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11H11 - mardi 8 décembre 2015

Le mur végétal, simple façade ou réel impact écologique ?

 
Musée du Quai Branly. Crédit: Lauren Manning/WCommons

Musée du Quai Branly. Crédit: Lauren Manning/WCommons

Ville de la COP21, Paris soigne son image de « capitale verte » : la maire Anne Hidalgo s’est fixé l’objectif d’atteindre les 100 hectares de toitures et de murs végétalisés d’ici à 2020. Selon l’adjointe de la Ville en charge des espaces verts, Pénélope Komitès, ces sites seront de véritables « vitrines ». Mais au-delà de la simple façade, ces couteux emblèmes de la « smart city », cette ville du futur alliant progrès technologique au respect de l’environnement, jouent-ils un vrai rôle dans la lutte contre le dérèglement climatique?

La Mairie  a lancé à l’approche de la COP21 un appel à projets afin de végétaliser ou d’exploiter culturalement une quarantaine de bâtiments. Dans cette optique, une vingtaine de sites, toitures, murs ou façades seront dédiés à la culture de végétaux. Afin de végétaliser de façon adéquate l’espace urbain, une commission d’experts diagnostiquera l’état des toits et aidera à sélectionner les projets. La démarche doit permettre d’amorcer la réalisation de l’objectif ambitieux que s’est fixé la municipalité, la Ville ne comptant jusqu’à présent que 44 hectares de toits verts.

Cette végétalisation du bâtiment s’opérera d’abord dans le domaine public, dans les écoles ou dans les gymnases, mais il s’agira également d’inciter le secteur privé à suivre le même chemin. Ainsi, la Ville a aussi créé un « permis de végétaliser » délivrable aux habitants.

Toutefois, nombreux sont découragés par l’investissement économique que nécessite l’installation des murs végétalisés ou redoutent que leurs toits ne perdent en étanchéité sous le poids des végétaux.

 

Acros Fukuoka. Crédit: Pontafon/Flickr

Acros Fukuoka. Crédit: Pontafon/Flickr

De façon générale, l’architecture végétalisée est en plein boom. Parmi les achèvements architecturaux les plus spectaculaires en la matière, on retient notamment la façade du Quai Branly, l’Acros, à Fukuoka (Japon), ou encore le Bosco Verticale de Milan… C’est beau, cela donne l’impression que la ville respire mieux, mais est-ce réellement le cas ? Les avantages avancés par son inventeur, Patrick Blanc, sont les suivants : impulsion donnée à la biodiversité, dépollution de l’air puisque les plantes stockent du CO2, isolation sonore mais surtout thermique qui peut permettre de faire d’importantes économies d’énergie sur la climatisation, source d’émissions de gaz à effet de serre. D’après une synthèse réalisée par Plante & Cité, centre d’ingénierie de la nature en ville, la couche végétale ainsi que le substrat qui lui permet de se développer rend le bâtiment moins sensible aux conditions climatiques extérieures et facilite ainsi le maintien d’une température agréable. De plus, le mur végétal permet de tempérer dans une certaine mesure les îlots de chaleur urbains en stockant l’eau des pluies qu’elle rejette partiellement par évapotranspiration dans l’atmosphère.

Oui mais voilà, pour que le mur végétal soit réellement efficace, il faut qu’il soit parfaitement adapté à la structure du bâtiment sur laquelle il s’apprête à être installé. Un nombre important de paramètres doivent être pris en compte : l’épaisseur des murs, qui pourront accueillir une quantité plus ou moins importante de végétation, mais aussi les conditions climatiques et les conditions de climatisation préexistantes. Par exemple, un bâtiment entièrement végétalisé consommera beaucoup d’eau en périodes chaudes, sans quoi il perdra non seulement sa beauté mais aussi ses vertus thermiques. De même, pour des bâtiments déjà équipés du point de vue de la climatisation, le mur végétal représentera un coût important pour un bénéfice très faible en termes d’économies d’énergie.

Chaque contexte doit être étudié avec attention afin de ne pas sombrer dans une standardisation du mur végétalisé ne tenant pas compte des spécificités du bâtiment : le bénéfice du mur végétal deviendrait alors totalement inexistant du point de vue écologique. Or, en France, 90% des toitures végétales sont conçues selon un modèle uniforme industrialisé, selon l’Agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France. Pour que la « vitrine » parisienne ne se limite pas à sa dimension publicitaire voire ne se transforme pas en chimère, il faudra donc que la Mairie, et ses habitants, portent une réelle attention à tous ces paramètres.