Selon une étude de l’IRSEM (Institut de Recherche stratégique de l’Ecole militaire) et de la DGRIS (Direction générale des relations internationales et de la Stratégie) menée à la fin 2023 et publié en 2024, il y a un regain de patriotisme chez les jeunes.
Dans les faits, 57% des sondés ayant entre 18-25 ans n’hésiteraient pas à s’engager dans l’armée pour défendre la Nation en cas de guerre.
Un jeune sur deux (51%) se disent prêts à s’engager dans le conflit russo-ukrainien. A cette question, 24% des jeunes hommes ont répondu de façon affirmée « Oui tout à fait » contre 12% chez les jeunes femmes.
Cependant, une autre étude de l’IRSEM intitulée « Observatoire de la génération Z » publiée deux ans plus tôt (2021), démontre que 80 % des jeunes expriment de la défiance envers les partis politiques, 60 % envers le gouvernement et 42 % envers la police. Et ce chiffre serait même en hausse d’après une enquête de l’IFOP datant de 2023 affirmant que 54% des 18-24 ans disent « ne pas avoir confiance » dans la police. Des statistiques qui ne rassurent pas et qui montrent qu’il y également une crise de confiance majeur des jeunes vis-à-vis des institutions.
Pourquoi les jeunes ont-ils confiance en l’armée tout en rompant avec nos pouvoirs publics ?
Je crois que les jeunes sont en quête de sens comme chaque être humain mais chez les jeunes cette quête est plus forte car ils sont en pleine construction. Ils sont en cheminement vers leur maturité d’adulte.
Et à ce titre, ils poursuivent logiquement la vision candide d’un idéal mis à l’épreuve d’une réalité qu’ils entendent changer par leur enthousiasme, et c’est dans le monde qu’ils recherchent cet idéal. Leur imaginaire leur affiche une réalité qu’ils espèrent modéliser dans le monde physique. Ils se projettent donc un monde dans lequel leur aspiration va pouvoir s’incarner et leurs rêves se concrétiser. C’est alors que le constat implacable d’un monde ayant perdu sa boussole les angoisse et les pousse à trouver une réalité tangible dans laquelle ils vont pouvoir s’ancrer et qui ne les décevra pas. Ils
veulent mettre leur confiance dans ce qui apparait à leurs yeux comme un support fiable, une structure présentant des valeurs intangibles et immuables : l’armée.
Nous le voyons aussi avec les questions d’écologie qui occupent la première place parmi les préoccupations des jeunes et qui corroborent cette quête de sens (75% des jeunes estiment que les enjeux environnementaux affectent de façon importante leur capacité à se projeter dans l’avenir – sondage OpinonWay).
Que représente l’armée pour les jeunes ?
Par ailleurs, le corps militaire présente des vertus valeureuses comme la défense de ses proches, la protection de son prochain, la sécurité de son semblable et de son compatriote devant le drapeau Bleu, Blanc, Rouge et en dessous duquel nous sommes tous égaux.
En outre, l’armée réveille chez ces jeunes, une certaine ferveur, une foi dans la promesse que ces hommes et femmes ne sont pas uniquement prêts à se sacrifier pour les français mais bien plus encore, au retentissement de la sirène militaire tous « iront » se sacrifier pour chaque français.
Ils ont confiance en l’armée parce que l’armée ne ment pas.
A la différence, leur relation avec les institutions et les représentants de l’Etat est mauvaise. Les statistiques sur l’état de leur confiance dans les pouvoirs publiques présentés plus haut le démontrent et les résultats aux élections présidentielles et législatives l’entérine fatalement. En 2022, la moitié des 18-24 ans (41%) et des 25-34 ans (38%) ne sont pas allés voter au second tour de l’élection présidentielle…
Pourquoi les jeunes boudent-ils nos institutions ?
Nos jeunes ne croient plus en la politique nationale et en ceux qui doivent l’incarner ce qui est compréhensible car la liste des dysfonctionnements est longue :
- Nos étudiants se paupérisent (70% des étudiants déclarent rencontrer des difficultés financières significatives),
- Notre dette est colossale (3 303 milliards d’euros), la population vieillit et le système des retraites parait être un problème insoluble,
- Parcoursup a plongé des milliers de lycéens dans l’angoisse,
- 20% des moins de 25 ans sont au chômage,
- Les classes moyennes et nos terroirs s’appauvrissent au point que les Gilets jaunes se sont soulevés,
- L’insécurité préoccupe 87% des Français qui veulent en faire une priorité,
- Il y a 5 millions d’immigrés illégaux sur le territoire national
- Le Président de la République dissout l’Assemblée nationale sans raison logique,
- L’action du gouvernement fonctionne mal du fait d’une Assemblée Nationale sans majorité,
- Ce même gouvernement (Barnier) est renversé par des députés qui s’écharpent sans jamais comprendre les récents votes des Français afin de trouver la voie d’un consensus transpartisan…
- Le gouvernement actuel (Bayrou) vit avec une épée Damoclès au-dessus de sa tête qui symbolise la menace constante d’un renversement,
- Les jeunes français de 18-24% – qui s’étaient particulièrement mobilisés à voter aux élections législatives de 2024 – sont 54% à vouloir quitter la
Tous les points évoqués ci-dessus posent un constat préoccupant nous conduisant légitimement à se poser des questions : comment la jeunesse peut-elle avoir encore confiance dans les pouvoirs publics de notre pays ? Comment peut-elle croire aux promesses des responsables politiques ?
