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13H32 - lundi 12 mai 2014

« Il est capital de créer du neuf et du nouveau »

 

Jean-Paul Kimoto, président du Mouvement Centrafricain pour la Rupture (MCR), explique ce qu’il entend par rupture et comment cette vision peut participer à la résolution de la grave crise que traverse son pays.

Jean Paul

Quelle est votre analyse de la situation en RCA ?

La République Centrafricaine a connu depuis plusieurs décennies différentes crises militaro-politiques qui ont considérablement entravé son essor. Aujourd’hui, en RCA, les institutions sont ébranlées, l’administration en déliquescence et l’économie y est à l’agonie.  La Centrafrique est un Etat failli, incapable de remplir ses fonctions régaliennes, et survit sous perfusion. Bien évidemment cette situation catastrophique a conduit le pays dans une configuration politique inédite : la transition.

La dernière crise en date mettant en avant divers groupes rebelles à savoir les milices anti-Balaka et les ex-Séléka a été particulièrement violente, ce qui a d’ailleurs interpellé la communauté internationale qui s’est très vite rendue au chevet de la Centrafrique. Malgré les différentes crises qui ont traversé ce pays, la RCA n’avait jamais atteint un tel niveau de violence et de cruauté. Pour sortir de cette impasse, le pays a besoin d’une mobilisation forte, conséquente et rapide de la communauté internationale mais aussi que ses filles et fils se mobilisent et œuvrent dans le sens de la réconciliation. Il faut une action conjointe et celle-ci devient plus qu’urgente !


Est-ce que nous allons tout droit vers la partition ?

Certes ce pays s’est construit à l’intérieur de frontières géographiques issues de la colonisation. Cependant, il n’en demeure pas moins que le pays est un et indivisible. La partition de la RCA n’est ni envisageable ni à envisager. Nous ne devons pourtant pas sous-estimer les velléités sécessionnistes d’une minorité d’extrémistes. A ceux-là, la communauté internationale et les autorités centrafricaines doivent adresser un signal fort de fermeté. Les Centrafricains devront absolument œuvrer à rétablir ce sentiment d’appartenance à une seule et même Nation, que l’on soit chrétien, musulman, animiste ou athée. Cette tâche peut paraître ardue mais elle n’est pas insurmontable. Il n’existe aucune autre alternative que celle d’accomplir ce travail de réconciliation pour un mieux vivre ensemble. D’autres nations ont connu des situations similaires, sinon pires et elles s’en sont sorties!


Qu’est-ce que c’est que le MCR ?

Le MCR est le Mouvement Centrafricain pour la Rupture, un groupe de pression, un lobby, une association à caractère politique constituant à la fois un cercle de réflexion et de proposition sur les différentes thématiques allant dans le sens du développement de la RCA. Le MCR est une sorte de think tank ou un laboratoire d’idées.


Pourquoi ce mouvement ?

En dehors du slogan, le terme rupture illustre la volonté de ce mouvement de rompre avec les méthodes de gouvernance passées et son lot d’échecs qui nous ont conduits dans la situation actuelle. Ce mouvement a été initié par des fils et filles de la RCA voulant apporter leur pierre à la reconstruction de la « Maison Centrafrique » agonisante.


Pensez-vous pouvoir avoir un impact sur le cours des événements en RCA ?

C’est bien notre objectif. Comment ? De multiples manières, dont la première est la production et la diffusion d’idées, de méthodes nouvelles en rupture avec celles surannées qui ont mené au chaos actuel. Néanmoins, nous n’avons pas la prétention à nous seuls de changer le cours de l’histoire en République Centrafricaine. Il passe par la juxtaposition des actions de l’ensemble des Centrafricains et Centrafricaines appuyés dans un premier temps par la communauté internationale. Ce qui est sûr, c’est que le MCR entend apporter avec détermination sa contribution pour le retour de la paix et le développement de la RCA.


Quelle est la solution pour que la RCA puisse enfin décoller ?

Ce pays ne décollera que s’il retrouve une stabilité militaro-politique qui est un préalable au développement économique. Cette stabilité doit se matérialiser par la mise en place d’institutions fortes gérées par des hommes compétents, rigoureux et méthodiques, par le retour à la légalité constitutionnelle ainsi que le retour d’une armée républicaine équipée et compétente. Il n’y aura plus alors qu’à mettre en musique avec rigueur et pragmatisme les chantiers que sont la décentralisation, la réforme de l’état, le désenclavement, la dynamisation du secteur privé, l’alphabétisation, l’industrialisation et bien d’autres chantiers qui nécessitent une vigilance particulière afin de conduire la Centrafrique sur la voie du développement.

Il faut absolument rompre méthodiquement avec les errements du passé, penser et faire autrement la politique. Une vision à long terme est primordiale avec des évaluations à court, moyen et long terme. Nous devrons être en mesure de nous projeter dans les vingt années à venir et tout mettre en œuvre pour y parvenir. Je pense aussi qu’il est capital de créer du neuf et du nouveau pour apporter un mieux. Cela ne veut pas pour autant dire que nous « jetons à la mer » l’ancienne classe politique. Le neuf constitue « une nouvelle pensée, une nouvelle méthode pour une vision ». C’est sur ce principe que devront s’agréger les solutions conjoncturelles que l’on voit se décliner dans les productions politiques qui courent les rues actuellement.


Quel est votre message aux lecteurs d’Opinion Internationale ?

Au nom du MCR, je salue, chaleureusement le lectorat d’Opinion Internationale. Ceux qui souhaitent contribuer au MCR pour que renaisse la RCA, sont les bienvenus. Où que vous soyez, quelque soit votre confession ou votre ethnie, votre pays à besoin de vous. Mutualisons toutes nos forces afin de sortir notre patrie de cette période sombre de son histoire. C’est notre devoir vis-à-vis des générations futures.

Propos recueillis par Lydie Nzengou

Journaliste, chef de la rubrique Centrafrique

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