Outre-Mer Martinique
16H09 - mercredi 20 mai 2020

La dette des professionnels du tourisme ne peut pas être la réponse du gouvernement à la crise du coronavirus dans les Antilles.

 

Dans le prochain Live Opinion Internationale lundi 25 mai à 18h30 (Paris) et 12h30 (Antilles) sur Zoom, Paris time (les inscriptions sont ouvertes),  la rubrique « Opinion Outre-Mer » sera lancée et consacrée à la France ultra-marine. Rayonnement de la deuxième puissance maritime au monde grâce aux Outre-Mer, diversité des enjeux de chaque territoire, intérêts stratégiques à Paris et Bruxelles, géopolitique et pouvoirs, droit, tourisme, culture et gastronomie, et surtout les femmes et les hommes des Outre-Mer, seront au coeur de cette nouvelle rubrique. « Opinion Outre-Mer » sera animée par Laurent Mairesse, professionnel du tourisme et conseiller éditorial d’Opinion Internationale, avec Céline Carsalade, avocate, chargée de Saint-Barthélémy, qui nous propose un premier article sur la crise du Covid-19 à Saint-Barth, et très vite de nombreux contributeurs partout dans le monde.

 

Les professionnels du tourisme aux Antilles (les organisations touristiques de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Martins) sont en colère, à la suite des mesures annoncées par le Premier ministre lors du Comité Interministériel du Tourisme le 14 mai 2020. Elles ne font pas le compte pour les adhérents du GHTG-UMIH Guadeloupe (présidé par Nicolas Vion), de la Fédération des Associations de Professionnels de l’Hébergement et du Tourisme (F.APHT), de l’Union Syndicale des Opérateurs Touristiques de Guyane (USOTG), du Cluster du Tourisme en Martinique (ZILEA), de l’UMIH Martinique (972), de l’Association des Hôteliers de Saint Martin (AHSM), bref la plupart des acteurs du secteur.

Le plan de relance du tourisme, très attendu en particulier par les professionnels de la Filière du Tourisme dans les Outre-mer, leur laisse une appréciation très mitigée d’inachevé malgré les annonces. 

Pour ces professionnels, la seule bonne nouvelle, c’est que le Premier Ministre a annoncé : « Les Français pourront aller en vacances en juillet et août, en France et dans l’Outre-mer ». Les métropolitains pourraient donc revenir dans leurs établissements dans les départements verts à compter du 2 juin et pourraient réserver leurs vacances en France et en Outre-mer, malgré les restrictions drastiques actuelles du trafic aérien, et la règle actuelle des 100 km difficilement justifiable dans un même département, et loin de faciliter l’accès aux Outre-mer si elle est maintenue. 

Malheureusement, dans l’Hexagone, les établissements touristiques ont été fermés en basse saison et espèrent rouvrir en haute saison. C’est bien l’inverse de ce qui se passe dans les Outre-mer où les entreprises ont été vidées de leurs clients en pleine haute saison, suite à décision unilatérale. En outre ces territoires sont en bout de ligne : spécificités, aérien imposé… Coût de la masse salariale plus important, etc..

Comment se rendre dans les Outre-mer sans emprunter un transport aérien plus coûteux, assorti de certaines mesures sanitaires résolument dissuasives ? Parler des Outre-mer sans lever les contraintes qui pèsent actuellement, cela ressemblerait alors à un simple effet d’annonce déconnecté de la réalité.

Si les hôteliers s’engagent à accepter les demandes de remboursement des réservations effectuées directement auprès d’eux en cas d’annulation pour cause de covid-19, encore faudra-t-il que l’on accepte de libérer le trafic aérien, d’ouvrir les restaurants et piscines, autoriser la baignade, car les touristes ne prennent pas l’avion pour venir simplement coucher dans un de nos hébergements. Avoir peur, c’est se soumettre, et l’âme antillaise chaleureuse est éprise de joie de vivre et de liberté, et tout en étant raisonnablement précautionneuse de sa santé, refuse de se laisser enfermer dans une peur anxiogène immature.

Une seconde bonne nouvelle a toutefois été annoncée par les pouvoirs publics : les étudiants antillais vont pouvoir regagner leurs foyers.. Mais ils ne sont ni moins, ni plus susceptibles d’importer l’infection sur ces territoires que les visiteurs, affinitaires ou pas, comme l’observent les professionnels du tourisme.

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Le diable se cache dans les détails

Le goût amer que retirent ces derniers de ce Comité Interministériel tient à ce que l’essentiel des mesures gouvernementales consiste en des prêts, PGE, PGE saisonniers, PGES (touchant les entreprises soumise à saisonnalité), prêts tourisme, etc. Ces prêts demandés sur dix ans avec un différé de deux ans restent à rembourser sur cinq ans.

