Afriques (2)
12H08 - mardi 20 mars 2012

La forêt ivoirienne, une peau de chagrin surexploitée

 

« Le succès de la Côte-d’Ivoire repose sur l’agriculture ». Cette ritournelle du temps du « miracle ivoirien » ne saurait toutefois cacher les conséquences moins reluisantes des ambitions agricoles d’envergure sur les ressources forestières. Au titre des menaces pour la pérennité de la forêt ivoirienne, on compte aujourd’hui, de manière assez fulgurante, les activités illicites visant les essences naturelles.

 

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D’un couvert forestier de 16 millions d’hectares, aux heures de son indépendance (1960), pour une superficie de 322 462 km², la Côte-d’Ivoire ne compte plus aujourd’hui que 3 millions d’hectares. Cette consommation voire consumation accélérée de la forêt ivoirienne se justifie par d’énormes convoitises. Aussi bien de la part de l’Etat que des opérateurs privés, sans omettre les populations rurales, nous assistons à une véritable conquête forestière.

 

La ruée vers « l’or vert »

L’iroko, le makoré, le bété, le samba, le tiama et l’acajou sont autant de variétés d’essences naturelles pour lesquelles l’Etat ivoirien a initié des mesures de déclassement de forêts. Il est rapporté que, chaque année, jusqu’à 500 000 hectares appartenant au domaine de l’Etat, ont été exploités sous agrément, au début des années 80. L’exportation de variétés prisées sur le marché international a hissé le pays au rang des principaux exportateurs d’acajou dans les années 90.

Les événements de fin 2002 marquent l’heure de gloire de l’exploitation frauduleuse de la forêt. Suite à la rébellion armée avec, à la clé, la scission du pays, l’administration chargée de la gestion et la surveillance de la forêt ivoirienne avait dû quitter les zones occupées. Une surexploitation forestière s’est alors effectuée dans les zones restées sans surveillance. Ainsi 113 forêts classées, 3 parcs nationaux et 2 réserves ont été les champs d’intense exploitation d’essences naturelles.

L’absence de surveillance a également favorisé le défrichement agricole et le braconnage dans les aires protégées. Le cas le plus édifiant est celui du parc national de la Marahoué (au centre-ouest du pays) où les 101 000 hectares de forêt ont été quasiment mis en valeur par les paysans avec une expansion de l’agriculture sur brûlis. A ces activités illicites des populations rurales s’ajoute celle des producteurs traditionnels de charbon de bois qui menacent dangereusement la forêt ivoirienne, par leurs importantes extractions de combustibles ligneux.

Cette déforestation brutale a conduit à une avancée significative de la savane avec une chute des précipitations annuelles. Ce qui ne laisse pas pour autant les autorités sans réaction.

 

 

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La lutte contre la déforestation encore insuffisante

 

Le trafic illicite d’essences naturelles, jusque là assez timide, a le vent en poupe aujourd’hui. L’Etat a récemment entrepris une véritable traque aux trafiquants de bois. Aussi bien au port de San Pedro que dans les zones industrielles de Koumassi et Yopougon (communes d’Abidjan), ce sont des quantités importantes de bois, frauduleusement sortis des forêts, qui ont pu être saisies. Ces traques ont suscité un scandale au sein du ministère de tutelle, du fait de responsables qui auraient été cités dans le trafic du bois de Vène.

L’Etat de Côte-d’Ivoire, a initié des mesures de gestion et de contrôle des forêts classées. Ces mesures, déjà peu efficaces, se sont évanouies avec le départ de l’Administration des zones forestières sous contrôle des forces non-gouvernementales d’alors. Les campagnes nationales de reboisement se sont elles aussi vite essoufflées, tant les aires déboisées restent supérieures aux possibilités de régénération de la forêt naturelle. Les campagnes de sensibilisations contre les feux de brousses demeurent également moins pertinentes. On assiste à un recours persistant de la méthode de l’agriculture sur brûlis et du braconnage avec le moyen du feu.

Un plan national de recouvrement des taxes forestières a été mis en œuvre par l’Administration des eaux et forêts.

Aujourd’hui, face aux réelles perturbations des planifications ou engagements pris dans le cadre du Plan directeur forestier (1988 – 2015) définissant les actions pour une exploitation rationnelle et durable des forêts, l’Etat ivoirien devrait songer à un Plan d’urgence.

L’environnement sociopolitique présentant une sérénité progressive, les questions environnementales doivent occuper une place prioritaire dans les décisions politique et stratégique. « Protéger l’environnement coûte cher. Ne rien faire coûtera beaucoup plus cher » avertit l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.

 

Arsène Dally

 

 

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