Afriques demain
06H45 - mercredi 1 avril 2020

Le coronavirus à l’assaut de l’Afrique. La chronique de Michel Scarbonchi

 

Après l’Asie, l’Europe, les Amériques, le Covid-19 attaque le continent africain.

Déjà de nombreux cas dans le Maghreb, en Afrique du Sud, au Nigeria, en RDC, au Burkina-Faso…. Près de 40 pays déjà touchés. Très vite 1,2 milliards de personnes vont être confrontées à la pandémie mondiale. L’Afrique du Sud vient de confiner sa population, le Nigeria et la RDC viennent de confiner les habitants de Lagos (20 millions de personnes) et Kinshasa (12 millions).

L’OMS et l’ONU annoncent déjà le scénario le plus meurtrier de la pandémie sur le continent africain. Certes, l’Afrique, notamment subsaharienne, souffre de systèmes hospitaliers fragiles, de l’absence de moyens et de personnels auxquels s’ajoutent le déficit des infrastructures routières et de transports, particulièrement en zones rurales.

Autres handicaps et non des moindres, la circulation des personnes dont la mobilité est sept fois supérieure à la norme mondiale. Les migrations transfrontalières et à l’intérieur des pays sont incontrôlables et vont être un facteur d’accélération de la transmission du virus. Un autre obstacle majeur à la propagation du coronavirus, le mode d’habitation avec une moyenne de 10 personnes en maison individuelle ou appartement. N’oublions pas qu’en Afrique, les villes concentrent de 50 à 70 % de la population d’un pays.

Dernier facteurs aggravant pour le continent, le confinement va donner le choix à la population entre le virus et se nourrir. En effet, pour la grande majorité des Africains, aller au travail, chaque jour, permet de nourrir sa famille. Ne pas sortir la condamne à mourir de faim, à terme. Soulignons l’initiative du Rwanda, jamais en retard d’une bonne gouvernance, qui a décidé de distribuer aux habitants des paniers de vivres pour les inciter à demeurer chez eux.

Alors que faire après ce terrible constat ? Les différentes épidémies qu’a connues le continent depuis des décennies ont permis à l’ONU et aux ONG comme Médecins du Monde de tirer des enseignements qui vont s’avérer utiles dans le combat titanesque à mener. Pour rappel, Ebola, depuis 2014, en Afrique de l’Ouest, a provoqué 25000 infectés et 11000 morts.

La riposte en Afrique doit être collective et passer par les structures régionales existantes comme la CEDEAO, la CEMAC ou la CDAA, là où les États, individuellement seront impuissants.

L’ONU devrait crée rapidement, comme elle l’avait fait pour la lutte contre EBOLA avec la MINUACE un dispositif d’intervention sanitaire. Cette mission permettrait la coordination des actions menées et une gestion rationnelle de la logistique et des personnels.

Il faut sensibiliser les populations aux mesures de quarantaine et au traitement et harmoniser les politiques de communication et d’endiguement pas seulement en utilisant les canaux des radios et télévisions mais les élus, les chefs traditionnels.

Le dialogue et la coordination entre pays et entre autorités centrales et locales sera la meilleure arme contre la pandémie. Les équipements et les primes de risques pour les soignants et tous les personnels en première ligne seront déterminants.

Autre lueur d’espoir pour l’Afrique, la jeunesse de sa démographie puisque 60% de sa population a moins de 25 ans et est donc la moins impactée par le virus. D’aucuns spéculent sur la température moyenne de l’Afrique qui serait la meilleure barrière au Covid-19. S’il résiste aux températures très froides, il serait sensé ne pas supporter celles au-dessus de 30 à 40° ! Le développement de la pandémie au Brésil et en Argentine permet d’en douter…

Mais l’Afrique ne va-t-elle pas subir « une double peine » avec la crise économique qui la frappe, conséquence de la crise sanitaire dans le monde.

En effet, le ralentissement du commerce international, notamment avec la Chine, l’effondrement du prix du baril de pétrole et du cours des matières premières, du tourisme et la fuite des capitaux vont affaiblir les pays pauvres et endettés, voire détruire leur structure étatique déjà affaiblie avec des populations généralement sans assurance santé et sans assurance chômage. Le FMI et la Banque Mondiale devront faire preuve d’originalité pour secourir massivement le continent dont la croissance était une des plus dynamiques de la croissance mondiale, avant le virus… La France et l’Union européenne devront faire preuve de solidarité à l’égard d’un continent auquel nous sommes particulièrement liés, soit dans le cadre du Fonds Européen de Développement (FED) ou d’un fonds de solidarité dédié.

Voilà donc les défis auxquels nous devons faire face : éviter, dans le même temps, l’implosion de l’Europe et l’effondrement de l’Afrique.

 

Michel Scarbonchi

 

Ancien député européen