Edito
11H00 - vendredi 26 mars 2021

Toussaint, Fouché, Blachier… Quand des médecins font passer leur notoriété avant la santé des Français. L’édito de Michel Taube

 

Nous avons déjà consacré plusieurs articles aux dérives de certains médecins en nous étonnant que le Conseil de l’ordre des médecins les laisse violer si grossièrement le serment d’Hippocrate.

« Je […] n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. »

« Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. »

Le propos n’est évidemment pas de jeter l’opprobre sur une profession, mais de dénoncer ce qui dépasse la querelle scientifique pour aller sur le terrain de la contre-vérité manifeste, parfois du complotisme.

Il est vrai que le bal fut ouvert par l’OMS, le Conseil scientifique et l’ancienne ministre de la Santé, le docteur Agnès Buzyn, avec le mensonge planétaire sur l’inutilité de porter le masque, explication ô combien dangereuse pour faire passer la pilule de la pénurie. Ensuite, ce fut le professeur Didier Raoult qui déchaîna les passions, notamment avec sa potion magique à la chloroquine que certains persistent à défendre.

Néanmoins, notre Panoramix marseillais n’avait pas tort de reprocher au gouvernement d’interdire aux médecins de la prescrire, et de laisser entendre qu’un médicament générique n’était pas très bien vu des laboratoires pour lesquels un nouveau virus est une formidable opportunité financière (pas pour les laboratoires français, hélas). Didier Raoult s’est beaucoup trompé, mais l’erreur est pardonnable.

Pas le mensonge et la manipulation. Le professeur Christian Perronne ne se contenta pas d’être le fervent défenseur de Didier Raoult. Il entonna une chansonnette complotiste qui lui valut l’exclusion de l’AP-HP.

Le professeur Jean-François Toussaint est un autre médecin dont les positions anachroniques sont difficiles à comprendre : son crédo, c’est l’inutilité du confinement. Selon lui, il ne faudrait pas confiner, car c’est à l’intérieur qu’on se contamine. Sauf que le virus que l’on va amener à son domicile, on l’a bien contracté quelque part ! Si l’on empêche une personne contaminée de croiser une personne saine, la contamination ne se fera pas. C’est à cela que sert le confinement (et le télétravail que le gouvernement refuse d’imposer). Faut-il être épidémiologiste pour arriver à cette conclusion ? La science peut-elle être à ce point en contradiction avec le bon sens et l’évidence ? Jean-François Toussaint affirme que la preuve de l’efficacité du confinement n’a jamais été rapportée. C’est faux, grossièrement faux. Mais cela ne signifie pas que d’autres méthodes auraient permis de l’éviter tout en contrôlant l’épidémie. Le confinement est un aveu d’échec, notamment de la prévention.

En septembre dernier, le docteur Martine Perez niait l’importance de se laver les mains, toujours au même motif que la preuve de la transmission du virus par ce biais ne serait pas rapportée. Pourtant, d’autres études ont démontré que le virus pouvait résister plusieurs jours sur différents matériaux comme le carton et le plastique, qu’il peut pénétrer par la bouche, le nez et même les yeux. Quand on se tient à la main courante dans un bus ou un métro, Covid ou pas, il vaut mieux se laver ou désinfecter les mains avant de se toucher le visage. Cela relève de l’hygiène élémentaire et participe à ce que des pays asiatiques comme le Japon et la Corée contrôlent mieux que nous l’expansion épidémique. Quant à l’argument de la preuve non rapportée, il revient à considérer que tout ce qui n’avait pas été prouvé n’existe pas. C’est un raisonnement digne du complotisme.

Le docteur Louis Fouché a trouvé un excellent moyen de se faire connaître. Il affirme que le vaccin AstraZeneca est dangereux, quand bien même les différentes agences nationales et l’agence européenne du médicament considèrent que sa dangerosité n’est pas supérieure à celle d’autres vaccins contre n’importe quel virus (rappelons que 26 millions d’Anglais l’ont déjà reçu). Plus généralement, ce réanimateur à l’AP-HM a compris que se mettre en opposition à la doctrine dominante, fût-elle universelle, est payant sur le plan médiatique : en décembre dernier, il était la star d’une manifestation anti-masques à Marseille. Anti-masque, anti-vaccin, anti- mesures de restriction… Alors que la France s’approche des 100.000 morts du Covid et que les services de réanimation sont à nouveau au bord de la saturation (sauf le sien, peut-être ?), de tels propos ne devraient pas rester sans réaction de la part du Conseil de l’ordre des médecins.

 

Le cas Blachier

Le docteur Martin Blachier est sans doute aujourd’hui le médecin le plus problématique, car il alterne le vrai (ou le vraisemblable, le raisonnable), avec des positions bien plus contestables, qu’il assène à longueur d’interviews. Il est donc légitime que nous nous attardions un peu plus sur la super star du moment. Son ultra médiatisation lui vaut en effet une véritable célébrité, dont on aurait bien tort de déduire une crédibilité.

