Afriques demain
13H36 - lundi 20 janvier 2020

Vers un coup d’Etat constitutionnel d’Alpha Condé ? Semaine de tous les dangers en Guinée Conakry. L’édito de Michel Taube

 

 

 

Alpha Condé est-il prêt à conduire la Guinée au bord du précipice ? C’est parce que ses opposants et la société civile en sont bien convaincus que la semaine qui s’ouvre risque de mettre le feu aux poudres.

Le 19 décembre dernier, le président de la République, jeune de 81 ans, élu en 2010 et réélu en 2015, avait surpris son monde, et le monde, en annonçant à la nation guinéenne son intention d’adopter une nouvelle Constitution et d’instaurer une nouvelle République… Objectif évident : lui permettre de se présenter pour un troisième mandat, délice que l’actuelle Loi suprême lui interdirait.

La déclaration d’Alpha Condé n’a pas troublé que les Guinéens : une fois n’est pas coutume, la diplomatie française, par la voix de Jean-Yves Le Drian, mais aussi Tibor Nagy, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines des Etats-Unis, ont manifesté publiquement, mais diplomatiquement, leur énervement.

En Guinée, les violences suscitées par ce coup d’Etat constitutionnel annoncé n’ont pas manqué d’éclater. Après une trentaine de morts au dernier trimestre 2019, deux jeunes manifestants ont été tués lundi 13 janvier à Conakry, ville morte ce jour-là, dans des heurts avec la police. Inutile d’être Madame Soleil ou un griot africain pour parier que la trêve, décrétée pour enterrer les dernières victimes, ne sera que de courte durée : le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif de partis, de syndicats et de citoyens qui proteste depuis trois mois contre ce troisième mandat, annonce de grandes manifestions dès demain. Les appels à la désobéissance civile se multiplient également.

Alpha Condé, animal politique entêté comme un furet, a aussi décidé de la convocation d’élections législatives le 16 février prochain. Mercredi dernier, un décret lu sur les ondes de la radiotélévision guinéenne a fixé le début de la campagne des législatives au lendemain. Or le mandat des députés actuels a expiré… il y a un an.

Selon nos informations, Alpha Condé, présent aujourd’hui à Londres pour le Sommet africain organisé par Boris Johnson, serait tenté d’organiser le même jour, dans moins d’un mois donc, les élections législatives et le référendum d’adoption d’une nouvelle Constitution.

L’opposition a déjà annoncé le boycott des législatives dont le résultat est cousu de fil blanc : si le président de la commission électorale indépendante qu’elle accuse d’être pro-Condé n’est pas remplacé par une personnalité impartiale, si un audit du fichier électoral ne l’assainit de tous les doublons et des électeurs fictifs, et si des conseils de quartier permettant de surveiller les bureaux de vote ne sont pas installés, le peuple guinéen risque de bouder les urnes.

Alpha Condé et son gouvernement font également face à un mot d’ordre de grève du syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée, le SLECG. L’économie est en lambeaux, le pouvoir n’ayant guère écouté les propositions de réformes des principaux opérateurs économiques du pays, dont l’Association des Entreprises Industrielles de Guinée.

Malgré ce cocktail explosif, les opposants à Alpha Condé sont-ils déterminés et organisés comme lui ? Rien n’est moins sûr.

De prochaines révélations, dont dispose Opinion Internationale, sur le système de corruption politique et économique, savamment mis en place par l’homme fort de Guinée, notamment via de grandes entreprises nationales, pourraient faire pencher la balance…

 

Michel Taube

Directeur de la publication