Edito
09H43 - dimanche 3 mai 2020

On peut être contre Zemmour, mais s’en prendre à lui, c’est s’en prendre à la France de Voltaire ! L’édito de Michel Taube

 

Voltaire est en colère !

Emmanuel Macron a eu bien raison d’appeler dès vendredi soir Eric Zemmour. Le chef de l’Etat n’a pas attendu 24 heures ou plus pour condamner, par son geste téléphonique, l’agression dont a été victime l’intellectuel. Nous l’avions fait vendredi midi.

Le parquet de Paris a enfin ouvert une enquête préliminaire qui aurait dû être diligentée la veille, dès la commission des faits et leur diffusion sur le web. Nous croyions que la loi Avia contre la haine sur Internet devait permettre de faire enlever des propos haineux dans les vingt-quatre heures ?! Que nenni.

Ce n’est pas là la première défaillance de la justice pénale, qui ne joue plus son rôle dissuasif et préventif. En sanctionnant celui qui a la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment, ou de tomber sur un juge qui oublie qu’il n’a pas à projeter ses opinions personnelles sur les décisions qu’il rend, la justice en devient arbitraire. Et que dire de cette justice quasiment à l’arrêt depuis le début du confinement ?

L’édito que nous avons consacré à l’agression d’Eric Zemmour semble, comme tout ce qui touche à ce dernier, déchaîner les passions. Puisque certains ne l’ont pas encore compris, disons le avec force : nous aurions réagi de la même manière si Jean-Luc Mélenchon ou Pascal Boniface avaient subi le même sort. Dans un tweet envieux, Pascal Boniface justement, dont nous apprécions la géopolitique du foot, se plaint de n’avoir pas été soutenu lors de son agression à Tel Aviv récemment. Si nous l’avions su, et nous le faisons à présent, nous le condamnerions tout autant.

Les ennemis de Zemmour doivent comprendre que s’attaquer physiquement à un leader d’opinion, c’est tuer la liberté de penser et de s’exprimer qui est le fondement même de nos sociétés libérales et démocratiques. Notre société est gangrenée de l’intérieur par des ennemis de la République qui veulent semer la terreur. Ils n’y arriveront pas !

Les vérités de Zemmour

Eric Zemmour clive trop à notre goût et sème lui-même la division dans notre société dans certaines de ses analyses. La justice l’a parfois sanctionné. Mais, contrairement à ce que disent ses détracteurs, il ne sème pas la haine. Il argumente. Ses arguments dérangent car ils mettent le doigt sur des transformations profondes de la société française dont la majorité des Français ne veulent pas : pourquoi selon vous le (Rassemblement) Front National est-il le premier parti de France et Marine Le Pen donnée au second tour de la présidentielle de 2022 comme en 2017 ? 10,6 millions de Français qui ont voté Le Pen le 7 mai 2017 seraient donc racistes ?

Tiens, au fait, Eric Zemmour est-il raciste ? Islamophobe comme le prétendent ses détracteurs ? Lisez plutôt : 

« Huntington a analysé l’islam politique en dehors de l’idéologie des partisans et des adversaires. Il a rapporté des faits : démographiquement cette religion monte en puissance ; en s’appuyant sur le Coran qui l’affirme sans ambages, elle clame sa supériorité sur les autres religions monothéistes, mais aussi sur toute autre forme de spiritualité ; elle fait de l’incroyant un adversaire, sinon un ennemi de prédilection ; elle ne cache pas son désir de convertir par la force et la violence ; elle ne donne aucune frontière à son expansion sur la planète ; elle fournit une alternative au nihilisme occidental, à la religion du Veau d’or et au mode de vie consumériste ; elle offre une spiritualité dans un espace mental vidé de son contenu. Voilà qui a suffi à classer Huntington du côté des islamophobes pour l’intelligentsia occidentale frottée aux huiles essentielles marxistes depuis plus d’un siècle. »

Ces mots sont d’Eric Zemmour ? Eh bien, non, mais du philosophe de gauche (mais pas d’extrême gauche) Michel Onfray. Zemmour pas plus qu’Onfray ne sont racistes !

Zemmour, quand il évoque le grand remplacement, dénonce la passivité de l’Occident devant une réalité démographique à raison de prosélytisme, là où Onfray se contente de la présenter comme un fait, comme une fatalité. Eric Zemmour n’a jamais affirmé qu’un complot était fomenté par nos élites pour remplacer la population européenne par des musulmans. Il est bien trop intelligent pour tenir un raisonnement aussi absurde.

En revanche, Zemmour a le droit d’opposer son analyse de l’emprise de l’Islam  – et d’un Islam de plus en plus rigoriste – sur trop de nos concitoyens et même de s’y opposer farouchement au nom de son idée de la France. L’auteur de ces lignes défend depuis toujours un Islam des lumières et de la paix, il y croit dur comme fer, mais au nom de cet Islam, il partage avec Eric Zemmour l’absolue nécessité de faire la guerre à l’islam radical. La religion doit rester dans le champ privé et ce n’est pas faire injure aux musulmans de dire qu’ils ont du mal à en cantonner l’expression religieuse dans la sphère privée et dans les mosquées. Les juifs et les chrétiens ont eu les mêmes difficultés pendant des siècles à l’admettre. Les musulmans y viendront.

 

Protéger Zemmour, c’est protéger la France de Voltaire

Beaucoup aimeraient que Zemmour soit empêché de nuire, de sévir ou de dire la vérité : ils n’ont pas place dans l’espace public du débat. Leurs armes y sont interdites. Nous défendons Zemmour parce que nous ne voudrions pas qu’il connaisse le sort de nos amis de Charlie Hebdo.

Dans une autre vidéo, conseillé certainement par son avocat, l’agresseur d’Eric Zemmour s’excuse de son geste de façon, tout de même, un peu pitoyable. Il se ment à lui-même en disant qu’il n’a pas commis de crachat dont il était fier la veille de l’avoir asséné. En période de coronavirus où les postillons sont nos vrais ennemis, son geste aurait même pu avoir des conséquences autrement sérieuses.

Mais au fond c’est tant mieux si cet idiot présente ses excuses car nous devons tous calmer le jeu, appeler à la concorde et à la paix tout en défendant avec la plus grande fermeté notre société laïque de libertés. La ligne de crête est étroite.

Le seul problème est que la première vidéo de l’agresseur a été visionnée des milliers de fois plus que la seconde. Et que son geste a dû donner des idées à des idiots encore plus idiots que le lui.

Le ridicule ne tue pas, mais la haine mélangée à la bêtise oui !

Nous avons choqué vendredi dans notre premier édito. Mais nous persistons et nous signons : au pays de Voltaire, on peut être contre Zemmour, mais s’en prendre à lui, c’est s’en prendre à la France de Voltaire ! A la France des libertés, du débat d’idées et de la laïcité. Comme disait le grand philosophe des Lumières : « je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai pour que vous puissiez le dire. »

Au final, – car il faut toujours manier l’humour pour garder quelque distance avec soi-même et les autres -, notre intellectuel parmi les plus populaires, eh oui, de France (ses livres sont des best-sellers) aura réussi le coup de force de prouver qu’il n’y a pas que le coronavirus dans nos vies depuis deux mois. Et de prendre 45 minutes de la vie du président de la République qui avait juré qu’il ne se consacrerait qu’à cette pandémie. Chapeau l’artiste !

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

Directeur de la publication