Edito
13H00 - lundi 21 février 2022

Poutine vote Macron ? L’édito de Michel Taube

 

Même si en politique (comme en affaires), le cynisme n’a pas de limite, on ne saurait affirmer qu’Emmanuel Macron se réjouit des bruits de bottes à la frontière ukrainienne, pas davantage qu’il ne loua les vagues successives de Covid-19. L’occasion fait le larron, n’est-ce pas ?

Chacun des prédécesseurs d’Emmanuel Macron a eu son heure de gloire sur la scène internationale. Chirac et son refus que la France participe à la guerre en Irak en 2003, Nicolas Sarkozy et son intervention médiatrice en Géorgie en 2008, François Hollande au Mali en 2013. Quid de Macron ?

En cas de guerre, le réflexe souverainiste du peuple est ancestral et universel, même en démocratie. Rappelons-nous la guéguerre des Malouines, entre le Royaume-Uni et l’Argentine en 1982, qui contribua largement à la réélection de Margaret Thatcher. Si les troupes russes envahissaient l’Ukraine, elles ne continueraient pas leur chemin jusqu’à Paris. D’ailleurs, il est fort improbable qu’elles aillent au-delà de la région du Donbass, déjà en guerre de Sécession.

Mais le miroir grossissant des médias et la caisse de résonnance de l’administration américaine (« c’est la guerre, c’est la guerre ! ») confèrent à ce différend géopolitique une dramatisation dont les bénéficiaires sont nombreux, ne serait-ce que les pays producteurs de gaz et de pétrole, dont la Russie et les États-Unis.

En France, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron exploite (et c’est de bonne guerre) le filon sans réserve : s’appuyant accessoirement sur la présidence (chimérique) de l’UE par la France et de la place qu’elle occupe au Conseil de sécurité des Nations-Unis, il joue les amiables conciliateurs. Nicolas Sarkozy avait sauvé le monde lors de la crise financière de 2008. Cette fois, c’est Emmanuel Macron qui va le sauver de l’apocalypse nucléaire.

Vladimir Poutine et Joe Biden pourraient se rencontrer, et l’Élysée laisse entendre que c’est grâce à notre vaillant président. Aux dernières nouvelles, le Kremlin n’est pas aussi pressé que Paris de tenir un tel Sommet.

Dont acte. Mais, élections ou pas, les efforts de la France et de son président pour éviter une guerre sont louables et seront perçus comme tels.

Si guerre il y a, même limitée au Donbass, Emmanuel Macron ne déclarera sa candidature qu’à l’ultime moment, c’est-à-dire la semaine prochaine, ne fera quasiment pas campagne, tout en occupant les médias plus que tous les candidats déclarés. Il ne participera à aucun débat avant le premier jour. Il dramatisera la situation, forcera le trait et se présentera comme le protecteur de tous les Français, comme il voulut le faire en déclarant, dans ces termes, la guerre au Covid-19. Et si on en croit l’histoire, cette mayonnaise a toutes les chances de prendre.

Si la guerre n’éclate pas à l’Est, Emmanuel Macron se présentera en sauveur de paix, Vladimir Poutine ayant entendu la voix (sa voix) de la sagesse, la sagesse de la France, grande et respectée dans le concert des nations. Électoralement, ça ne vaut peut-être pas une bonne guerre, mais c’est bingo également.

Poutine, qui avait été accusé d’espionner LaREM en 2016-2017, et qui se fiche tzarement de la présidentielle française, vote donc bien Macron. À contrecœur, peut-être, car s’il n’avait d’autres préoccupations, le tzar préférerait sans doute une France plus docile, moins atlantiste. Tout le contraire de Macron en somme ! Un Zemmour réputé pro-Russe ?

Michel Taube

Directeur de la publication