En décembre 2013, Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaitir, ingénieur mauritanien de 28 ans, publie un article en arabe, sur Facebook, dans lequel il revendique les droits à l’égalité de la « caste des forgerons » de la société arabophone de Mauritanie [Bidân]. Reprenant le modèle des érudits, l’auteur fonde son argumentation sur des événements qui ont lieu lors de la naissance de l’islam, rapportés par des savants islamiques qui font autorité, et il conclut en affirmant que les « castes », c’est-à-dire les groupes méprisés pour leurs métiers manuels, n’existent pas en religion. Dit autrement, elles n’ont pas de légitimité en islam.
Le 2 janvier 2014, l’Association des ouléma de Nouadhibou dénonce le jeune pour « atteinte au Prophète et blasphème ». Le parquet de Nouadhibou ordonne son arrestation en faisant référence à l’article n°306 du Code pénal mauritanien, qui date de 1983. Après une année en prison, le 24 décembre 2014, il fut condamné à la peine capitale pour « apostasie ». Mohamed Cheikh a fait appel de sa condamnation et reste défendu par des avocats commis d’office.
Nous n’avons pas de confirmation que le procès se tiendra bien au mois de mars 2015. Nous sommes devant un cas grave de dysfonctionnement de la justice mauritanienne qui, suivant le Code pénal de 1983, n’a pas tenu compte du repentir de l’accusé vis-à-vis des écrits qu’il a publiés de bonne foi, en faisant usage de son droit à la liberté d’opinion et de pensée, et à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Constitution mauritanienne de 1991.
Or Cheikh Mohamed n’a pas apostasié, c’est-à-dire qu’il n’a jamais renoncé à sa foi musulmane. Il s’est borné à remettre en question l’ordre hiérarchique mauritanien en s’appuyant sur des exégèses de l’histoire de l’islam antique.
En conséquence, on peut espérer qu’une révision du jugement contre Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir soit acceptée par la justice mauritanienne en tenant compte de son repentir, ce qui conduirait logiquement à sa libération sous la protection de l’État.
Opinion Internationale publie toutes les pièces à conviction qui innocentent Mohamed Cheikh et un dossier complet, grâce aux travaux de Mariella Villasante Cervello, anthropologue, spécialiste de la Mauritanie.
A lire pour s’engager pour la liberté d’un homme, conformément au projet d’Opinion Internationale (« s’informer pour s’engager »).
L’auteure du dossier :
Ce dossier est réalisé par Mariella Villasante Cervello. Anthropologue (EHESS), spécialiste de la Mauritanie et du Pérou, l’auteure est membre de l’Institut de démocratie et des droits humains de la Pontificia Universidad Católica del Perú (IDEHPUCP) à Lima (Pérou).
Pour lire ses travaux : https://pucp.academia.edu/MariellaVillasante
Sommaire :
Les textes de Mohamed Cheikh qui le condamnent à mort… et devraient l’innocenter
Pour aller plus loin, des sources pour comprendre le dossier et la Mauritanie