L’homme a un avis sur tout, bien au-delà son champ de compétences. Il méprise ceux qui ne partagent pas son analyse. Exemple : deux économistes de renom, Philippe Aghion et Patrick Artus, constatent que « les pays zéro Covid (Australie, Islande, Nouvelle-Zélande, Chine, Taïwan, Thaïlande, Japon, Cambodge, Vietnam, Corée, Laos) ont gagné 10 points de PIB par rapport à l’Europe », avec bien moins de morts. Leur méthode : tester, tracer, isoler, ce que la France n’a jamais su faire. Et au moindre cas détecté, on n’hésite pas à boucler un quartier, voire une ville, le temps de l’incubation.

Le docteur Blachier balaye la méthode d’un revers de la main, assurant que grâce au vaccin, elle est devenue obsolète. En Israël, peut-être ! Et bientôt aux Émirats arabes unis, au Royaume-Uni, aux États-Unis, mais certainement pas en France, surtout si de nouveaux variants résistants aux vaccins actuels apparaissent et s’imposent avant qu’une immunité collective soit obtenue.

Le docteur Bruno Riou de l’AP-HP est sur la même ligne que les pays susmentionnés : selon lui, si on confine radicalement durant quatre semaines, on arrête l’épidémie. Martin Blachier répond « Riou raconte n’importe quoi », ajoutant qu’il est urgentiste alors que lui est épidémiologiste. Insupportable arrogance. Comme Jean-François Toussaint, il conteste l’efficacité du confinement. Comme Martine Perez, il considère que se laver les mains, c’est utile contre la gastro (message très bien entendu par de nombreuses personnes, soignants compris !). Il affirmait aussi, contredisant les responsables des services de réanimation, que les chiffres sont encourageants, que l’épidémie recule, tout comme le nombre de patients en réanimation. Un médecin de terrain le décrivait sur un plateau de télévision comme un « médecin de chiffres et de courbes ». Mais même ses chiffres et ses courbes sont visiblement orientés à sa guise.

Et s’il n’y avait que cela : comme Louis Fouché, Martin Blachier affirme qu’on ne se contamine pas à l’air libre, et encourage ouvertement à ne pas y porter le masque. « Un principe de précaution inutile », disait-il déjà en août dernier. Personne ne nie qu’on s’y contamine moins, mais la quasi-totalité des scientifiques de la planète considèrent que le risque est réel en cas de promiscuité. L’infectiologue Benjamin Davido, qui lui n’a jamais été adepte de la provocation, estime que 10 % des contaminations proviennent de l’extérieur. Par ailleurs, ce que l’on qualifie désormais de troisième vague épidémique est en grande partie due aux variants plus contagieux du coronavirus. Là aussi, Martin Blachier se croit plus intelligent que la quasi-totalité de ses confrères sur toute la planète : il estime qu’on exagère beaucoup leur importance. Partout, les épidémiologistes soulignent la forte contagiosité du variant anglais entraînant arithmétiquement une augmentation de la mortalité et obligeant à redoubler de prudence. Mais Blachier n’en a cure. Lui sait ! Aujourd’hui, malgré ce variant, et grâce aux gestes barrières, l’épidémie progresse moins vite qu’il y a un an : le nombre de positifs double en environs vingt jours alors qu’il doublait en trois jours en mars 2020, mais nombreux sont les médecins qui craignent que la progression devienne rapidement exponentielle. Où en serions-nous si le gouvernement avait écouté les Toussaint, Fouché et autres Blachier ?

Nous ne sommes nullement des adeptes du confinement, dont les effets psychologiques, psychiatriques, économiques et sociaux sont considérables. Opinion internationale a même initié une campagne de sensibilisation à la prévention avec les représentants de plusieurs professions de santé (infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes, vétérinaires…) pour convaincre le gouvernement qu’une autre voie est possible et que l’on peut éviter de mettre en quarantaine des pans entiers de notre économie et de notre vie culturelle.

Mais s’il faut arrêter la flambée épidémique et que nous n’avons que le confinement radical pour y parvenir, s’y opposer ou affirmer que cela ne sert à rien est aussi ridicule que nier l’utilité du port du masque (à l’intérieur comme à l’extérieur !). Évidemment, on préférerait que les pouvoirs publics sachent notamment dépister et isoler les personnes positives, et vacciner autrement que ce qui est démontré jusqu’alors : quand en 24 heures, on vaccine 50.000 personnes en France (300.000 le 23 mars, affirme le gouvernement), on en vaccine 700.000 au Royaume-Uni. Ce n’est pas une raison pour ajouter de la désinformation pseudo-scientifique à l’incurie politique.

Les médecins qui distillent des informations de nature à mettre en danger la santé d’autrui, informations par ailleurs en contradiction avec des pratiques universelles, font plus que violer le serment d’Hippocrate. La soif de notoriété ne peut être étanchée à n’importe quel prix.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

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Directeur de la publication