Décideurs engagés
10H13 - vendredi 28 août 2015

« L’économie française a besoin de femmes leaders » : entretien avec Marie-Christine Oghly

 

PDG de EnginSoft, société leader dans les études et la vente de logiciels dans la mécanique des fluides, Marie-Christine Oghly est l’ancienne présidente de l’Association des femmes chefs d’entreprise – France, l’actuelle Vice-présidente et Secrétaire générale de l’Association des femmes chefs d’entreprise mondiale, la présidente de « Femmes de l’économie »  et l’ancienne présidente du MEDEF Ile-de-France. Au lendemain de l’université d’été du MEDEF, Marie-Christine Oghly répond à Opinion Internationale.

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En 2015, les femmes ont-elles toute leur place dans le patronat français ?

Non, pas encore malheureusement. Pierre Gattaz fait, certes, beaucoup d’efforts : par exemple, il y avait beaucoup plus de femmes que les autres années à intervenir sur les tables rondes de notre université d’été.

Concernant la représentation des chefs d’entreprise, le problème est connu : au conseil exécutif, ce sont les présidents de fédérations, élus par leur pairs, qui sont une large majorité d’hommes. On compte 5 femmes sur un total de 45 membres du conseil exécutif. Les hommes se battent pour ces postes et les femmes sont des concurrents supplémentaires.

Ceci dit, le regard du monde de l’économie sur les femmes chefs d’entreprise a changé. Quand j’ai commencé, par exemple, les banquiers vous demandaient encore : « Votre mari va arriver ? On l’attend ? ». Et pour acheter une voiture, c’était la même chose. Aujourd’hui, avoir une femme comme patron n’est plus un problème pour les collaborateurs. Entre chefs d’entreprise, on est considéré comme leur égal.

Le MEDEF a été présidé par une femme, Laurence Parisot, pendant plusieurs années. Ce fait a-t-il changé le statut des femmes dans le patronat français ?

Je n’en suis pas certaine. Laurence Parisot a fait entrer au conseil exécutif des femmes comme personnes qualifiées. Laurence Parisot a ouvert le chemin mais Pierre Gattaz prolonge une politique qui, finalement, s’impose à tous : les femmes doivent jouer un rôle clé dans le devenir de l’économie.

Le politique peut-il jouer un rôle dans la promotion d’un plus grand nombre de femmes chefs d’entreprise ?

J’ai été très longtemps opposée aux quotas mais j’ai réalisé que si on n’en passait pas par là, on n’avancerait pas. La loi permet depuis 2011 d’avoir enfin plus de femmes administrateurs de grandes sociétés. L’objectif est de 40% en 2017, selon la loi.

Dans un de vos articles, vous écriviez que la profitabilité moyenne des femmes est supérieure de 9% à celle des hommes dans la direction des entreprises. Pourquoi ?

Les femmes sont peut-être plus rigoureuses dans la gestion. Une chose a été constatée par les banques : une femme ne va jamais demander un second emprunt tant qu’elle n’a pas remboursé le premier. Parce que les femmes ont le sens du business, l’économie française a besoin de femmes leaders.

Vous êtes Vice-présidente de l’association des femmes chefs d’entreprise mondiale : quels pays comptent le plus grand nombre de femmes chef entreprises ?

Au Bénin ou au Burkina, il y a beaucoup plus de femmes. Aux Etats-Unis, il y a des quotas depuis longtemps. A l’inverse, l’Allemagne est surprenante : outre-Rhin, c’est encore très mal vu qu’une femme ne soit pas à la maison pour s’occuper de ses enfants. Angela Merkel souhaite changer les choses. La France, elle, est dans la moyenne mondiale avec 29% de femmes chefs d’entreprise.

Une question plus personnelle : vous auriez voulu travailler sur une plateforme pétrolière. Pourquoi ?

C’est certainement pour le goût du défi, un secteur avec peu ou pas de femmes. C’est une vie très rude et très masculine. Féminiser les métiers fait partie des mutations qui permettront de construire une société plus égale entre hommes et femmes.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication