Coronafiction
06H40 - mercredi 6 mai 2020

Coronafiction. Episode (10)

 

Découvrez les épisodes de la Coronafiction d’Encélade, romancier transgressif :

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Episode (9)

Les tiges des épis de maïs s’agitaient comme si des hommes ou des bêtes  s’y frayaient un passage. Tous les adultes étaient  debout, fusil à la main observant la lisière des plantations, attendant d’en voir surgir quelque chose, mais quoi ?

-Préparez-vous les enfants dit Jean, on va partir. Vous restez demanda-t-il  à Serge qui se tenait à ses côtés ?

-Je ne sais pas encore.

Hector et moi repliâmes les sacs de couchage.

Céleste, Ben et Lucie descendirent du camping-car. La première tenait à la main un thermos de thé et des gobelets de carton. Elle resta paralysée devant le spectacle de ce champ animé qui avait  quelque chose de terrifiant .

Bientôt la gueule d’un crocodile apparut à la lisière des maïs, puis une autre et une autre encore. J’en comptai une bonne dizaine.

-Mais qu’est-ce qu’ils font là demanda Jean?

 

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-Etrange répondit Serge. Ils ne quittent jamais les endroits humides. Cherchent-ils de la nourriture ?

Puis se tournant vers Martin et Van Gogh qui avaient armé leur fusil et s’avançaient vers les sauriens, suivis par  Damoclès qui aboyait :

– Tirez dans les yeux. Surtout gardez une distance d’au moins dix mètres. Et retenez le chien, il va se faire bouffer !

Les deux hommes commencèrent à décharger leur fusil dans la tête des monstres. Chaque fois qu’ils étaient atteints, ils étaient pris de spasmes avant de crever. Serge les rejoignit avec sa propre arme. En quelques dizaines de minutes ce fut un massacre et  les autres  sauriens se mirent à dévorer les cadavres de leurs congénères.

Pendant ce temps  Jean, Lucie,  Hector et moi-même, placions nos deux ULM dans l’axe de la piste.
Céleste et Ben firent de même avec le leur et le chargèrent d’eau et de nourriture.

-Vous êtes décidés à partir demanda Jean à Céleste ?

-Oui… l’endroit devient dangereux.

-Il ne faut pas que ces bestioles se mettent en travers de la piste poursuivit Jean. Le premier ULM  survolera le champ pour les neutraliser.

Nous  grimpâmes avec Lucie et Damoclès dans l’ULM piloté par Jean, Van Gogh et Hector dans celui piloté par Martin enfin Serge, Céleste et Ben dans leur propre ULM.

Martin décolla le premier, survolant le champ à basse altitude. On entendait les détonations de l’arme de Van Gogh qui tirait sur les monstres avant qu’ils envahissent la piste.

Puis nous décollâmes, suivis par Serge.

Arrivés à une cinquantaine de mètres d’altitude, nous prîmes la tête de cette petite escadrille.

Au sol, le champ de maïs était parcouru de  multiples traces sinueuses. Des dizaines de crocodiles se dirigeaient vers le camping-car. Damoclès aboyait en leur direction.

Nous atteignîmes une altitude de 150 mètres.

155 kilomètres. C’était la distance de la prochaine étape qui s’afficha sur l’écran de bord.

-Pourquoi cette étape est-elle si proche demandai-je à Jean ?

-Je ne sais pas. Elles dépendent de beaucoup de choses : hasard, nature du terrain…

-Et il y en a encore beaucoup ?

-C’est l’avant-dernière.

-Et dans combien de temps y serons-nous ?

-Deux heures au plus.

Au sol se succédaient des paysages de champs en friche ou  de cultures non récoltées, de bois, de chemins de terre, de routes, de vergers abandonnés…

Après avoir traversé des boules cotonneuses, des écharpes puis des lambeaux de nuages, nous retrouvâmes un ciel clair. Les ULM pilotés par Martin et Serge nous suivaient à une cinquantaine de mètres.

Bientôt les plaines laissèrent place à des montagnes noires, grises, parfois ocres, à des plateaux  immenses, à  des vallées. Les ULM avait pris de l’altitude et il faisait plus frais.

De temps à autre, Damoclès aboyait à la vue de bétails errant sur de larges étendues désertiques. 

Voilà presque deux heures que nous volions et nous fûmes en vue d’un village construit à flanc de colline, traversé par une route qui grimpait en direction d’un quartier résidentiel  de maisons imposantes.

-C’est là dit Jean !

Il ouvrit la fenêtre du cockpit et fit des gestes à l’attention de Martin pour lui indiquer le lieu d’atterrissage. Martin fit de même à l’attention de Serge.

Le quartier était traversé par une large et longue rue principale qui ferait une piste d’atterrissage idéale.

Nos aéronefs roulèrent une cinquantaine de mètres sur la voie asphaltée. Nous en descendîmes, les  adultes sur leur garde, arme à la main. Je brûlai d’envie de me saisir mon pistolet dans l’EastPak.

