Edito
05H15 - samedi 3 septembre 2022

Gorbatchev aujourd’hui. L’édito de Michel Taube

 

Le tyran qui renonce à la violence chutera tôt ou tard et son régime avec lui. Et Mikhaïl Gorbatchev ne voulut pas être un tyran !

Mieux que la lecture du grand livre « De la tyrannie » de Léo Strauss, la vie de Mikhaïl Gorbatchev illustre ce grand principe de philosophie politique. L’ancien maître du Kremlin, l’ancien patron du parti communiste soviétique misa sur une libéralisation du régime soviétique dès son accession au pouvoir en 1985. En renonçant en 1989 à la manière forte, bref à envoyer les chars, face aux velléités d’indépendance les Républiques satellites et sœurs d’Europe de l’Est, il sonna le glas d’un empire que l’on sachait fragile mais que nul n’imaginait si friable.

Mikhaïl Gorbatchev fut un libéral au pays des Soviets, ce qui en fit à la fois un héros moderne en Occident et le fossoyeur de l’empire et de la fierté russes à Moscou. Ce n’est donc pas pour rien que Vladimir Poutine n’assiste pas aux obsèques de Mikhaïl Gorbatchev car Staline est plus son modèle qu’au fond un Gorbatchev considéré comme un un naïf, un faible.

Les Russes détestèrent aussi Gorbatchev parce qu’il s’attaqua, on l’oublie trop souvent et ce n’est pas anecdotique, à l’alcoolisme qui gangrénait la société russe (mais dont les taxes enrichissaient l’Etat) en imposant, dès son accès au pouvoir, des tickets de rationnement et des campagnes de publicité appelant à la sobriété.

Gorbatchev qui avait une péninsule gravée sur son crâne était un idéaliste. Le jour où il renonça à la violence que la tyrannie de son régime lui conférait pourtant, Gorbatchev entra dans l’histoire et changea le destin du monde.

Que l’Occident fit de Gorbartchev, de façon un peu trop téléologique, un héros moderne (Ronald Reagan ne le fut-il pas aussi  en entraînant l’URSS dans son piège ?), alors qu’il ne visa, au départ, qu’à sauver le système soviétique, communiste, marxiste-léniniste dont il fut un pur produit, peu importe.

Notre grande crainte est que Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un et quelques autres adeptes de régimes forts (le mot est faible) n’aient retenu la même leçon de ces années Gorbatchev.

Heureusement l’histoire nous enseigne aussi, comme l’écrivit Jean-Jacques Rousseau dans le chapitre 3 du Livre 1 du Contrat social, que le même tyran finit toujours par tomber sur plus fort que lui et que la loi du plus fort finit toujours par faire vaciller les régimes autoritaires. Et c’est, nous en sommes profondément convaincus, ce qui va arriver tôt ou tard aux régimes qui oppressent les peuples russe et chinois.

 

Michel Taube

Directeur de la publication