Afriques demain
10H43 - vendredi 21 juillet 2017

EXCLUSIF, Accès aux soins : l’Afrique rivalise d’ingéniosité. La tribune de Dominique Nouvian Ouattara, Première Dame de Côte d’Ivoire

 

Dominique Nouvian Ouattara, Première Dame de Côte d’Ivoire, publie une tribune sur les enjeux de l’accès aux soins en Afrique.

« Existe-t-il pour l’homme, un bien plus précieux que la santé ? », demandait Socrate. Près de 2 500 ans après la mort du célèbre philosophe grec, le continent africain lui donne toujours raison. Ainsi, selon un rapport publié en 2015 par le Pew Research Center, l’amélioration des systèmes de santé figure en tête des priorités pour les habitants de huit des neuf pays d’Afrique subsaharienne sur lesquels portait l’étude : Burkina Faso, Ethiopie, Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud, Tanzanie et Ouganda.

L’accès aux soins, une priorité en Afrique

Le même rapport révélait que, pour plus de 50% des Burkinabés et des Sénégalais, un meilleur accès aux soins passait, en termes de défis de développement à relever, devant l’approvisionnement en électricité ou la sécurité alimentaire. Si l’attente des Africains est forte, l’offre de soins sur le continent reste malheureusement insuffisante et mal adaptée, particulièrement en direction des zones les plus enclavées. 

Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise un ratio de sept médecins et trente lits d’hôpital pour 10 000 habitants, l’Afrique ne compte qu’un médecin et dix lits pour le même nombre de personnes. Et quand les hôpitaux existent, ils manquent souvent de personnel médical qualifié et bien rémunéré ou, encore, de médicaments.

Les dépenses de santé sur le continent sont dix fois inférieures à la moyenne mondiale. Conséquence logique, l’espérance de vie des Africains est de quatorze ans inférieure à la moyenne des habitants de la planète. Ainsi, une personne d’origine subsaharienne a deux fois plus de risques de mourir à la naissance que le reste de la population mondiale.

Si en Afrique les dépenses publiques par habitant sont passées de 70 à 160 dollars en une quinzaine d’années, elles restent très en deçà du niveau dont les populations ont besoin. Les familles africaines doivent donc payer elles-mêmes les soins auxquels elles ont recours. Ainsi, au Niger ou au Tchad, plus de 60% des dépenses de santé sont privées.

Des initiatives existent pourtant, visant à décentraliser l’accès aux soins. Une décentralisation absolument nécessaire, afin de lutter contre les inégalités face à la santé et de permettre aux habitants des régions les plus isolées de bénéficier des soins les plus importants.

La nécessaire décentralisation des soins de santé

Profitant de l’essor du téléphone mobile sur le continent, de nombreux entrepreneurs africains rivalisent d’ingéniosité et proposent des solutions de e-santé particulièrement adaptées aux problématiques de l’Afrique.

Je pense à l’association Djantoli qui, au Burkina Faso et au Mali, organise des rondes d’agents itinérants auscultant les nouveau-nés à domicile. Contre un abonnement de 700 francs CFA par mois, ces infirmiers réalisent des diagnostics complets, grâce à une application pour smartphone. Les données sont, par la suite, envoyées dans des centres de santé à Bamako ou Ouagadougou, et analysées par des médecins, qui peuvent ordonner des consultations.

Je pense aussi au projet Medtrucks, imaginé par un jeune entrepreneur marocain : des caravanes de plusieurs lits sillonnent le pays afin de proposer un service de « dialyse nomade » à des patients qui sont, au préalable, géolocalisés afin d’optimiser le parcours des véhicules. En 2013 déjà, la caravane panafricaine « Cap to Cairo », financée par l’entreprise Philips, avait parcouru le Burkina Faso afin d’améliorer la santé des mères et de leurs enfants. Et, en 2016, c’est la caravane de l’ONG « Santé pour tous en Afrique », lancée par le président de la Fédération gabonaise de kick-boxing, Eric Ella, qui avait permis de sensibiliser les habitants du Gabon à la nécessité de pratiquer une activité sportive afin de rester en bonne santé.

En Côte d’Ivoire, le Ministère de la Santé a lancé, en 2015, le projet APUS, pour Amélioration de l’Accès des Populations Urbaines défavorisées aux Soins de santé primaires. En renforçant les Etablissements sanitaires à base communautaire (ESCOM), le projet APUS, financé à hauteur de 720 millions de francs CFA, a sensiblement amélioré l’offre, l’accessibilité, la qualité des soins et l’utilisation des services de santé dans une dizaine d’ESCOM. 

Dernièrement, la cinquième caravane ophtalmologique de ma Fondation, Children of Africa, a parcouru les départements ivoiriens du Haut-Sassandra, proposant aux enfants d’être reçus dans une cabine médicale mobile, équipée de tous les instruments nécessaires au diagnostic et à la correction optique. Si l’objectif de départ était de prendre en charge, gratuitement, quelque 15 000 enfants, ce sont finalement plus de 20 000 enfants de 0 à 15 ans qui ont pu bénéficier d’une consultation par un ophtalmologiste. Plus de 1 000 d’entre eux, ont reçu une paire de lunettes de vue. En Afrique, l’accès aux soins est un défi, mais c’est un défi à notre portée, pourvu que nous sachions faire preuve de volonté et d’imagination.

Première dame de Côte d'Ivoire