Edito
07H13 - mardi 24 mars 2020

Didier Raoult est-il notre Astérix national avec sa potion magique contre le coronavirus ? L’édito de Michel Taube

 

Notre propos n’est pas de prendre parti mais de se demander pourquoi l’un des plus éminents virologues au monde peut-il être aussi peu soutenu par son propre pays quand le monde entier se l’arrache.

Le professeur du CHU de Marseille, Didier Raoult, à l’instar de nombre de ses confrères dans le monde, administre de la chloroquine à ses patients atteints du Covid-19, avec des résultats qu’il juge spectaculaires.

Pardon, soyons précis sur cette potion magique qui, elle, est connue, contrairement à celle de Panoramix, à savoir une association d’hydroxychloroquine par 200 mg x 3 par jour pour 10 jours, et d’Azithromycine à raison de 500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour 5 jours de plus.

Mais les confrères français de Didier Raoult font la moue, tout comme le gouvernement, quand ils ne le prennent pas pour un farfelu.

Il n’a pas le look de l’emploi, peut-être. Il a seulement les compétences, la reconnaissance internationale (les Etats-Unis, Israël et nombre de pays recourent à ses services), la foi dans sa mission, le sens du devoir. Il est notre Astérix. Ne sont-ils pas les Romains ?

Infectiologue et professeur de microbiologie français, Didier Raoult est spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté de médecine de l’université d’Aix-Marseille et à l’IHU Méditerranée Infection. 

Grand prix Inserm en 2010 pour l’ensemble de sa carrière, il est l’un des chercheurs français les plus cités, avec de nombreuses publications scientifiques à son actif. Didier Raoult est classé parmi les dix premiers chercheurs français par la revue Nature pour le nombre de publications (plus de deux mille à son actif) comme pour le nombre de citations reprenant ses travaux.

Quasiment boycotté sous Agnès Buzyn (nous y reviendrons), Oliver Véran a finalement accepté que le traitement controversé contre le coronavirus de Didier Raoult rejoigne l’essai européen Discovery, dont la part française est conduite par l’Inserm. Il portera sur plusieurs centaines de patients hospitalisés. Réponse probable dans six semaines. Peut-être avant, vu la pression de l’opinion publique. Celle du bon sens aussi : la chloroquine est utilisée depuis des décennies contre le paludisme. Les décoctions à base d’écorce de Cinchona, mère naturelle de ce qui deviendra la chloroquine, le sont depuis des siècles. 

Hier, le haut conseil de santé publique recommandait de ne « pas utiliser de chloroquine en l’absence de recommandation, à l’exception de formes graves, hospitalières et sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médiale stricte », affirmait Olivier Véran lors d’une conférence de presse ce lundi 23 mars, « excluant toute prescription pour des formes non sévères en l’absence de preuves probantes », précisait-il. Et d’ajouter qu’un arrêté encadrant précisément le recours à ce traitement, qui fait polémique, sera pris « dans les prochaines heures ».

Défiant les autorités, le professeur Raoult et ses équipes ont aussi décidé d’appeler les citoyens à venir se faire tester, contre la doctrine gouvernementale. Impressionnante file d’attente à Marseille hier devant l’IHUM (l’Institut Hospitalo-universitaire Marseille infection de la Timone).

On a vu même des médecins invoquer le serment d’Hippocrate pour justifier du recours à la méthode Raoult contre les prescriptions de l’Agence du médicament. On croirait relire Antigone dont la raison morale personnelle l’emporte sur la raison d’Etat. Rappelons que le serment d’Hippocrate oblige, depuis 23 siècles, oui, depuis 300 ans avant notre ère, à tout faire pour tenter de guérir les patients. Les médecins n’ont pas prêté serment sur le Code de la santé publique ni sur les protocoles de tests qui doivent être assouplis en situation d’urgence sanitaire comme aujourd’hui.

Et si Didier Raoult avait raison contre le Président de la République, le Premier ministre, le gouvernement, le Comité d’experts (et dont le professeur Raoult fait partie) ?

Se priver pendant six semaines d’un médicament que la terre entière veut utiliser sous des prétextes de protocoles de tests constitue une prise de risques sanitaires considérables lorsque les morts se comptent chaque jour par dizaines, bientôt par centaines.

C’est à se demander si les pouvoirs publics n’ont pas le sens très sélectif de la guerre sanitaire. Voter une loi d’urgence sanitaire aux risques liberticides, oui, mais faire confiance à notre plus grand chercheur français, non !

Une chose est sûre, sous réserve d’écarter les patients présentant des risques cardio-vasculaires, comme le fait l’équipe de Didier Raoult, sa potion ne présente pas de risque à être employée, d’autant que le coût de la fabrication du médicament est modique. Quand bien même la chloroquine n’aurait qu’un effet placébo ? Et alors ?

Il faut craindre que les recours pour non-assistance à personnes en danger, pardon à peuple en danger, se multiplient dans les semaines à venir !

En attendant, le monde connaît enfin le nom de famille d’Astérix et celui du prochain Prix Nobel de médecine.

Michel Taube

Directeur de la publication