Ils n’ont donc pas été entendus. Comment peut-on proposer d’augmenter le montant initial de 25 % du CA antérieur aux trois meilleurs mois de l’exercice précédent sans en augmenter la durée de remboursement ? Ce n’est vraiment pas réaliste, protestent-ils ! Les professionnels sont déjà très endettés et leur capacité de remboursement déjà toute mobilisées. Ils attendaient donc une autre réponse que celle consistant à encore augmenter leurs dettes pour rembourser des pertes dont ils ne sont pas responsables. 

La dette ne peut pas être la réponse majeure du gouvernement. Il faut souligner avec force que l’on autorise les entreprises à emprunter leurs pertes de recettes qui sont les conséquences directes de la décision unilatérale du Gouvernement d’avoir renvoyé les clients chez eux, alors que nos établissements effectuaient une bonne haute saison et qu’ils auraient pu gérer la sdituation en multipliant les gestes barrière et le port de masques. 

L’État a créé un préjudice certain et en autorisant les professionnels à emprunter leurs pertes, Paris n’assume pas pleinement ses responsabilités qui consisteraient à compenser le préjudice qu’il a créé par un confinement spécifique, alors que d’autres ont choisi des voies différentes. 

Dans le même temps, l’État prend en charge partiellement des salariés du privé par la mise en place du chômage partiel, tout en maintenant à 100 % les salaires de la fonction publique, en adoptant ainsi un comportement inégalitaire. Certes des mesures d’aides sont annoncées. Mais elles exigent des précisions comme les exonérations de charges sociales jusqu’à la réouverture des cafés et des restaurants ou le crédit de cotisations. 

Le gouvernement annonce aussi une enveloppe de 1,3 Milliards d’€ pour l’investissement public en fonds propres auxquels vont s’ajouter des investissements privés faisant monter l’enveloppe à 7 milliards : à quoi cette enveloppe correspond-elle ? Des investissements concernant des établissements à capitaux d’État, via la Caisse des Dépôts, comme l’environnement du Futuroscope ou de la Compagnie des Alpes, sont-ils envisagés dans cette enveloppe ? Si cela était le cas, cela restreindrait considérablement l’enveloppe réelle destinée aux entreprises privées du secteur touristique. 

D’autres mesures dépendront du bon vouloir des maires et des présidents de communautés de communes, comme la remise de la CFE ou de la taxe de séjour, jusqu’aux deux-tiers compensée à 50 % par le Gouvernement. Cela permettrait d’alléger le fardeau des charges pesant sur les entreprises, car il vaudrait mieux pour les communautés de communes, en 2020, perdre 33 % de ces charges (50 % de 66 %) que de perdre définitivement 100 % de leur recettes, si les entreprises ferment pour ne pas avoir reçu l’aide qu’elles auraient dû recevoir au plan local par esprit de solidarité. 

D’autres mesures, encore, sèment le trouble, comme la révision des modalités du chômage partiel à compter de la fin septembre 2020 alors que certaines entreprises seront toujours dans l’incapacité de rouvrir. 

 

Tristes tropiques ?

La réalité est que dans les Outre-mer l’activité touristique ne reprendra pas avant fin 2020 et n’atteindra pas son niveau antérieur avant 2022. Ne pas poursuivre dans les Outre-mer, les mesures liées à l’activité partielle sans dégressivité, en l’état, jusqu’en novembre 2021, c’est envoyer de la part du Gouvernement, une lettre de licenciement à de très nombreux salariés de la filière touristique des Outre-mer. 

Enfin, des mesures sont totalement absentes comme celles relatives aux loyers ou aux assurances, ainsi que la réouverture d’Orly, aéroport naturel de desserte de la clientèle de l’espace Schengen ou encore la libération de la reprise sans contrainte de la desserte aérienne de ces destinations. 

Dans ces conditions, tous les professionnels de la filière, que ce soit l’aérien, les aéroports, transporteurs, hébergeurs, restaurateurs, animateurs, acteurs de l’événementiel, etc… restent très inquiets ! 

Une fois de plus, beaucoup d’acteurs constatent que leurs particularités ne sont pas suffisamment prises en compte. Le plan esquissé par le gouvernement n’est pas achevé et, espoèrent les professionnels, n’est qu’un plan d’étape. 

Qu’en sera-t-il le 25 mai ? La date et les modalités de réouverture des établissements ultra-marins seront enfin connues. Il sera alors urgent de prendre des mesures audacieuses à la hauteur de la crise vécue par les Outre-Mer.

 

La Rédaction d’Opinion Internationale

 

 

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