Edito
10H36 - mardi 23 mars 2021

Journal de la colère 1. Et si les veuves et les veufs des victimes du Covid étaient vaccinés parmi les prioritaires ? L’édito de Michel Taube

 

 

Je me suis beaucoup demandé ce qui cloche depuis six mois…

Évidemment le décès foudroyant de mon épouse, Omezzine, a ouvert un océan intérieur de tristesse et de sentiment d’injustice. C’est comme cela depuis le 28 septembre 2020 à 15h15. Et cet océan est traversé de tempêtes qui se manifestent sous forme de « paniques de tristesse » aussi brèves qu’intenses.

Mais il y a une autre brisure. Un abyme s’est ouvert depuis six mois. Cet abyme, je le sens venir d’ailleurs que de la seule disparition de mon épouse ! Il réside dans la cause de son décès.

Qui a tué ma femme ? Le Covid ou l’échec du système français de santé publique avec son général en chef en tête ?

Et la réponse à cette question terrible m’a sauté aux yeux dimanche matin en lisant cette stupide profession de foi dans le JDD de Gabriel Attal, la voix de ses maîtres, sur cette Arlésienne française qu’est le vaccin : « le confinement n’est pas la clé, mais la vaccination ». Comme si les mille et une mesures de prévention n’auraient pu compter dans une grande politique de santé publique. Miser sur une solution, les vaccins, qu’on n’a pas entre les mains, voilà qui est d’un pratique !

Cette prise de conscience subite m’a révolté mais aussi libéré car la voici enfin identifiée…. C’est la peur, moi le veuf, d’être à mon tour emporté par le Covid dans un système sanitaire français qui ne me protège pas suffisamment. D’être emporté et de laisser ma fille orpheline !

A l’heure d’un premier bilan psychiatrique de la France (Olivier Véran, notre médecin hospitalier en chef devenu subitement psychiatre nous promet un plan national pour gérer les conséquences psychologiques désastreuses de la crise… et surtout de la gestion de crise), notre douleur a trouvé une première réponse…

D’abord un sentiment de honte… Combien d’amis binationaux asiatiques, israéliens, iraniens, africains m’ont dit : « je préfère choper le Covid chez moi plutôt qu’en France. » Chaque fois une flèche empoisonnée dans mon cœur de patriote français ! Mais chaque fois, je me dis : « ils ont bien raison malheureusement ! »

Cette honte, c’est celle du déclassement de la France : nous n’avons pas notre vaccin, l’hôpital écrase le système de santé, nous sommes amateurs (ou presque) en termes de prévention, nous avons toléré tous les manquements aux gestes barrière et fauché les bons élèves qui proposaient de les faire respecter, nous avons inventé cet horrible concept des activités essentielles et ces hypocrites attestations administratives de déplacement dignes des Etats totalitaires, mon médecin n’est plus libre de me prescrire un traitement, jamais l’Assurance maladie ni la ville de Paris ni aucun organisme public ou para public n’a appelé mon épouse ni moi-même (sauf la CAF une fois). Heureusement que la famille, des voisins dans mon quartier, des parents d’élèves, des enseignants et la direction de l’école de ma fille ont pris sur leur temps de nous entourer d’affection.

Cette honte se traduit aussi par une peur incessante : si le Covid m’emportait à mon tour, je laisserais ma fille seule, orpheline, à la merci de cette société.

Cette peur fait partie de ces troubles psychologiques qu’il faut pouvoir traiter au plus vite.

Comment protéger ma fille ? Masques FFP2, gestes barrière, rien n’y suffit. Il faut plus… Gabriel Attal avait finalement raison : la vaccination !

 

Transformer (avec vous) les colères en solutions

Monsieur le président de la République, il y a une population vulnérable que Santé publique France ne vous fera jamais relever. Bientôt 100.000 morts. Parmi eux, une majorité d’anciens, mais aussi un nombre conséquent de personnes plus jeunes souffrant de comorbidités (un des termes les plus laids de notre dictionnaire). Et dans ce groupe de victimes, on décompte de nombreux parents, qui se retrouvent donc seuls à élever leurs enfants.

Combien d’enfants en France ont perdu un de leurs parents du Covid ? Le sait-on seulement ? Et combien de veufs sont-ils parents ou responsables de personnes à charge ou en perte d’autonomie comme leurs propres parents ?

Dans une bonne mesure déjà, ces veuves et ces veufs bénéficient d’aides publiques, ce qui est bien la moindre des choses à l’ère du « quoi qu’il en coûte » et d’un État social surpuissant mais ce qui constitue, nous en sommes conscient, un vrai privilège et un précieux acquis social. Ceci dit, les lenteurs de l’administration et de la justice ne facilitent en rien les enjeux de succession que l’on aimerait gérer au plus vite pour alléger le deuil. Encore des souffrances inutiles… La justice aurait pu prévoir une filière Covid pour gérer les conséquences de ces décès foudroyants. Une première idée, monsieur le président, pour monsieur Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice !

Qu’adviendrait-il si le second parent contractait la Covid, s’il se retrouvait en réanimation ou frappé d’un Covid long, ou pire, s’il décédait ? Elle ou il laisserait des orphelins.

Monsieur le Président, pour diminuer ce risque qui représenterait pour la collectivité un coût exorbitant, le ministre de la Santé devrait rendre éligibles à la vaccination, parmi les publics prioritaires, tous les parents veufs désormais isolés ou monoparentaux.

Cette mesure n’est pas une question de politique hospitalière mais de prévention, de sens de l’autre et de politique sociale au sens global et noble du terme.

Peut-être aussi de bienveillance. Une qualité qui se fait trop rare par les temps qui courent.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

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