Elysée 2022
15H27 - mercredi 20 avril 2022

Travail et emploi : les vieux démons du programme national – populiste. Tribune d’Alexandre Lamy

 

L’analyse selon les catégories socio-professionnelles du scrutin du 1er tour de l’élection présidentielle montre que le vote ouvrier est le point fort de l’extrême droite avec 42%. La progression est également forte chez les classes moyennes, avec 31% du vote « employés ».

Pourtant, le programme national – populiste porté par le Rassemblement National est contraire aux principes et droits fondamentaux au travail.

 

Parmi les quatre principes et droits fondamentaux au travail dégagés par l’OIT dans sa déclaration de 1998, l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession, et le droit de négociation collective sont piétinés par les percées du Rassemblement National, plus que jamais au front.

D’abord son appel à la « révolution référendaire », populiste, inconstitutionnel, devant se traduire par des consultations populaires sur tous les sujets, conduit à couvrir la voix des corps intermédiaires, fatiguée certes, pour les réduire au silence.

Entendant l’essoufflement de la démocratie participative, le Rassemblement National s’accroche au mouvement contemporain de « désinstitutionalisation », porté par un individualisme niant la légitimité des institutions, pour écarter les corps intermédiaires.

Sous couvert d’élan collectif, c’est en réalité l’expression et l’adjonction d’intérêts particuliers et individuels qui prévalent.

Se faisant le héraut d’une prétendue oligarchie qui s’arrogerait le droit de décider au nom du peuple, le Rassemblement National étouffe tant l’expression collective des salariés pour la prise en compte de leurs intérêts, de leurs réclamations individuelles ou collectives, que celle des revendications notamment via la négociation collective.

Les corps intermédiaires du travail n’ont ainsi aucune place dans le programme du Rassemblement National.

Rien de très étonnant dès lors que l’extrême droite et le syndicalisme sont antinomiques.

La Cour de cassation l’a rappelé dans un grand arrêt de principe du 10 avril 1998, considérant qu’un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite.

Dans cette affaire, le syndicat concerné n’était en réalité que l’instrument du Front National dont il servait exclusivement les intérêts et les objectifs en prônant des distinctions fondées sur la race, la couleur, l’ascendance et l’origine nationale ou ethnique.

Et pour cause, le syndicat porte les valeurs républicaines, c’est une des conditions posées par la loi pour sa représentativité, aux côtés de son ancienneté, son audience, son influence, ses effectifs, ses cotisations, et enfin sa transparence financière et son indépendance, deux derniers critères qui posent du reste également question s’agissant du Rassemblement National.

Le principe de non-discrimination, ainsi pris en compte pour constater l’opposition des valeurs du Front National aux valeurs républicaines du syndicalisme représentatif, est le second principe fondamental du travail foulé aux pieds par les bottes du Rassemblement National, sous l’étendard de la « préférence nationale » rebaptisée « priorité nationale ».

Le principe de non-discrimination est porté par un grand nombre de textes fondamentaux, internationaux, européens et nationaux.

Selon le préambule de la Constitution de 1946, repris par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».

La convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 pose le principe de l’interdiction de toute discrimination.

L’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit toute discrimination en raison de la nationalité, alors que l’article 10 rappelle que l’Union cherche à combattre toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions.

Rappelons que la non-discrimination est l’expression d’un principe plus fondamental encore, celui de l’égalité.

Or, dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne, le principe d’égalité est un principe structurel, constitutif de l’ordre juridique de l’Union, ce faisant érigé en « principe fondamental » et consacré en « droit constitutionnel ».

Ainsi, selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, l’égalité fonde un « statut de citoyen ».

Voilà d’ailleurs, si besoin est, et il semble que le besoin se fait aujourd’hui ardemment sentir, une manifestation supplémentaire du reniement européen du programme d’extrême droite, conduisant à remettre en cause la stabilité politique et la paix portées par la construction européenne.

Le programme du Rassemblement National n’est donc pas celui du travail, dont il vient violer ses principes fondamentaux, et, ce faisant, piétiner ceux qui fondent l’état de droit et nos principes républicains.

 

Alexandre Lamy

Avocat Associé / Partner chez Arsis et fondateur de Neos

 

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Je m’inscris Mardi 26 avril à 19h sur Zoom : bilan de l’élection présidentielle /Débat Solutions pour la France « Faut-il créer un McKinsey public au sein de l’Etat ? » avec Patrick Pilcer, Philippe Latombe et des décideurs engagés au coeur de l’actualité.

 

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