Afriques demain
15H07 - jeudi 25 juin 2020

Pour un ministre en charge de la Francophonie. Tribune Thierry Cornillet et Christian Philip

 

Puisque remaniement il doit y avoir après le second tour des élections municipales, nous voulons réitérer la nécessité de recréer un Ministre de plein exercice en charge de la francophonie, si possible directement rattaché au Premier Ministre. 

Nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de la création de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et donc de la francophonie institutionnelle et la désignation d’un tel ministère est attendu par nos partenaires francophones qui s’interrogent sur l’engagement de la France en cette matière.

Aujourd’hui un Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, qui plus est en charge d’autres thématiques ne peut lui permettre de donner l’impulsion nécessaire. L’actuel a en charge entre autres le commerce extérieur et le tourisme ce qui doit beaucoup l’occuper compte tenu de la crise…

Le Président de la République, le 20 mars 2019, a brossé une vraie feuille de route pour redonner à la Francophonie sa place dans la stratégie de notre pays.

Outre l’élément essentiel que la francophonie occupe dans la fierté nationale et la capacité d’influence de notre pays, rappelons qu’elle est un sujet de réflexion, de préoccupation et d’action pour plusieurs millions de nos compatriotes.

Français établis hors de France : l’INSEE estime le nombre réel à 2,5 millions.

Les binationaux français :  une étude de l’Institut National d’Études Démographiques (INED) a estimé à 3,3 millions le nombre de binationaux sur le territoire métropolitain auquel il faut ajouter l’Outre-mer et 50% des français établis à l’étranger.

Les collectivités territoriales : le Ministère des Affaires Étrangères estime à minima l’action extérieure des collectivités françaises entre 700 millions et un milliard d’euros dont près de la moitié vers des pays francophones.

Les organismes consulaires : les CCI, Chambres de Métiers et Chambres d’Agriculture ont des programmes de collaboration avec leurs homologues francophones et ont créés des structures dédiées tel la Conférence Permanente des Chambres Consulaires et Francophones (26 pays) Il en est de même pour les nombreux ordres (notaires, avocats, médecins, etc.) qui entretiennent des relations suivies avec leurs pairs.

Le monde universitaire : il est soucieux de la continuité́ de l’accueil d’étudiants étrangers en provenance de pays francophones et pour les juristes et praticiens du droit par l’enseignement du droit continental utilisé dans les pays francophones en concurrence avec la « Soft Law » anglo-saxonne. Idem pour les normes techniques enseignées dans les universités et écoles scientifiques françaises.

Les clubs services et les organismes humanitaires : 3200 clubs en France, quasiment tous avec des programmes d’aide vers les pays francophones Il faut souligner la présence dans les pays francophones d’organismes humanitaires tels Médecins sans Frontières ou Care International pour ne citer qu’eux.

On peut aussi y rajouter : les entreprises exportatrices ou désireuses de l’être vers les pays francophones, les enseignants de Français (la Fédération internationale des professeurs de français regroupe 200 associations et 80 000 membres) les volontaires prêts à donner du temps pour une action dans le monde francophone, et bien sur le monde de la culture car la francophonie est active pour préserver la diversité́ culturelle.

Mais force est de reconnaître qu’elle peine à se concrétiser dans le cadre d’une action commune. Un Ministre en charge de ce secteur devrait avoir cette mission. Il pourrait aussi avoir le temps de contacts réguliers avec les 88 membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et l’ensemble de ses opérateurs. 

Pourquoi un Ministre délégué auprès du Premier Ministre ? Pour faire vivre la francophonie, laquelle ne se résume pas à la seule promotion du français, mais est un combat pour la diversité culturelle et linguistique comme pour la démocratie et les droits fondamentaux, les Affaires étrangères ne peuvent être seules concernées.

Pour faire vivre la francophonie il faut surtout en convaincre… les Français, nos élites en particulier qui croient que la modernité c’est le tout anglais !

Il faut engager, outre les Affaires étrangères, les ministères de l’éducation nationale, de la culture mais aussi l’intérieur (pour accompagner les collectivités locales qui elles sont présentes à travers diverses ententes ou des associations comme l’AIMF ou l’AIRF) et l’écologie (aider nos partenaires francophones à engager la transition écologique) et des ministères techniques pour l’établissement des normes qui conditionnent le commerce international…

Bref, il ne peut s’agir que d’une action interministérielle.

La France doit donner un signal. Elle est attendue avant le prochain Sommet qui devrait se tenir en Tunisie début 2021. Certes un Ministre ne peut à lui seul tenir lieu de politique et le Président de la République en est le responsable et l’inspirateur mais nous avons besoin d’une personne qui puisse représenter cet axe essentiel à notre identité, qui fasse bouger les lignes comme on dit et qui en soit « l’incarnation » au sens étymologique du terme que nos partenaires francophones puissent facilement rencontrer.

La francophonie ce n’est pas un combat du passé mais une condition d’une mondialisation régulée que la France appelle de ses vœux. Il y a urgence à en convaincre nos compatriotes comme essaye de le faire, entre autres, le Réseau des Maisons des Francophonies en constitution pour mobiliser la société civile et les associations directement en charge de la coopération internationale francophone.

 Si la France ne donne pas un signal, pourquoi les autres pays francophones continueraient-ils à croire que la Francophonie reste utile ? 

Nous en appelons donc au Président de la République pour qu’il entende cet appel et permette ainsi de montrer que son discours du 20 mars 2019, qui a redonné confiance à beaucoup, peut se traduire par une action résolue. 

 

Christian PHILIP, Président de la Maison de la francophonie  de Lyon et coordinateur du réseau international des Maisons des francophonies.

 

Thierry CORNILLET, Président fondateur de l’Association Internationale des Régions Francophones