Ǫuand la classe politique ne tient pas sa promesse c’est la Promesse Républicaine qu’elle dévoie. Et là que se trouve le problème, la jeunesse française se sent fourbée par la promesse républicaine, une promesse non tenue par une classe politique qui au contraire de l’accomplir se retrouve à la trahir. Elle parle beaucoup en agissant peu, elle incante les idéaux républicains sans les incarner, elle fait appel au passé illustre de la France mais sans donner confiance en l’avenir. C’est là que se trouve la dichotomie entre le rapport que notre jeunesse entretient entre l’armée d’une part et les institutions françaises d’autre part.
Ces constats accablants sont autant de fractures qui touchent le pays et qui augmentent sa morcélisation et son archipélisation. La fracture entre la politique nationale et la population est particulièrement exacerbée chez les jeunes et elle ne présage rien de réjouissant quand on pense que demain cette jeunesse aura 40, 50 ou 60 ans… Dans quel état psychologique sera-t-elle et qu’elle sera son lien d’affection avec la Nation?
Deux choses me paraissent alarmantes. La première c’est l’état psychologique de la jeunesse qui s’est empiré depuis la Covid 19. Ǫuatre étudiants sur dix (41%) présentaient des symptômes dépressifs en 2023, contre 26% avant la crise sanitaire (étude de l’université de Bordeaux). La deuxième c’est la réponse politique qui se noie dans une crise du parlementarisme et qui ne parvient pas à trouver la lucidité nécessaire pour pousser un cri de ralliement au-dessus de toutes les dissonances de l’hémicycle du palais Bourbon afin de tracer une voie salutaire à tous.
La connaissance empirique de la jeunesse, comme groupe sociale, basée sur des décennies d’analyse sociologiques nous montre par exemple qu’une fracture politique- population non traitée peut atteindre un paroxysme latent et dissimulé qui explose en même temps qu’il se révèle et face auquel le feu est si fort qu’on ne peut l’éteindre qu’après qu’il est ait commis des dégâts irréversibles. Comme lors des émeutes de mai 68 qui ont profondément modifiées la société pour imposer une France moins morale et aux mœurs moins normées. Ce qui doit nous amener à réaliser la diligente nécessité de renouer avec la jeunesse française. Et pour ce faire la règle cardinale devrait être : « la confiance et l’exigence »
L’adage dit que « le respect se gagne » mais je pense que la confiance aussi ! Nous devons regagner la confiance des jeunes. Or, cela nous enjoint à les inspirer, à leur léguer un bel avenir et les moyens de réussir leur vie. Nous devons aussi les faire aimer la France afin qu’ils ne la quittent pas mais qu’ils la portent dans leur cœur et sur leurs épaules. La jeunesse doit intégrer les valeurs françaises et nos valeurs doivent intégrer la jeunesse. Il s’agit de faire d’eux des patriotes afin qu’en retour ils fassent la grandeur de la Nation.
De plus, la citoyenneté se rapporte à la notion de statu qui confère des droits et donne des devoirs. Des droits, comme le fait de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales, de pouvoir voter, de se porter candidat à une élection dès qu’on est majeur ou à postuler à un emploi public. Mais ce sont aussi des devoirs, comme d’être juré ou de faire le service national universel, et par-dessus tout de respecter la République et d’aimer la France.
Nous devons leur transmettre les vertus de la citoyenneté française qui sont la confiance dans leurs droits et l’exigence d’accomplir leurs devoirs. C’est ce que le SNU tentait de transmettre aux jeunes certes avec un succès relatif et des contraintes budgétaires mais cela allait dans un sens clair et défini celui de créer de la cohésion entre jeunes de toute catégorie sociale et de renforcer leur sentiment d’appartenance à la Nation. Sa suppression est à ce titre une aberration !
