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11H34 - mardi 23 avril 2024

Réarmer les démocraties – Tribune d’Alexandre Mancino

 

L’accélération des mutations géopolitiques internationales oblige l’Occident à défendre son modèle en le consolidant et en l’arrimant solidement. La compétition désinhibée, au-delà du domaine militaire et diplomatique, se manifeste dans les champs économique, culturel et informationnel, ce qui affecte la vie politique et les mécanismes démocratiques de sélection des détenteurs du pouvoir. Le modèle de société concurrent repose sur l’autoritarisme, le nationalisme agressif et la volonté de soumettre l’individu. Face à ces enjeux cruciaux, il importe de réarmer les démocraties pour que la défense du monde libre ne soit pas un vain mot.

Les démocraties sont attaquées et doivent être soutenues

Ukraine, 24 février 2022. Le président russe vient d’annoncer, au terme d’un discours où il proclame l’indissociabilité historique de l’Ukraine et de la Russie, qu’il entendait soumettre l’Ukraine par les armes et par le sang.

Moscou veut faire payer au peuple ukrainien d’avoir désigné des représentants élus agissant dans le sens d’un rapprochement avec l’Europe et le monde occidental. Au-delà de la considération géopolitique selon laquelle ce rapprochement menacerait la sécurité de la Russie, c’est la liberté du peuple ukrainien et son désir de vivre en démocratie que Vladimir Poutine souhaite annihiler depuis 2014. D’abord, avec l’annexion de la Crimée faisant suite à une invasion de soldats anonymes, sans drapeau, empêchant la venue au Parlement régional des députés de Crimée défavorables au vote de la déclaration d’indépendance, préalable à l’annexion par Moscou. Ensuite, par le soutien aux milices dans les régions de Donetsk et Lougansk qui contrôlèrent une grande partie de ces régions.

Réarmer les démocraties sur le plan civique

Les ambitions russes sont précédées de campagnes informationnelles d’amplification artificielle de contenus sur les réseaux sociaux, faites pour justifier les atteintes à la souveraineté des Etats démocratiques. Quelques jours après le début de l’invasion russe de février 2022, on a ainsi vu fleurir un deepfake du président ukrainien Volodymyr Zelenski où celui-ci invitait ses soldats à déposer les armes pour ne pas risquer leur vie. Le montage grossier a été aisément repéré, mais qu’en sera-t-il lorsque les progrès technologiques ne permettront plus de déceler le vrai du faux en pareilles circonstances ?

Les atteintes faites par la Russie aux démocraties sont répandues aussi dans les pays qui soutiennent l’Ukraine. Début février, l’ancien président russe Dmitri Medvedev a déclaré vouloir assumer d’aider ouvertement et secrètement l’ensemble des partis qui seraient favorables à la Russie, démontrant par la même occasion tout son mépris de la liberté du débat démocratique. Les ingérences ne prennent donc pas seulement la forme de campagnes de démoralisation des troupes mais aussi de dévitalisation civique pour faire vivre la démocratie. C’est ainsi que la France a présenté, le 12 février, ses investigations portant sur le réseau « Portal Kombat », « constitué d’au moins 193 sites » amplifiant artificiellement de fausses informations produites par des acteurs ouvertement favorables à la politique extérieure russe afin de promouvoir l’agression russe contre l’Ukraine et de décrédibiliser les dirigeants ukrainiens.

Par ailleurs, il a été déterminé que les tags d’étoiles de David, repérés dans plusieurs grandes villes françaises au lendemain du déclenchement par l’organisation terroriste du Hamas de la guerre contre Israël, avaient été commanditées pour le compte des services de sécurité extérieurs de la Fédération de Russie. Ces méthodes qui visent à affaiblir la démocratie en minant la cohésion des Nations et en interférant avec les processus électoraux montrent qu’il est temps de sensibiliser largement la population au danger que représentent de telles menaces.

Réarmer les démocraties sur le plan militaire

Pour autant, c’est sur le plan militaire que le combat s’annonce le plus tendu. Le soutien apporté par les pays membres de l’OTAN depuis le 24 février 2022 a certes permis à l’Ukraine de résister et d’être la tête de pont avancée des démocraties qui luttent contre l’autoritarisme.

Cependant, le président américain Joe Biden rencontre des difficultés pour faire adopter des mesures d’aides et de fourniture de matériels de guerre du fait de l’hostilité grandissante de la Chambre des représentants dominée par le parti Républicain. Sa figure de proue, Donald Trump, qui vise l’élection présidentielle de la fin de l’année, n’a pas craint d’affirmer qu’il abandonnerait la garantie de sécurité offerte par les Etats-Unis aux membres de l’OTAN s’il était réélu. Si les pays européens membre de l’Alliance ne disposent plus de cette garantie, alors l’Ukraine qui résiste à la Russie devant les démocraties européennes sera la première affectée.

Le défi que pose l’éventualité de ce boulevard ouvert à Vladimir Poutine pèse d’abord sur les démocraties européennes. Devant l’agressivité et l’imprévisibilité russes, ce sont les forces de l’OTAN stationnées pour réassurance dans les Pays Baltes et en Roumanie, ainsi que la Finlande et la Suède qui seront touchées. L’intensification actuelle des partenariats de défense répond en partie à ce défi.

La Russie a compris que la faiblesse des démocraties était le souci de la volonté populaire et des élections. C’est la raison pour laquelle la cohésion nationale et la sincérité des élections sont attaquées par elle. La force qui doit lui être opposée est la solidité des décisions parées de la légitimité démocratique. Afficher fermeté et résolution alimente le mécanisme consistant à prendre constamment conscience de la valeur de ce que l’on défend.

Par Alexandre MANCINO, Président du Cercle Orion & Avocat