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12H44 - mardi 29 novembre 2022

Pénurie d’emplois et travail handicapé : l’angle mort des politiques publiques. Tribune de Patrick Quinteiro

 

Début octobre 2022, le ministre du travail Olivier Dussopt annonçait un nouveau plan pour « agir sur tous les fronts » contre les tensions de recrutement. Tous les fronts… sauf celui de l’employabilité des personnes en situation de handicap qui pourtant ne demandent qu’à être accompagnées, formées et nécessairement à travailler. Le ministre nous expliquait que ce nouveau plan passera par la création de « viviers de demandeurs d’emploi » mais ne faisait toujours pas mention de la situation de toutes ces personnes handicapées prêtes et volontaires à travailler…

D’importantes pénuries de main-d’œuvre sont l’une des conséquences indirectes de la pandémie de covid-19 : entre mutations, abandons de poste, chômage partiel, covid long et choix personnels… des dizaines de  milliers d’employés n’ont jamais repris leur poste d’avant le covid-19.

Malgré la relance de l’activité, les réouvertures des secteurs hôtellerie-restaurants, les besoins des entreprises en termes de recrutement sont colossaux. Entre février 2020 et février 2021, le secteur de la restauration a subi une véritable perte en termes de main-d’œuvre avec 237.000 employés ayant quitté ce secteur selon Emmanuel Achard, le représentant patronal de restaurateurs indépendants (GNI).

Et pourtant, l’exemple des « Cafés Joyeux » ouverts à Paris est particulièrement inspirant. Les Cafés Joyeux emploient uniquement des personnes autistes ou atteintes de trisomie dans leurs bistros solidaires. Le pari du Café Joyeux c’est d’insérer des personnes handicapées dans le milieu ordinaire du travail.

 

Les personnes en situation de handicap : les grands oubliés des politiques publiques…

Parallèlement, on constate que de nombreux salariés en situation de handicap, en constante demande de travail, sont les grands oubliés voire négligés par les politiques publiques. Alors même que ces personnes connaissent un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale.

Les employeurs sont souvent frileux à embaucher des personnes en situation de handicap, la plupart du temps parce qu’ils pensent, à tort, qu’ils sont soumis à des règles et législations différentes que les personnes valides notamment dans le management quotidien ou bien à l’occasion d’un licenciement.

Pour pallier à ce manque de main-d’œuvre tout en promouvant l’employabilité des personnes en situation de handicap, des agences d’intérim se créent pour accompagner et nouer des liens entre les entreprises et les personnes en situation de handicap. C’est la mission que se donne l’agence Handi-Cap Service en accompagnant, formant et conseillant des salariés en situation de handicap, vers leurs missions intérimaires.

Heureusement, de nombreuses initiatives locales permettent aux personnes en situation de handicap d’avoir accès plus facilement au monde du travail. La chambre économique de Sète et du Bassin de Thau a lancé le réseau Handi’Thau avec pour objectif de sensibiliser, faciliter et pérenniser l’embauche des travailleurs en situation de handicap en collaboration avec les sociétés régionales.

Autre exemple, l’entreprise adaptée AP’Y (installée à Croissy dans les Hauts-de Seine), emploie exclusivement depuis sa création en 1976, des personnes en situation de handicap. La spécificité est que l’entreprise ne se contente pas d’employer des personnes en situation de handicap mais bien de les former et de les accompagner afin qu’elles puissent retrouver, par la suite, un emploi en milieu ordinaire. Ici, les salariés sont en « parcours » pour se réinsérer dans le monde du travail après des difficultés liées à leur handicap physique ou mental. La priorité de l’entreprise AP’Y est sa mission d’inclusion et de promotion sociale. Plusieurs grandes entreprises et administrations publiques font confiance à AP’Y et les résultats sont au rendez-vous.

Les personnes handicapées se retrouvent trop souvent « cornérisées » ou face à un mur dans leur recherche d’emplois, face à des employeurs réticents ou inquiets à les embaucher.

En mars dernier, dans le cadre de la présidence française de l’Europe, s’est tenue une conférence ministérielle qui a réuni 27 ministres du handicap pour une journée d’échange. L’accès à l’éducation mais également à l’emploi a notamment été au cœur des débats de cette journée. Mais une seule journée pour en discuter est-elle suffisante ? Est-ce que la presse a suffisamment couvert cette journée ? Il semble important que l’employabilité des personnes en situation de handicap soit au centre du débat et non seulement le temps d’une journée qui passe plus pour un « hommage », qu’une initiative tangible.

La France aurait tout à gagner à prendre l’exemple de ses voisins. En effet, Le Royaume-Uni a lancé l’été dernier une stratégie nationale sur le handicap. L’accès au travail est la pierre angulaire du programme qui vise à aider toute personne en situation de handicap à obtenir un emploi et surtout à le conserver ! Des subventions ont été mises en place notamment pour aider à financer l’adaptation des véhicules ou pour régler les frais de taxi. Parallèlement le programme « Disability Confident » assiste les employeurs, en leur fournissant des conseils et un soutien pour recruter puis aider les personnes en situation de handicap à s’épanouir au sein de l’entreprise.

 

Patrick Quinteiro

Entrepreneur et animateur de deux entreprises adaptées, promeut et anime au quotidien l’inclusion effective des personnes en situation de handicap