Pour retisser le lien avec la police :
- Rétablir un dispositif équivalent au SNU et le rendre obligatoires ainsi que le Service Civique avec certains
- Créer plus d’interaction avec les forces de l’ordre.
- Commémorer les attentats de janvier 2015 et de novembre 2015 par une minute de silence à l’école primaire, dans les collèges, les lycées et dans les universités, en mettant un accent sur la défense de la population par les forces de l’ordre.
- Remettre l’uniforme à l’école, de la maternelle au lycée.
- Augmenter le nombre de
- Intégrer la police dans les programmes de prévention de la délinquance.
- Etendre les compétences de la police municipale pour en faire une police de proximité.
Les jeunes s’identifient à d’autres jeunes. C’est un phénomène naturel à ne jamais négliger, il faut le comprendre et agir en conséquence. D’après un sondage CSA, à l’issue des élections législatives de 2024, Jordan Bardella se positionnait en tête des préférences avec 16% des votes et Gabriel Attal, Premier ministre sortant, le talonnait avec 14% des voix. Pour ce qui est du scrutin, 41% des électeurs âgés de 18 à 24 ans ont voté pour le Nouveau Front Populaire qui avait visé une partie importante de la jeunesse sensible au discours sur le climat, au discours sur le conflit Israel-Hamas à Gaza ou sur la jeunesse issue des quartiers populaires et difficiles. Mais à l’inverse, 23% ont préféré le Rassemblement national (RN) et ses alliés. Preuve en est que mettre en avant des profils de jeunes a un impact positif pour les partis politique se traduisant quasi instantanément par une stimulation de la jeunesse au travers des médias et par sa mobilisation dans les urnes.
Pour retisser le lien avec les politiques (partis politiques et le gouvernement) :
- Mettre en place une communication qui crée de la proximité avec la jeunesse,
- Avoir un discours sur les sujets qui préoccupent la jeunesse,
- Créer des programmes politiques ou des mesures pour la jeunesse mais développer avec la collaboration de collèges de jeunes qualifiés, à tous les échelons de l’Etat (gouvernement, parlement, collectivités locales…)
- Donner des responsabilités politiques/partisanes à des profils d’hommes et de femmes politiques jeunes,
- Mettre en avant des jeunes talents dans les médias,
- Les Elus « plus âgés » doivent avoir régulièrement des moments d’échanges à bâton rompu avec les jeunes au sein d’association, dans les écoles primaires, collèges, lycées et universités. Et être obligatoirement accompagnés de jeunes Elus afin que les jeunes les identifient et échanges avec
En conclusion
Faire le constat de l’échec de la mission patriotique de nos pouvoirs publics pour notre jeunesse ne nous résout pas pour autant à un renoncement. Au contraire cela oblige à agir. Nous ne sommes soumis ni à l’échec ni à la fatalité.
Pour que l’on soit clair il ne s’agit pas de tout donner aux jeunes mais plutôt de les comprendre, d’identifier leurs difficultés, de se mettre à leur place, d’œuvrer pour leur présent et leur avenir, et surtout de le faire avec eux.
Il s’agit aussi de les mettre dans un cadre collaboratif et exigeant, d’orienter vers une direction salutaire basée sur l’expérience bienveillante des ainés et sur la maitrise des appareils de l’Etat de nos pouvoirs publics. Nous voyons bien l’intérêt que les jeunes ont pour l’environnement militaire ce qui démontre qu’ils ne sont pas réfractaires à l’autorité et à la hiérarchie. Car ils savent communément que l’armée par sa nature impose un cadre exigeant que les jeunes vont pourtant apprécier et considérer comme un créateur de confiance. Nous devons transposer un cadre d’exigence dans les secteurs de l’Etat qui crée de l’interaction avec la jeunesse d’une part. Et d’autre part intégrer dans nos process une culture de la collaboration avec les jeunes. L’autorité n’exclue pas l’écoute et le respect des idées. Afin que notre jeunesse soit aussi épanouie que responsable, aussi sensible à l’autorité que partenaire de l’autorité, aussi soucieuse de son bien être que de l’intérêt général.
Nous, qui constituons un collège de personnes engagés ou en responsabilité politique, devons nous assurer de la transmission des valeurs structurantes d’une nation française qui n’oublie pas son histoire, mais qui vit sa tradition culturelle et spirituelle de façon intemporelle. Afin de sortir la jeunesse de sa crise de détresse existentielle et de sa perte de sens. En lui donnant notamment de l’espérance et la sécurité d’un cadre d’exigence et d’autorité, tout en lui inspirant l’assurance et la confiance en un bel avenir légué en responsabilité.
Rudy KAZI,
Elu local, citoyen engagé et patriote.