Edito
16H33 - jeudi 17 octobre 2013

Quand la France de 2030 divise les Français…

 

Les mauvaises langues diront : il s’est enfin passé quelque chose au Comité Economique, Social et Environnemental (CESE) ! Fait rarissime : l’auguste assemblée a rejeté le rapport présenté par l’un de ses membres, André-Jean Guérin, sur l’état de la France en 2013… qui imaginait la France en 2030.

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André-Jean Guérin, auteur du rapport du CESE sur la France en 2013.

Le rejet de ce rapport n’est pas anodin. Peut-être fourmillait-il de trop d’idées innovantes : nous retiendrons par exemple cette proposition de Conférences de citoyens et de jurys citoyens, à l’instar de l’expérience de la Conférence de citoyens sur l’assainissement de l’eau à Bordeaux, pour faire émerger des avis citoyens sur des problématiques complexes habituellement réservées aux seuls experts.   Mais ce rejet tient surtout à deux raisons : tout d’abord l’auteur, représentant la Fondation Nicolas Hulot au sein du CESE, a dessiné les contours d’un véritable nouveau modèle pour une France du développement durable. Cela n’a pas plu aux collèges des entreprises, des professions libérales, des artisans et des agriculteurs de  l’Assemblée du palais d’Iéna qui l’ont rejeté. Avec la volonté d’y associer des démarches porteuses de solutions, le rapport passait également en revue les défis à relever pour y parvenir : défi de l’évolution vers une fiscalité et des politiques rationnelles déterminées par l’environnement et les ressources, défis alimentaires, défis urbains, défis institutionnels.  

Logo du Comité économique, social et environnemental (CESE).

Logo du Comité économique, social et environnemental (CESE).

Ensuite, avec le rejet de ce rapport, c’est l’idée même de Jean-Paul Delevoye, président du CESE, de transformer l’institution, pour reprendre les propositions de Jacques Attali et d’autres, en une « Chambre du long terme », qui prend un sérieux coup. Jean-Paul Delevoye a tenu à limiter la portée d’un tel rejet : « Ce vote négatif est le reflet d’un débat vivant au sein de l’institution, et plus largement, des débats qui agitent la société. La vocation du CESE n’est pas de faire consensus sur tous les sujets, mais précisément d’éclairer le politique sur ce qui pose question à notre société. » La Fondation Nicolas Hulot parle, elle, de victoire du « court-termisme ».   Justement : on savait les Français capables de se diviser sur des questions d’actualité. On découvre aujourd’hui les divisions profondes qui traversent la société française pour imaginer notre avenir à moyen terme. On le voit déjà au gouvernement avec l’opposition entre un Arnaud Montebourg, capitaine d’une France industrielle, et des ministres qui voudraient que la France joue à fond la carte des nouvelles énergies.   On vit un phénomène étrange : la France voudrait, sans le dire, réinventer le Plan ou la planification par l’Etat de notre avenir à moyen et long terme. On entend des ministres revenir de vacances mi-août avec des idées pour la France de 2025 (lesquelles ont été reprises dans l’opinion?). Le gouvernement  a installé un ministre du Plan nouvelle formule, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, Jean Pisani-Ferry.   Dommage que, pour appréhender l’avenir, le gouvernement n’ait pas commencé par consulter le CESE et dommage que celui-ci n’ait pas été capable de s’entendre sur la France de demain.   Notre avenir n’en dépend peut-être pas mais ces atermoiements prouvent combien le cap n’est aujourd’hui pas clairement tracé. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault martèle sans cesse qu’un nouveau modèle français émerge. Avec le rapport d’André-Jean Guérin, on mesure combien la France doit changer en profondeur de modèle. Mais avec ce rejet, on comprend que tous les acteurs de la société française ne l’entendent pas ainsi, manifestement.  

Directeur de la publication