loi Pacte.

Emmanuel Faber aurait-il oublié que la performance est non seulement un préalable au développement de toute entreprise, mais aussi une condition de sa survie sur un marché où il n’y a guère de place entre les prédateurs et les proies ? Derrière le leader mondial Nestlé, Unilever est en embuscade. Danone ne peut se permettre d’être plus préoccupé par son bilan carbone que par ses résultats économiques et financiers. Sa survie est en jeu et la réalité est que Danone est aujourd’hui une proie facile.

La tempête qui a récemment secoué la gouvernance de Danone a obligé le Conseil d’Administration à se séparer d’un dirigeant qui mettait le groupe en difficulté par un management défaillant et par des résultats très en deçà du marché. Soyons clairs, les fonds d’investissements ont forcé la main à des administrateurs pour les contraindre à jouer leur rôle et à défendre l’entreprise plus que l’entre-soi.

Telle est la raison profonde de l’éviction d’Emmanuel Faber qui se répand jusque sur LinkedIn, pratique inédite dans les milieux d’affaires, comme un animal blessé, fragilisant d’autant l’entreprise.

C’est pourquoi ce Conseil a maintenant une grande responsabilité : celle de choisir, d’ici fin mai comme déclaré à l’Assemblée Générale le 6 mai dernier, le dirigeant qui va redonner à Danone sa position de champion français et mondial. Et cela passe par un nouveau leadership au service de la puissance de développement commercial.

En lice, deux candidats emblématiques et deux conceptions de l’entreprise et du management…

Antoine de Saint-Affrique, ancien dirigeant de l’entreprise belgo-suisse Barry Callebaut, leader mondial du chocolat, présente un excellent parcours, classique et rassurant pour les élites. Il est passé par Unilever et même Danone, mais son principal atout est l’excellence de résultats portés par le cours du cacao, y compris celui du « chocolat durable », une orientation dont certains actionnaires de Danone ont peut-être fait une indigestion ! Avec Monsieur de Saint-Affrique, on reste dans le moule des salons feutrés du capitalisme français.

Nathalie Roos [notre photo], jusqu’alors directrice générale de la division produits professionnels de L’Oréal, est une championne du management et des ventes. Fonction vitale dans une entreprise anglo-saxone, souvent négligée voire méprisée par le capitalisme français. Elle est une femme de l’agroalimentaire, ayant œuvré chez Kronenbourg et Mars. Cette Alsacienne est surtout appréciée pour son pragmatisme opérationnel et son sens des relations humaines. Un élément essentiel à la bonne marche d’une entreprise, particulièrement en période post-Covid, où la qualité du management dans un groupe de 100.000 collaborateurs dans le monde fera la différence.

Quant au développement durable, Nathalie Roos sait d’où elle vient : ne serait-ce que chez L’Oréal, elle a porté sur les fronts baptismaux l’agenda RSE, avec notamment la première « usine sèche » du groupe fabricant les produits de la Division Professionnelle. Résultat qui risque de parler aux oreilles des dirigeants de Danone. On peut donc espérer qu’avec le leadership inclusif de Nathalie Roos, Danone poursuivra sa marche vers les grandes transitions promises par l’entreprise à mission.

Le Conseil d’Administration de Danone est donc confronté à un véritable choix stratégique. Le choix du dirigeant sera lu par le marché comme une expression de la stratégie du groupe. D’un côté un statut quo pour justifier des comportements passés, quitte à aller chercher des solutions structurelles comme le fait ENGIE pour construire de la valeur pour les actionnaires.

De l’autre le retour à l’audace et à la sincérité des valeurs humaines doublées d’un sens inné de la performance économique pour retrouver la puissance d’un fleuron français. Et dans un pays où l’alimentation occupe une telle place, il serait normal de porter notre ambition et nos valeurs françaises au plus haut.

Nous ne sommes pas actionnaires de Danone, mais promoteurs de l’audace, du talent, et aussi du droit des femmes à être reconnues non pas en tant que femmes, mais en tant que talents. Le vrai féminisme, ce n’est pas l’écriture inclusive ou la haine de la gent masculine. C’est de faire exploser le plafond de verre par les compétences et le talent des femmes. C’est pourquoi notre cœur et notre raison penchent du côté d’une femme qui a toutes les qualités pour redresser une situation compromise par une dérive inexplicable.

Et si Catherine Mc Gregor a récemment succédé à Isabelle Kocher (nous nous y étions penchés sérieusement), elle reste encore la seule femme du CAC 40.

Et sur les cinq changements opérés depuis le début de l’année 2021 à la tête des groupes du CAC, tous sont des hommes. Toujours le plafond de verre… D’autres grands pays féminisent la tête de la gouvernance des grandes entreprises : en Belgique, une Ilham Kadri excelle comme Présidente et Directrice Générale du géant belge de la chimie, Solvay. 

A quand donc une femme à la tête de Danone ? A quand une deuxième femme pour 38 hommes à la tête des grands groupes français ?

Et enfin, quand donc Danone retrouvera-t-elle le chemin qu’avait tracé son fondateur, Antoine Riboud, celui d’être une entreprise de progrès. Et une entreprise de progrès est avant tout une entreprise…

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

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