Décideurs engagés
12H19 - lundi 8 juillet 2019

Décideur(e) engagé(e) avec Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris. L’édito de Michel Taube

 

L’heure serait-elle à la revanche des femmes ? Alors que l’Union européenne vient de porter à sa tête deux femmes (Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission et Christine Lagarde, ancienne avocate au Barreau de Paris, à celle de la Banque centrale), Marie-Aimée Peyron, qui depuis le 1er janvier 2018 et pour deux ans, occupe la prestigieuse fonction de bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris.

Il n’en faut pas moins pour lutter contre les profondes inégalités qui affectent les femmes dans cette profession : leurs rémunérations sont de 51% inférieures à celles de leurs confrères masculins ! Une des professions parmi les plus inégalitaires de France.

Autre credo de Marie-Aimée Peyron, invitée de l’Hebdo Opinion Internationale le 10 juillet : promouvoir Paris comme première place du droit et de l’arbitrage en Europe, à l’heure ou le Royaume-Uni s’apprête à se replier sur les frontières de son ancienne grandeur.

Bâtonnier ou bâtonnière ? A l’image de l’ambassadrice ou de la princesse, la bâtonnière fut pendant des siècles l’épouse du bâtonnier, signe que l’égalité entre les femmes et les hommes n’avait pas encore fait souche à l’Académie française ni au sein d’une justice pourtant largement féminisée. Car la majorité des étudiants en droit étant des étudiantes, il ne faut pas s’étonner que les femmes soient majoritaires parmi les avocats (54% à Paris) et les magistrats. Mais force est de déplorer qu’au sommet de la pyramide judiciaire, la junte masculine continue à exercer une domination qu’elle peine à partager.

Marie-Aimée Peyron n’est pas la première femme bâtonnier à Paris (« Madame le Bâtonnier » étant toujours la formulation utilisée). La fonction fut déjà exercée par Dominique de La Garanderie (1998 – 2000) et Christiane Féral-Schuhl (2012 – 2014). Mais comme elle le soulignait fort justement au Monde au lendemain de sa prise de fonction, « Aujourd’hui, l’élection d’une présidente à l’Union des jeunes avocats (qu’elle fut) est devenue un non-événement. J’aimerais que ce soit pareil pour le bâtonnat ».

Comme dans la magistrature (Simone Rozès fut la seule femme première présidente de la Cour de cassation, de 1984 à 1988), dans l’entreprise ou au Gouvernement (Edith Cresson fut la seule femme Premier ministre en 1991, durant moins d’un an, et aucune ne fut Présidente de la République), rares sont encore celles qui parviennent à briser le plafond de verre qui les sépare des fonctions suprêmes.

Madame le Bâtonnier est une passionnée pragmatique, deux qualités dont elle démontre qu’elles ne sont pas antinomiques. Sa vocation d’avocat lui vint pourtant tardivement et ne lui fut pas transmise par ses parents, qui exerçaient d’autres métiers. Jeune, elle se voyait plutôt diplomate. Il en faut certainement de la diplomatie pour exercer le métier d’avocat et pour être élue Bâtonnier !

Deux chantiers immenses se distinguent depuis que Marie-Aimée Peyron « préside » aux destinées du plus grand Barreau français.

Lutter avec force (le cas échéant au sens propre du terme, par le biais de sanctions disciplinaires) contre le fléau de la discrimination et parfois du harcèlement que subissent trop de femmes dans cette profession. En matière salariale, les avocates parisiennes sont en moyenne deux fois moins payées que les hommes, un fossé dont devraient avoir honte ceux qui le creusent. Ces femmes, ces avocates, et en leur nom leur bâtonnier, ne réclament aucune revanche. Juste l’équité et le droit au nom desquels ils plaident la cause de leurs clients.

Le second grand chantier de Marie-Aimée Peyron est de récolter les fruits du Brexit, en installant Paris au firmament du droit et de l’arbitrage international, en particulier par la création en 2018 des Chambres commerciales internationales de Paris, grâce à la perspicacité et de la chancellerie, de la Cour d’appel et du tribunal de commerce de Paris, et bien entendu du barreau, en la personne de son bâtonnier Marie-Aimée Peyron.

Francfort mais aussi Amsterdam et Dublin ont annoncé des projets analogues, mais Paris a tout mis en œuvre pour que cette nouvelle juridiction commerciale internationale soit déjà opérationnelle et  devienne la nouvelle référence européenne. Désigner la nouvelle chambre parisienne n’est pas qu’un enjeu de prestige, mais s’inscrit dans un mouvement visant à faire de Paris un haut lieu du commerce international et du droit qui l’encadre.

La défense des avocats en danger, dans un contexte de restriction de l’Etat de droit partout dans le monde et même au sein de l’Union Européenne (Madame le Bâtonnier vient d’être désignée Membre d’honneur du Barreau de Varsovie pour aider à protéger ses confrères polonais) achève de bien remplir cet office dontMarie-Aimée Peyron assure, avec son vice-Bâtonnier Basile Ader et les membres du Conseil de l’Ordre, le rayonnement de Paris Place de Droit et d’Arbitrage.

 

Raymond Taube, fondateur et directeur de l’IDP (Institut de Droit Pratique) et rédacteur en chef d’Opinion Internationale, et Michel Taube

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