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09H17 - samedi 19 mars 2022

Le casse de Londres du CIO et du fisc français

 

En 2020, Opinion Internationale s’était fait l’écho des déboires d’une entreprise française et de son dirigeant avec les instances olympiques internationales, en particulier l’ACNOA (Association des Comités Nationaux Olympiques Africains). L’affaire remonte à la préparation des JO de Londres en 2012. La société française Pixcom fut chargée par l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (ACNOA), agissant sous l’égide du Comité international olympique (CIO), de monter le premier Village africain aux Jeux olympiques de Londres, en 2012. Le Village africain fut bien réalisé, mais la facture de 1,4 million d’euros jamais payée. Alain Barbier, patron de Pixcom, était alors confiant dans le rétablissement de l’équité, une valeur on ne peut plus olympique, et du soutien dans son légitime combat des autorités sportives des pouvoirs publics français dans la perspective des JO de 2024, qui se tiendront à Paris. Alors que les effets de cet impayé prenaient une dimension dramatique, Il espérait notamment qu’Anne Hidalgo intervienne auprès du CIO pour que la dette de sa filiale africaine soit honorée. Mais la mairie de Paris ignora superbement sa requête.

Outre Opinion Internationale, Médiapart et le Monde Afrique s’étaient également émus du mépris de l’ACNOA et du CIO pour son prestataire, et de l’indifférence totale dans laquelle cette institution pouvait le ruiner en décidant de ne pas honorer sa dette, sans aucune justification.

On aurait pu raisonnablement s’attendre à ce qu’outre la Mairie de Paris, les instances sportives et le ministère des Sports interviennent auprès de l’ACNOA et du CIO pour que cette injustice relatée dans l’article d’Opinion Internationale soit réparée. Non seulement il n’en a rien été (pour le moment), mais la situation a pris une dimension ubuesque, dont on ne sait si elle tient de l’aberration administrative (Emmanuel Macron n’avait-il pas promis la bienveillance de l’administration, notamment fiscale, dans sa campagne de 2017, dès lors que l’administré n’avait commis en toute bonne fois qu’une erreur réparable ?) ou du souci de caresser dans le sens du poil les instances olympiques internationales.

Car effectivement, la société Pixcom et son dirigeant Alain Barbier se sont vus redressés en 2013 à la suite d’un contrôle fiscal, pour incapacité à produire une comptabilité probante du fait de la déconfiture de la société après cet impayé qui lui fut fatal. Sur le principe, cela n’a a priori rien d’anormal ni de choquant, et le lecteur pourrait penser que tout contribuable redressé a vocation à s’en plaindre. Sauf que dans l’intervalle, la comptabilité du créancier de l’ACNOA a pu être reconstituée, et la démonstration être faite, documents du CIO à l’appui, que cette créance n’a jamais été réglé, ce que refuse d’entendre l’administration fiscale.

Mais le train infernal était lancé : malgré l’évidence, malgré l’intervention de plusieurs députés qui n’ont fait que relayer cette évidence, l’administration campe sur ses positions, forte de l’échec du requérant devant le juge administratif. Et pour cause, la preuve de bonne foi ne put qu’être rapportée après épuisement des voies de recours. Mais cela n’interdit pas une reconnaissance a posteriori de cette injustice par les pouvoirs publics. Alain Barbier subit plus qu’une double peine : ruiné suite à l’impayé de la branche africaine du CIO et subissant des saisies en cascade, le voilà broyé impitoyablement par une administration fiscale qui n’a fait montre, non pas d’une quelconque bienveillance à l’égard d’un fraudeur ou même d’un débiteur, mais d’une capacité à admettre que ce redressement s’appuyait sur une prétendue créance inexistante : cette somme de 1,4 million n’a jamais été payée l’ACNOA. Elle ne pouvait donc donner lieu à impôt. En désespoir de cause, Alain Barbier a écrit au Président de la République, justificatifs à l’appui, pour lui demander de mettre fin à ce qui est pour lui et sa famille un véritable cauchemar.

Au-delà du cas d’Alain Barbier, un de ces patrons de PME dynamique, dont la France a le plus grand besoin, il est également déplorable qu’au sein du Comité d’organisation des JO de Paris, personne n’ait voulu se saisir de cette profonde injustice. Les valeurs de l’olympisme, notamment l’équité et l’exemplarité, devraient être portées aux nues par ceux qui préparent Paris 2024.

Alain Barbier nous a confié qu’il est déterminé à se battre sans relâche pour que vérité et équité soient rétablies. Grand amoureux du sport, de l’olympisme et de l’Afrique, il ne peut se résigner à ce qu’au sein du CIO, certains puissent ainsi piétiner les valeurs qu’ils prétendent incarner, tout comme il ne peut accepter que l’administration reste obstinément sourde et aveugle à ses cris de désespoir.

A un peu plus de deux ans de l’ouverture du plus grand événement sportif que la France ait jamais organisé, Alain Barbier a symboliquement envoyé la balle à Emmanuel Macron, craignant qu’il n’y ait plus rien à attendre du CIO et des instances qui en dépendent.

L’ACNOA et donc le CIO peuvent encore honorer leur dette si la France se réveille et défend les intérêts de son concitoyen.

 

Michel Taube

Directeur de la publication