Actualité
10H57 - mercredi 2 mars 2022

Philippe Benassaya, député : Plan Prison du gouvernement Macron, l’heure du bilan !

 

Pour beaucoup de nos compatriotes, la prison c’est d’abord des murs, et derrière ces murs, l’inconnu, un monde qui fait peur. Il s’agit en l’espèce non pas d’incriminer l’administration pénitentiaire, mais plutôt d’examiner sans complaisance notre politique pénitentiaire.

Cet examen est urgent : la surpopulation carcérale qui ne baisse pas, la radicalisation croissante, le taux de suicide endémique (120 en 2020 soit 1 suicide à peu près tous les 3 jours), les faibles moyens dévolus au secteur médical, une employabilité des détenus en baisse, le manque de considération d’un personnel pénitentiaire qui effectue un travail pas toujours reconnu, ou l’implication encore parcellaire des élus locaux dans les projets de construction de nouvelles prisons, apparaissent comme autant de signaux révélateurs d’une situation tendue. Il est essentiel aujourd’hui de jeter un regard lucide sur l’état et l’avenir de nos prisons dans l’hexagone et en outre-mer.

Faisons donc parler les chiffres pour mieux comprendre.

Il y a en France près de 190 établissements pénitentiaires dont plus de 80 maisons d’arrêt qui débordent. Citons, la Maison d’arrêt de Tours, dont la surpopulation dépasse les 200 %.

69 000 détenus en France aujourd’hui pour un peu plus de 60 000 places, dont 1600 matelas au sol dans des cellules de 9 m2 : un bond de 140 % en un an ! On estime le nombre de détenus à 80 000 en 2027 dont plus de 1000 détenus radicalisés.

Une politique d’insertion professionnelle en chute libre. 11 % des détenus sont en situation d’illettrisme et 65 % des détenus étaient sans emploi avant d’être incarcérés.

Alors certes, des efforts ont été fournis ces dernières années, dans la rénovation bâtimentaire et dans la création de structures telles que les SAS, les Services d’accompagnement vers la sortie. Mais le compte n’y est pas !

 

Dans beaucoup de domaines, la prison accumule retards et dysfonctionnements

La question centrale de la surpopulation carcérale. C’est le nœud du problème, celui qui freine toute politique crédible et concrète, qui parasite la réponse pénale. La surpopulation carcérale est un vieux serpent de mer idéologique. Robert Badinter avait dit en son temps : « Je ne serai pas le Vauban de la pénitentiaire » et Christiane Taubira, en 2012, avait annulé le plan de construction de 24 000 nouvelles places lancées par la droite lorsqu’elle était aux responsabilités.

 

Nous payons encore ce parti pris idéologique.

Le candidat Macron en 2017, dans son programme avait promis la création de 15 000 places de prison dans ce quinquennat. Et bien cette promesse n’a pas été respectée.

Sur les chiffres, soyons clairs : sur les 15 000 places promises, seules 1950 places opérationnelles ont été créées. On nous annonce 7000 places de chantier lancées, en fait ce sont 5000 places, les 2000 restantes sont un reliquat du Gouvernement Hollande. Vous ajoutez à cela, les 8000 places en chantier annoncées entre 2022 et 2027 pour arriver péniblement aux 15 000 places promises. Oui mais en 10 ans, pas en 5 ans comme promis. Grosse différence.


La surpopulation carcérale aurait dû être la préoccupation majeure de ce gouvernement

Côté Républicain, nous proposons de créer 20 000 places de prisons à horizon 2030 en concertation avec les élus locaux. Et, pour rattraper au plus vite le temps perdu, transformer d’anciennes casernes ou bâtiments désaffectés en centre de détention pour primo-condamnés ou courtes peines.

Cette surpopulation anxiogène entraîne une conséquence majeure :

–         la question de l’encellulement individuel. Certes, je le reconnais ce principe est difficile à respecter. Mais peut-on se contenter d’un taux de 44 % d’encellulement individuel ? Bref, la création de 1950 places opérationnelles est dérisoire si on veut améliorer la réponse pénale, rénover les conditions de détention et les conditions de travail des agents.

Justement évoquons la situation des agents, le gouvernement Macron avait promis de revaloriser le métier de surveillant, notamment les indices de rémunération des surveillants pénitentiaires. A la bonne heure !

Mais qui aujourd’hui a envie de devenir surveillant pénitentiaire ? Qui a envie d’évoluer dans un univers de plus en plus violent ? Je rappelle que plus de 4000 agressions physiques contre des agents ont été recensées ces dernières années. Les agents, trop longtemps « scotchés » catégorie C, souffrent et dénoncent régulièrement le manque de reconnaissance de leur métier : qui s’en émeut ?

Dans ma ville de Bois d’Arcy, dont j’ai été maire, certains jeunes agents dorment dans leur voiture faute de pouvoir accéder facilement à un logement. Qui s’en émeut ? J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi, pour faciliter l’accès des agents au logement social sur le contingent préfectoral. Ne les oublions pas. Ils font un métier difficile et courageux.

La question de la radicalité et du renseignement pénitentiaire. Ces agents sont les parents pauvres du renseignement. Ils n’ont toujours pas accès au fichier des personnes recherchées et en particulier au sous-fichier S. Il nous semble également essentiel de réassigner les agents du SNRP à des missions purement de renseignement et non à des tâches administratives chronophages.

La question de l’insertion professionnelle. Dans votre fameuse « start-up nation », où il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi, le taux d’employabilité des détenus a considérablement chuté tombant à 29 % (20 000 détenus sur 69 000) alors qu’il était bien plus haut il y a quelques années, quasiment le double. Que s’est-il passé ? Comment lutter contre la récidive sans un plan ambitieux de réinsertion par l’éducation ou la formation professionnelle ?

Il est indispensable que le travail en prison soit un vrai travail et non, comme souvent, des ateliers occupationnels.

Quand 60 % des détenus souffrent d’une addiction plus ou moins sévère, la question de l’accès au soin devient sensible. Or les moyens médicaux sont faibles, les médecins manquent, et notamment les psychiatres, mais aussi les dentistes. La société se doit de prendre en charge la santé des personnes détenues. Car au-delà de l’impératif humain, c’est également une condition indispensable à la réinsertion.

Albert Camus disait, encore lui : « Une société se juge à l’état de ses prisons ». Force est de constater que la question carcérale est désormais au cœur des politiques publiques. La politique carcérale est au carrefour de nos défis sociétaux et humains. Elle ne peut se satisfaire de promesses ou d’effets d’annonces. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une politique carcérale au fil de l’eau, à petits pas. L’urgence nous conduit, nous tous, à accélérer le mouvement. Une autre politique carcérale plus ambitieuse, plus rapide, plus volontariste, est possible.

 

Philippe Benassaya

Député LR des Yvelines