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15H41 - lundi 20 décembre 2021

Retraites : un avenir pire que les prévisions ?

 

Après vingt ans d’études et de prédictions, systématiquement démenties par les résultats, le Conseil d’orientation des retraites est désorienté. Son optimisme, démentis constats après constats interroge sur la méthode autant que sur la crédibilité d’une institution dépassée par les événements.  Les économistes s’en rendent compte. Mieux vaut tard que jamais.

 

Nous le savions depuis longtemps et à force d’espoirs déçus : les prévisions sont rarement confirmées par l’avènement des faits. Et quand les pronostics s’appuient sur des présupposés par trop optimistes, il ne faut pas être grand clerc pour en imaginer les résultats. Vingt ans après la création du Conseil d’orientation des retraites (COR), la plupart des économistes dénoncent maintenant l’excès d’optimisme de ses prévisions[1].

Cet organisme, placé auprès du Premier Ministre, est chargé des prévisions et de la consultation des partenaires sociaux. Il publie régulièrement des projections de dépenses et de recettes des régimes de retraite, sur lesquelles les gouvernements s’appuient pour préparer les réformes.

Nul ne peut ignorer les raisons de ces réformes : le nombre de retraités augmente plus vite que le nombre d’actifs qui financent leurs retraites. En 1990, on comptait trois actifs pour un retraité, en 2040 ils ne seront plus que 1,4.

 

Démographie et croissance : deux facteurs d’équilibre des retraites

Si l’équilibre futur des retraites dépend de la démographie, il est plus sensible à la croissance de l’économie. Si la démographie est prévisible, car inscrite dans la structure actuelle de la population, l’évolution économique reste incertaine, d’autant plus sur le long terme. Face à cette incertitude, les économistes s’appuient sur une théorie affirmant que les salaires augmentent au rythme de la productivité. Problème : cette vision est purement normative. De fait, les prévisions passées du COR s’appuyaient sur un scénario central tablant sur une progression annuelle de 1,8 % de cette productivité, ce qui n’a jamais été observée ces dernières années.

L’optimisme de cette hypothèse permettait un certain consensus : il justifiait à la fois la résistance syndicale face aux réformes, et pour le gouvernement de limiter l’ampleur des réformes jamais populaires.

La croissance future est pourtant une variable essentielle pour l’équilibre des retraites. En effet, les cotisations retraites évoluent au rythme de la masse salariale, elle même très sensible à cette croissance.

 

Un coût de 40 milliards

D’ici 2040, le ratio retraités / actifs va augmenter au rythme annuel de 1,5 %. Si la croissance est supérieure, le régime peut s’équilibrer. Si elle est inférieure, les déficits vont se creuser. Les hypothèses sur cette croissance sont donc cruciales.

Lors d’une conférence tenue le 25 novembre 2021, la majorité des vingt-trois économistes sollicités a déclaré que ce chiffre péchait par optimisme et qu’un taux de 1 %, voire moins, serait plus réaliste. Il est toujours temps de redécouvrir la lune, et nul ne contestera, au passage, le courage du COR d’oser enfin s’interroger sur le biais de ses prédictions que l’Institut Chiffres & Citoyenneté soulignait dès 2016…

Car les conséquences de ces erreurs de jugement, en entravant la bonne gestion du risque et la prise de conscience des réformes nécessaires, ont un coût pour la Nation. Ce qui peut sembler, au départ, n’être qu’un petit écart a, cumulé sur des décennies, des conséquences importantes sur le long terme. Ainsi, l’horizon 2040, le déficit s’accroîtrait chaque année de 40 milliards d’euros, s’ajoutant à la dette publique (120 % du PIB). Si la confiance des marchés en la dette française se retournait d’ici là, et qu’on ne trouve plus de préteurs pour assurer simplement la trésorerie, des mesures drastiques devraient être prises : par exemple, une baisse significative des pensions. Les retraités actuels qui clamaient en 1968 : « on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance » seraient alors les premiers touchés.

 

François Jeger et Olivier Peraldi

Co-fondateurs de l’Institut Chiffres & Citoyenneté

 

[1] Cf. Chiffres et citoyenneté, pour un sursaut démocratique, éditions Hermann, 2016, Olivier Peraldi et François Jeger.

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