International
04H22 - lundi 22 novembre 2021

Energie : les relais allemands de la stratégie de Gazprom pour faire flamber le gaz

 

Comme nous l’avions démontré dans un précédent article, le géant gazier russe Gazprom se sert de ses capacités d’approvisionnement en gaz naturel comme moyen de pression sur l’Union européenne. Certaines entreprises, notamment en Allemagne, très liée à Gazprom, ont cependant pu contourner ces leviers de pression, signe de leur relation particulière et ambiguë avec l’entreprise de Saint-Petersbourg, détenue à 50,2% par le pouvoir russe.

Au nombre de ces acteurs économiques dont la capacité d’anticipation de la situation interpelle, l’entreprise chimique allemande BASF (accessoirement l’un des principaux partenaires européens de Gazprom) semble connaître depuis juin 2021 des plans russes visant à réduire le volume de gaz naturel disponible pour les clients de l’UE au second semestre 2021.

Selon nos sources, l’entreprise allemande aurait connaissance de la situation et a ensuite décidé d’acheter des volumes supplémentaires et de remplir entièrement ses propres installations internes de stockage de gaz avec du gaz naturel à Ludwigshafen et Schwarzheide.

En conséquence, BASF a pu minimiser ses pertes potentielles et n’étant pas forcé à acheter le gaz naturel au prix actuel du marché, dont les tarifs se sont envolés. Dans le contexte des informations connues, on peut supposer que le géant russe s’est entendu avec d’autres partenaires allemands pour limiter leur volume d’affaires. Dans le collimateur de cette suspicion, des champions nationaux outre-Rhin comme E.ON ou VNG. Gazprom aurait intentionnellement réduit le volume de gaz naturel transporté, à des fins de pression, et non pas du fait d’une situation conjoncturelle comme l’affirme l’entreprise russe.

 

Complicités allemandes

Pour rappel, la stratégie de Gazprom pousse ses clients finaux à manifester un intérêt pour la solution Nord Stream 2, dont la validation finale est l’objet d’intenses tractations politiques entre Moscou et plusieurs pays de l’UE, alors que les sources de fournitures alternatives déjà existantes (NS1, Yamal en Ukraine, Turkish Stream) sont volontairement sous-exploitées.

Autre signe du jeu russe, Gazprom est la seule entreprise qui n’a pas reconstitué ses installations de stockage de gaz durant l’été période où les fournisseurs augmentent leurs achats de gaz afin d’augmenter leurs stocks. Selon Gas Infrastructure Europe, les installations de stockage de gaz détenues par Gazprom ne sont ainsi pleines qu’à 18 %. Il s’agit du niveau le plus bas des huit dernières années, ce qui déstabilise le marché du gaz -et en bout de chaîne le consommateur final- dans un contexte où le prix des énergies, le pétrole notamment, qui ont flambé ces derniers mois commençaient à ralentir leur envolée.

 

Nikola Patras