Quelques voitures de luxe allemandes avaient été abandonnées : Mercedes, Audi, Porsche…

-Tu vois me dit Martin, dès que le monde se dérègle, même les choses les plus coûteuses n’ont plus d’utilité et terminent en déchets !

Le vent poussait dans les rues adjacentes des buissons, des papiers, une boîte de bière vide dont le bruit métallique troublait le grand silence.

-Où est le centre et la réserve de carburant demanda Martin ?

Jean nous y guida à l’aide de son téléphone portable où il avait entré les coordonnées précises du lieu.

Nous le suivîmes jusqu’à une villa qui ressemblait à une sorte de cube de béton et de verre.

-Il y a quelqu’un cria Martin ?

Aucune réponse.

Il ouvrit la porte sur une pièce lumineuse au sol et meubles couverts de poussière. Il y avait une grande toile sur le mur – une juxtaposition de couleurs qui ne représentait rien – et des fauteuils de cuir éventrés. Dans la cuisine, les équipements ménagers étaient eux aussi couverts de poussière. Dans un placard nous trouvâmes des boîtes de riz, de pâtes, de haricots secs et deux boîtes de conserve : du saumon et du crabe. A l’extérieur de la villa, une pelouse à l’herbe haute et jaune, une piscine recouverte d’une toile bleue, des palmiers, un cactus. On souleva une partie du liner qui couvrait l’eau limpide de la piscine. Le système de filtration à l’énergie solaire n’avait pas cessé de fonctionner. La température de l’eau avoisinait les trente degrés.

-Vous voulez vous baigner les enfants, dit Jean ? En même temps vous vous laverez.

Hector, Lucie, Ben et moi nous déshabillâmes et, vêtus de nos sous-vêtements, nous nous enfonçâmes dans l’eau tiède. On nageait, on rigolait, on s’éclaboussait. C’était génial !

Deux cadavres bleus et gonflés, aux yeux exorbités apparurent sous la partie du liner que nous n’avions pas retiré de la surface. Lucie hurla. Les adultes se précipitèrent et nous aidèrent à sortir de l’eau.

-Rhabillez-vous et allez dans la maison dit Jean !

J’avais peut-être avalé de l’eau dans laquelle avaient mariné les deux cadavres. J’étais  dégouté et j’avais envie de vomir.

Martin et Serge aidés par Céleste retirèrent les corps de l’eau et les étendirent sur la margelle de la piscine. C’était un homme et une femme âgés d’une soixantaine d’années ou plus.

Jean les examina.

-Ils  se sont noyés ou ont été noyés dit-il. L’homme a encore des traces  sur les épaules et le cou.

Hector, Lucie et moi allâmes dans la villa. Je m’étendis sur l’un des canapés éventré. Je m’endormis pendant que les autres visitaient les lieux. 

 

Le carburant se trouvait dans des jerricans dissimulés sous une bâche au fond du jardin.

Jean les ouvrit les uns après les autres. La plupart  était vide.

-Merde dit Jean. On n’a pas assez de carburant pour les trois ULM !

-Qu’est-ce qu’on fait demanda Martin ?

-Va voir s’il n’y aurait pas encore de l’essence dans le réservoir des voitures.

Quelques instants plus tard Martin revint.

-Rien…

Jean nous réunit dans le salon poussiéreux et inclina le store à lamelles devant une grande baie vitrée pour nous protéger des rayons du soleil vif de cette fin de matinée.

-Nous allons compléter les réservoirs de deux ULM afin qu’ils puissent atteindre notre destination à environ 130 kilomètres. Moi en compagnie de Van Gogh, de Jean et du chien nous aurons assez de carburant par faire un peu plus de la moitié du chemin. On atterrira dans un pré ou sur une route et on poursuivra à pied.

-Mais tu ne peux pas partir avec cet enfant dit Serge. C’est trop dangereux ! Je pars avec vous, Ben sait piloter l’ULM.

-Je veux rester avec Jean  criai-je, en colère.

-Il faudra que tu sois courageux. Nous aurons  plusieurs jours de marche.

-Je le serai répondis-je.

-Bon, on remplit les réservoirs, on mange et on décolle dit Jean.

Serge et Martin complétèrent les réservoirs des deux ULM de l’essence qui restait encore dans les jerricans. Van Gogh, Jean et moi chargeâmes notre ULM d’une douzaine de bouteilles d’eau, de conserves diverses et des  couvertures. On avait trouvé dans la maison des sacs à dos qui nous seraient utiles pour  notre route à pieds.

Nous décollâmes en début d’après midi en direction du soleil.

La limpidité du ciel me fit penser sans que je sache pourquoi à la grande toile colorée qui ne représentait rien. Dans ce ciel pur comme devant cette toile, je me sentais dans un monde paisible où rien ne pourrait m’arriver.

  

Encélade

 

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Coronafiction. Episode (11 et fin)

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